13.03.2007
Les intérêts économiques passent avant les compétences scolaires
Les petites et moyennes entreprises (PME) appliquent des critères de sélection disparates pour sélectionner leurs apprentis. Résultat: un traitement inégalitaire en termes de sexe et de nationalité, qui touche particulièrement les jeunes étrangers. Quant aux performances scolaires, elles ne jouent qu’un rôle secondaire lors de la sélection. Tel est le résultat d’une étude menée dans le cadre du Programme nationale de recherche «Intégration et exclusion» (PNR 51).
En Suisse, les petites et moyennes entreprises (PME) fournissent près de 90 pour cent des places d'apprentissage. Les critères en fonction desquels elles choisissent leurs apprentis revêtent donc une grande importance économique et sociale. L"étude «Sélections des apprentis dans les petites et moyennes entreprises» de l’Institut de pédagogie curative de l’Université de Fribourg, réalisée dans le cadre du Programme national de recherche «Intégration et exclusion» (PNR 51), permet pour la première fois de fournir une réponse différenciée à cette question.
«Les résultats des recherches menées jusqu’ici ne permettent pratiquement pas de faire le lien entre les compétences scolaires des jeunes et leur sélection par les petites entreprises», explique Christian Imdorf, chercheur et spécialiste dans le domaine de la formation. Les chercheurs ont donc voulu mettre en évidence la logique sur laquelle repose la sélection professionnelle dans les entreprises. Et identifier la 2/3 façon dont le sexe, la nationalité et le cursus scolaire des candidates et candidats y sont perçus, en se penchant sur le mode de sélection des apprentis pour les métiers suivants: peintre d’automobiles, réparateur d’automobiles, mécanicien d’automobiles, ébéniste, assistante dentaire, assistante médicale, ainsi qu’employée et employé de commerce. Leur base de données reposait notamment sur quelque 80 entretiens menés avec des responsables de formation.
L’étude a mis en évidence un potentiel de «discrimination institutionnelle» dans le processus d’attribution des places d’apprentissage. «Les PME appliquent une logique de sélection interne à l’entreprise, explique Christian Imdorf. Or cette dernière fait une distinction systématique entre certains ensembles de candidats prédéfinis et les compétences de chaque candidate et de chaque candidat ne sont pas prises en considération.» Les chercheurs ont établi que les petites entreprises ne sélectionnent pas leurs apprentis de la même manière que les grandes entreprises. Ces dernières appliquent une procédure qui prévoit successivement un dépôt de candidature, un test d’aptitude et un assessment. Les PME appliquent le même schéma, mais de manière disparate. Leur choix n’est pas fondé sur une hiérarchie de critères, mais sur une «mosaïque peu claire», qui regroupe tout un ensemble de particularités jugées importantes.
L’attribution des places d’apprentissage par les PME n’a qu’un rapport limité avec les compétences des jeunes. La décision de ne pas retenir tel ou tel candidat est avant tout déterminée par des doutes quant à sa «capacité à convenir l’entreprise». Les jeunes d’origine étrangère sont défavorisés, notamment ceux qui ne viennent pas de pays de l’UE, comme l’ex-Yougoslavie ou la Turquie. Motifs invoqués: les déficits linguistiques et scolaires des concernés, même si l’étude démontre que les résultats scolaires ne joue qu’un rôle de second plan dans l’attribution d’une place d’apprentissage; les candidats qui présentent un cursus scolaire discret - sans note d’application, sans enseignement spécialisé et sans maturité fédérale – ont de bonnes chances, en règle générale. Les véritables motifs pour ne pas retenir une candidature sont plutôt de nature émotionnelle: on craint que les jeunes étrangers ne suscitent des conflits au sein de l’entreprise et ne drainent une clientèle indésirable.
Les candidates et les candidats sont souvent sélectionnés en fonction de leur sexe. Ainsi, les femmes ont de plus en plus accès aux métiers masculins, alors que les jeunes hommes se retrouvent exclus de professions comme celle d’assistant médical. Les responsables de formation craignent que les garçons ne compromettent le bon fonctionnement du cabinet. Résultat: ces derniers sont tenus à l’écart (et 3/3 donc mis à l’abri) d’une profession mal rémunérée, tandis que les médecins n’ont pas besoin de remettre en question leurs représentations stéréotypées. Christian Imdorf souligne que cette «discrimination institutionnelle» n’est pas due à de la malveillance, mais au souci de garantir la survie économique de l’entreprise. Toutefois, souligne-t-il, les responsables ne réalisent pas que de tels mécanismes d’exclusion peuvent précisément entraîner des désavantages économiques s’ils poussent à laisser passer des candidates et des candidats productifs.
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Christian Imdorf
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