30.04.2010
Pas d’augmentation de la biodiversité dans les vignobles «bio»
Les vignobles respectant les normes de la production biologique n’abritent pas davantage d’espèces par rapport à ceux cultivés selon les critères de la production intégrée (IP). Telle est la principale conclusion d’une étude co-financée par le Pôle de recherche national (NCCR) Survie des plantes, un réseau interdisciplinaire piloté depuis l’Université de Neuchâtel. Entreprise à l’Université de Fribourg, cette recherche vient d’être publiée dans la revue Biological Conservation.
Sous la direction de Sven Bacher, maître-assistant à l’Université de Fribourg, Odile Bruggisser a comparé des cultures IP et biologiques de vignobles situés sur les rives du lac de Bienne. Son travail de master avait pour objectif d’évaluer les conséquences écologiques d’une approche «bio», ainsi que celles de différentes méthodes traditionnelles de la lutte contre les mauvaises herbes (paillage ou tonte) ou les ravageurs (vaporisation de fongicide manuelle ou par hélicoptère). Pour ce faire, la jeune biologiste a mesuré les impacts de ces méthodes de production sur trois niveaux de la chaîne alimentaire (plantes, sauterelles, araignées).
Aucune influence positive tant sur l’abondance que la diversité de ces trois groupes d’organismes n’a été constatée dans les vignobles «bio» lors de cette expérience. Concernant les sauterelles, leur diversité était même plus importante dans les vignobles IP. Et les auteurs de l’étude de préciser : «Alors que l’agriculture «bio» est souvent synonyme d’enrichissement de la biodiversité, nos résultats suggèrent que si un bénéfice est régulièrement observé quand cette approche est appliquée aux cultures annuelles, son effet sur la diversité des espèces dans les plantations pérennes telles que les vignobles ou les vergers est plus nuancé.»
Les chercheurs formulent l’hypothèse que l’impact de la culture biologique sur la diversité des organismes n’est pas le même dans les cultures annuelles (comme le blé) que dans les plantations pérennes, où le niveau global de perturbation est bien plus faible. En effet, les cultures pérennes n’étant pas replantées chaque année, le niveau de perturbation du sol y est considérablement plus bas. Les vignobles offrent un habitat stable, sur une durée d’une quarantaine d’années, pour un grand nombre d’organismes. La production biologique réduit davantage encore le niveau de perturbation, permettant la mise en place d’un équilibre écologique dans lequel les compétiteurs les plus forts sont favorisés. D’autres espèces, plus tolérantes aux perturbations, trouvent au contraire des conditions plus avantageuses dans la culture traditionnelle. Par conséquent, la production biologique pourrait entraîner, dans certaines circonstances, une réduction de la biodiversité.
Dans les cultures annuelles en revanche, les plantes sont récoltées dans leur totalité chaque saison. Les organismes qui ont élu domicile dans ces écosystèmes voient leur habitat régulièrement bouleversé. A cet effet négatif s’ajoute l’usage massif de produits phytosanitaires. Une approche «bio», du fait d’une réduction drastique de pesticides, permet de compenser ces différentes perturbations, ce qui se traduit par une augmentation de la biodiversité dans ce type de culture.
Odile Bruggisser et ses collègues en concluent que les perturbations inhérentes aux vignobles «bio» seraient trop faibles pour avoir un effet remarquable sur la biodiversité.
Effects of vineyard management on biodiversity at three trophic levels
Biological Conservation, In Press, Corrected Proof, Available online 24 April 2010
Odile T. Bruggisser, Martin H. Schmidt-Entling, Sven Bacher
Contacts : Odile Bruggisser, assistante diplômée, Unité d’écologie et évolution, Université de Fribourg, 026 300 88 67, odile.bruggisser@unifr.ch
Dr Sven Bacher, maître-assistant Unité d’écologie et évolution, Université de Fribourg, 026 300 88 22, sven.bacher@unifr.ch