«Je conseille à tous les étudiants de profiter des possibilités offertes pour étudier à l'étranger»

Stéphane Rey

Chef du domaine politique de paix, Direction politique, Département fédéral des affaires étrangères (DFAE)

Diplômé d'une licence en littérature française, linguistique française et histoire contemporaine en 2000


 

  • Quel est votre parcours professionnel?

    Après mes études en littérature française, linguistique française et histoire contemporaine, j'ai commencé une carrière d'enseignant dans un collège de Fribourg, en parallèle de laquelle je préparais aussi mon diplôme de maître de gymnase. Le soir de l'obtention de mon diplôme d'enseignant, j'ai également célébré la fin de cette carrière. J'avais décidé de changer de voie quelque temps auparavant. Enseigner me plaisait, mais j'avais un besoin d'air libre, d'espace. C'est pourquoi j'ai pris un aller simple pour Guatemala City. 

    Une fois arrivé au Guatemala, en 2001, je me suis inscrit à une école de langue et j'ai été assez vite engagé comme bénévole à la GTZ, une agence de coopération technique allemande. GTZ m'a confié la tâche d'observer l'application de l'accord de paix de 1996 qui prévoyait la reconnaissance des minorités linguistiques dans l'enseignement autour du lac Atitlán. Durant 6 mois, j'ai vécu au Guatemala une expérience dans un univers totalement différent de ce que je connaissais jusque-là, et cela m’a donné envie de poursuivre dans cette direction; c'est-à-dire dire continuer à évoluer dans une profession tournée vers l'international.  

    Je me suis alors inscrit à la London School of Economics afin de réaliser cette ambition et j'ai choisi des études sur le Moyen-Orient. Le semestre commençait le 18 septembre 2001, soit quelques jours après les attentats. C'était un moment passionnant durant lequel on a pu réinventer, ou plutôt changer le cadre d'analyse des pays du Moyen-Orient. En parallèle, j’ai obtenu une bourse de l’UNESCO pour travailler sur les relations entre société civile et Islam politique en Iran, et ce durant 6 mois. 

    De l'Afghanistan à New York

    Après cette expérience, j'ai postulé au Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Ils ont aimé mon côté touche-à-tout et mes expériences différentes. Comme je savais déjà le perse, ils m'ont envoyé dans l'ouest de l'Afghanistan. C'est ainsi que ma première mission pour le compte du CICR, en 2003-2004, s'est déroulée à Hérat, dans la province du même nom. A l'époque, les talibans venaient de tomber, mais il y avait encore des poches de guerre civile. Ce poste, c’était un travail de délégué classique : visites de prisons, sensibilisation au droit international humanitaire, coopération avec le Croissant-Rouge, échanges de messages aux familles des détenus de Guantanamo, inspections des conditions de détention dans les prisons, etc. Ce poste exigeait d'apprécier le travail de terrain.

    Ensuite, j’ai directement enchaîné avec une mission en Sierra Leone, en 2005, où j’ai travaillé sur l’image du CICR en participant aux travaux de la commission Vérité et réconciliation. Pendant ce séjour, je me suis présenté au concours interne des Nations Unies (YPP, à l’époque appelé NCRE) ouvert aux moins de 32 ans et, ayant été reçu, j’ai obtenu un poste en politique humanitaire au Secrétariat de l’ONU à New York.  Je me suis retrouvé à écrire des rapports et des discours pour le regretté Kofi Annan. Une sacrée expérience.

    Bien que j’aie apprécié ce poste à l’ONU, le lien avec la Suisse a commencé à me manquer. C’est pourquoi j’ai fait en 2006 le concours diplomatique. Et le 1er mai 2007, je suis entré au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).

    Carrière diplomatique

    Ma carrière diplomatique a commencé en 2007 à la Division ONU du DFAE à Berne, avec comme mentor un ambassadeur fribourgeois, Alexandre Fasel, avec qui j’ai beaucoup appris. Puis est venu ma première expérience avec ce qu'on appelle "la discipline des transferts". Il s'agit de l'obligation, pour les diplomates, de changer de poste chaque 3-4 ans.

    De 2010 à 2014, j'ai été chef adjoint puis chef de l'équipe pour les affaires Paix et sécurité à la mission permanente de la Suisse auprès de l’ONU à New York. 

