Dans le cadre de sa thèse de doctorat, Morgane Loretan développe un microscope à fluorescence portable permettant un diagnostic rapide des maladies infectieuses. Son projet est si prometteur qu’il lui a déjà valu le prix UBS Innovation challenge et pourrait déboucher bientôt sur un brevet.
C’est un appareil hightech dont les dimensions ne dépassent pas celles d’un mac-mini. Le microscope à fluorescence développé par Morgane Loretan sous la direction du professeur Guillermo Acuna en a la forme et les dimensions. Sur un établi encombré qui sent bon l’huile de coude, la physicienne valaisanne peaufine les ultimes détails de cet instrument d’un genre nouveau. Infiniment plus petit et léger que les microscopes à fluorescence conventionnels, il doit, couplé à un smartphone, servir à effectuer des tests diagnostiques de manière simple et rapide. Après quatre années de conceptualisation et des calculs physiques d’une haute complexité, Morgane Loretan est entrée dans la phase de concrétisation, celle qui requiert un sens aigu du bricolage et de l’improvisation, mais aussi des talents certains de marketing. Rencontre.
Morgane Loretan, dans le cadre de votre thèse de doctorat en physique, vous cherchez à mettre au point un microscope à fluorescence permettant un diagnostic rapide des maladies infectieuses. Comment vous est venue cette idée qui ne semble pas relever tout à fait de votre domaine?
Quand j’ai postulé à l’Université de Fribourg pour y faire mon doctorat, c’était un des thèmes proposés par le professeur Guillermo Pedro Acuna. J’ai toujours aimé les choses concrètes, la pratique et, étant de surcroît ingénieure physicienne, le projet m’a séduite.
Mais quel est l’avantage de votre appareil sur les tests conventionnels?
Notre test diagnostique portable permet, par exemple, d’éviter les problèmes qu’on a connus avec les tests à écouvillon nasal du temps pas si lointain du covid. Leur fiabilité était parfois douteuse. Le microscope à fluorescence, en revanche, offre un niveau de sensibilité beaucoup plus grand. Il peut détecter les marqueurs de maladie avant même que la personne testée ne présente des symptômes, ce qui est évidemment un avantage si l’on souhaite éviter que la maladie ne se répande.
La demande pour un tel dispositif émanait-elle des milieux médicaux?
C’est ce qui m’amuse: en sciences, on cherche la solution avant d’avoir trouvé le problème, tandis que les marchés veulent d’abord identifier le problème avant de chercher la solution. Nous pensons qu’un appareil portable permettant d’effectuer des tests diagnostiques de manière simple et rapide pourra s’avérer très utile dans les zones difficiles d’accès, notamment dans les pays en voie de développement sans accès à des laboratoires médicaux. Un médecin pourrait ainsi voir rapidement s’il a affaire à un virus ou à une bactérie, ce qui permettrait, en conséquence, de diminuer la quantité d’antibiotique prescrit en donnant directement le traitement le plus adapté. Et je parle de médecins mais les vétérinaires pourraient également se montrer intéressés.
Cette approche vous a surtout permis de réduire au maximum les dimensions de votre microscope.
C’est un de ses avantages car les microscopes à fluorescence conventionnels ne sont pas transportables, leur optique est de surcroît très fragile, et ils coûtent plusieurs centaines de milliers de francs. Nous avons aussi cherché à le rendre aussi simple d’utilisation que possible: il suffira de placer dans la boîte l’échantillon prélevé (sang ou salive), d’y coupler son smartphone, et de lancer l’application pour obtenir le résultat.
On peut imaginer que d’autres équipes, voire des grandes firmes, cherchent à conquérir un tel marché. La concurrence est-elle rude?
C’est un des points délicats, mais nous essayons de développer un système de test rapide qui soit plus sensible que ceux qui existent déjà sur le marché. Une sensibilité plus grande permettra de prendre les mesures préventives qui s’imposent.
Vous finirez votre thèse d’ici quelques mois. Quelle sera la suite?
Nous pensons faire une demande auprès d’Innosuisse, l’agence qui soutient l’innovation, afin d’obtenir les fonds nécessaires pour optimiser le microscope et créer une start-up. Il faudra aussi faire tester le prototype par différentes personnes pour être certain qu’il soit facile d’utilisation par tout un chacun.
C’est aspect marketing, relations publiques, que vous devez maintenant développer vous plaît-il?
Je n’ai fait qu’effleurer la surface, mais j’ai déjà appris plein de choses! Cela dit, cela m’a fait sortir de ma zone de confort et, pour ne rien vous cacher, j’ai même connu des périodes de stress au moment de ficeler mon dossier pour le concours UBS. Heureusement, j’ai pu compter sur l’aide du bureau de transfert technologique de l’Université et sur Fri Up, l’organe de soutien à la création d’entreprise du Canton de Fribourg. C’est hyper intéressant, mais c’est un défi.
Souhaitez-vous déposer un brevet?
Oui, car de cette manière il est toujours plus facile de trouver des investisseurs. Nous devons d’abord présenter la demande devant la Commission de la propriété intellectuelle (IP Board) de l’Université, afin de voir si elle accepte de nous soutenir, car la démarche coûte.
Votre produit va-t-il s’arracher?
Difficile de le savoir car les marchés peuvent bouger très vite, mais j’y crois. On m’a toujours dit que les start-up peuvent connaître des hauts et des bas et qu’il faut savoir gérer les bas!
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