Lutter contre le racisme coule de source, mais encore faut-il s’entendre sur ce concept. C’est l’objectif d’une table ronde organisée par l’Observatoire de la diversité et des droits culturels le 30 avril prochain. Entretien avec son président, Patrice Meyer-Bisch.
Si on part du principe que les races n’existent pas, comment définir le racisme?
Le racisme désigne globalement une attitude de discrimination à l’égard d’un groupe et de chacun de ses membres, selon des motifs variés, plus ou moins visibles comme la couleur de la peau, l’origine ethnique, ou d’autres caractéristiques plus ou moins sensibles, comme la langue, les coutumes, la religion et l’origine sociale. Bref, il entretient l’illusion de l’existence de « races » sous différents termes, avec en même temps l’interdiction de les définir. Si le racisme existe en tant qu’attitude extrêmement indigne et crée beaucoup de dommages, il cache un flou qu’il est essentiel de déconstruire.
Alors que cache ce concept, finalement?
La notion cache des discriminations multiples (sexe, couleur, apparence physique, origine culturelle ou sociale, âge,…) qui se renforcent mutuellement jusqu’à construire une identité globale, ce qu’on nomme un « essentialisme des cultures ». Cela veut dire que si une personne « appartient » à tel groupe, elle en épouse toutes les caractéristiques fondamentales, ou supposées telles.
Notre position est que si on ne déconstruit pas cet amalgame de discriminations, on s’attaque à un épouvantail au lieu de traiter les discriminations concrètes et la façon dont elles se répandent : à la fois au niveau des relations personnelles, et des rapports de pouvoir, qui mènent à la xénophobie et à toutes les sortes de conflits des plus meurtriers.
De même, presque personne ne se définit lui-même comme raciste. Comment alors réussir à faire prendre conscience des comportements racistes dont nous pouvons faire preuve?
Précisément, en détaillant les divers motifs de discrimination, puis en montrant comment ils se multiplient (lorsqu’une personne est discriminée à la fois au motif de sa couleur, de son genre, de son origine ethnique, de sa langue,..). Les comportements s’analysent au niveau de proximité, dans les relations de quartier, au travail, mais aussi au niveau des grandes options politiques, face aux migrations notamment, et aux responsabilités de la Suisse à l’international.
Le politiquement correct est roi aujourd’hui. A force de faire attention à tout ce qu’on dit et tout ce qu’on fait, on ressent parfois une certaine lassitude. Trouvera-t-on un jour un équilibre?
Le politiquement correct est roi s’il se réduit à des interdits simplifiés. Bien sûr, il faut prévenir, dénoncer et condamner les comportements racistes et ce qui y conduit. Mais il faut proposer quelque chose de solide à la place, et pas seulement un appel à la tolérance et au «vivre ensemble». Nous pensons que les droits humains apportent une voie plus forte, plus précisément les droits culturels, celle de la connaissance, du partage et de la critique mutuelle de la diversité des valeurs culturelles avec lesquelles nous fabriquons chacun, individuellement et collectivement, les différentes facettes de notre identité.
30 avril, 18h15-20h00
MIS 3113
Contact: greta.balliu@unifr.ch
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