    En 2014 est revenu le moment du transfert et j'ai été nommé chef adjoint de l’ambassade de Téhéran, et chef du secteur économique. C'était au moment de l’ouverture économique de l’Iran. Il faut également préciser que, à l'ambassade de Suisse, nous représentons aussi les Etats-Unis. Cela signifie que nous nous sommes occupés de la libération de prisonniers américains, etc.

    Enfin, depuis 2017, je suis chef de la politique de paix à la division Sécurité humaine du DFAE, et ce, jusqu'en 2021 normalement. Après, je vais repartir... et je ne sais pas encore dans quel pays!

  • Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots en quoi consiste votre profession?

    Depuis fin 2017, je suis chef de la politique de paix à la Division Sécurité humaine du DFAE. La Division Sécurité humaine, composée d'une centaine de personnes, traite des dossiers en lien avec la paix, les droits de l’homme, la politique humanitaire et la politique migratoire. A la politique de paix (une septantaine de personnes), on répond aux nombreuses demandes de soutien pour promouvoir la paix, on participe aux processus de médiation (des pays ou des mouvements nous approchent et on essaie de trouver des solutions pour permettre la paix). Il s'agit d'un rôle de conseil à destination des pays étrangers qui le demandent, mais aussi envers nos autorités, car c’est un domaine délicat où il faut beaucoup nuancer, expliquer. On ne peut pas faire la paix n’importe comment; certains procédés fonctionnent, d’autres non. Et on est une sorte de tiroir des bonnes pratiques, d'où nous tirons nos conseils. 

  • Quels sont les moments décisifs de votre parcours?

    L'un des moments clefs est lorsque, au Guatemala, sans expérience, on m'a donné un petit travail, sans que j'aie eu à trop chercher, et qu’on m’a envoyé sur le terrain. J’ai pu me rendre compte que moi, qui venais d’un petit village fribourgeois, je pouvais le faire; je pouvais réussir à accomplir la tâche qu'on m'avait confiée dans cette région guatémaltèque. 

    Et puis, évidemment, l'autre moment décisif a été celui de la réussite du concours diplomatique en 2007.

  • Qu’avez-vous particulièrement apprécié durant vos études à Fribourg?

    Paradoxalement, c'est le fait d'avoir pu facilement quitter l'Université de Fribourg pour partir en échange Erasmus à Birmingham que je retiens; et que l'Université ait montré une certaine patience et une certaine ouverture quand je suis revenu. Evidemment, lorsqu’on étudie la linguistique française et l’histoire contemporaine suisse, c’est difficile de trouver des cours qui correspondaient (nous n’étions pas encore dans le système de Bologne). Et pourtant, tous mes crédits m'ont été accordés. Mon échange à Birmingham a été sans aucun doute une expérience déterminante et je conseille à tous les étudiants de profiter des possibilités offertes pour étudier à l'étranger. 

    Je pense que la liberté et l'ouverture ainsi que l'approche humaniste sont des qualités propres à l'Université de Fribourg.

  • Un conseil pour que les futur·e·s étudiant·e·s s'insèrent au mieux dans la vie professionnelle?

    Je dirais avant tout qu'il faut multiplier les expériences, faire ce qu’on aime et prendre des risques! Partez à l’aventure, profitez! Il y a en Angleterre cette notion de Gap year, qui permet aux étudiant·e·s d'avoir le temps de réfléchir à leur futur. L’expérience de vie et la diversité des expériences professionnelles permettent de se constituer un profil unique. Prenez un billet d’avion aller simple et regardez les possibilités offertes sur place!

    Pour celles et ceux qui désirent travailler au DFAE, il ne faut pas se focaliser sur le concours. On entend souvent dire qu’il faut avoir tel ou tel profil. Selon mon expérience, tout type de personnalités est représenté. Ce qu’il faut avant tout, c’est avoir le goût du terrain. Mais aussi de la patience et de la tolérance face à un univers en mouvement. Le tout avec un sens de la précision, de la rigueur mais aussi de l’endurance, qui sont des qualités essentielles qu’il faut vouloir avoir envie de cultiver et qu’on a l’occasion de mettre à l’épreuve chaque jour.