Med Home : Une expérience formative unique
Pour la troisième année consécutive, les étudiant·e·s en deuxième année de master en médecine à l’Université de Fribourg auront au mois de mars l’opportunité d’arpenter le canton avec le service Med Home. Cette journée pratique à participation volontaire est l’occasion pour elles et eux de faire l’expérience de visites à domicile aux côtés de médecins de famille chevronnés.
Depuis sa création en 2017, Med Home propose des consultations médicales à domicile 7 jours sur 7. Ce service est assuré par neuf médecins de famille qui se déplacent dans tout le canton de Fribourg à bord des trois voitures géolocalisées de l’entreprise. Ceux-ci sont épaulés par une équipe de dix autres personnes pour les aspects logistiques et administratifs. « On s’occupe de tout ce qui n’est pas médical pour que les médecins n’aient qu’à penser à leur consultation, leur interaction avec les patient·e·s et leur rapport de visite, » commente Alvaro Nieto, qui co-dirige Med Home avec Bénédicte Hagger. L’une des tâches essentielles, menée par sept régulatrices qui se relaient, est de répondre au téléphone, faire un premier tri selon le niveau d’urgence des motifs d’appel et agender les visites en conséquence.
Du côté des médecins, la polyvalence est également de mise. « C’est du travail en finesse où il faut comprendre pourquoi on nous appelle et savoir prendre les bonnes décisions », explique le docteur Pierre-Olivier Müller, médecin responsable de l’entreprise. Il ajoute qu’une certaine prudence est à observer lorsqu’ils répondent aux demandes de la patientèle. « On sait qu’on peut parfois être instrumentalisés vis-à-vis des médecins traitants, dit-il, donc on est très attentifs à respecter les règles de déontologie. On joue le jeu dans la transparence la plus totale. »
Par ailleurs, les médecins de Med Home se laissent toujours la possibilité de référer un·e patient·e, notamment en cas de poly-morbidité et dans les situations aiguës, où le service des urgences de l’HFR représente une ressource indispensable. « Il est fondamental d’être conscient de ses limites et de les respecter, souligne le Dr Müller. D’autant plus que de nombreuses visites se passent dans des contextes psychiatriques, psychosociaux ou environnementaux complexes. » Au vu de cela, le médecin met un point d’honneur à octroyer suffisamment de temps à chaque consultation pour pouvoir être à l’écoute des patient·e·s. « Cela me frappe le besoin que les gens ont de pouvoir dire ce qui leur arrive ! », exprime-t-il.
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De la clinique de terrain
Il y a quelques années, le service Med Home a fait son apparition dans le programme de cours des étudiant·e·s en cinquième année de médecine à l’Université de Fribourg (Unifr). C’est en 2020, après 30 ans d’activité en cabinet de médecine interne générale à Yverdon-les-Bains, que le Dr Müller a rejoint l’entreprise de soins à domicile. « Synchronicité incroyable » : le Dr Olivier Pasche venait à ce moment-là de prendre le poste de vice-directeur et de responsable de l’enseignement prégradué au sein l’Institut de médecine de famille de l’Unifr. Les deux médecins avaient déjà travaillé ensemble dans le cadre du programme de Formation des médecins omnipraticiens dans le Nord vaudois et la Broye et, de fil en aiguille, ils ont collaboré à nouveau pour créer un séminaire sur les visites à domicile dans le cursus médical fribourgeois.
En 2023, deux étudiant·e·s ont manifesté leur intérêt à bénéficier d’une expérience pratique de ces consultations itinérantes en accompagnant des médecins de Med Home le temps d’un jour, opportunité que le Dr Müller leur a accordé avec plaisir. « C’est une ressource incroyable pour la formation, partage-t-il, car c’est du concret : on est vraiment dans le dur de la médecine générale. » En effet, l’examen clinique est le point central des visites à domicile, un aspect que le docteur trouve extrêmement important de transmettre aux jeunes médecins. « Parfois, dit-il, il faut mettre la main sur le ventre, il faut ausculter, regarder, sentir. Tous ces éléments-là, on ne les apprend pas à l’université. C’est un peu ce qui fait le sel du travail de généraliste. »
L’enthousiasme des deux premier·ère·s participant·e·s a encouragé les docteurs Pasche et Müller à réitérer l’offre l’année suivante. Cette fois-ci, ce sont cinq étudiant·e·s qui se sont porté·e·s volontaires pour une journée d’immersion avec Med Home, et leurs retours à son sujet ont été excellents. Ils et elles ont relevé notamment l’accueil chaleureux de l’équipe, la pédagogie dont les médecins ont fait preuve, leur implication active dans l’anamnèse, le défi d’ausculter les patients sans le confort d’une salle de consultation et la possibilité d’évaluer les situations des personnes en prenant en compte leur environnement de vie.
De leur côté, les patient·e·s sont tout aussi emballé·e·s par le concept : « Les étudiant·e·s sont accueilli·e·s à bras ouverts, raconte le Dr Müller, les gens trouvent cela formidable ! ». Celui-ci se dit également impressionné par la motivation des jeunes médecins à participer à cette expérience, comme à d’autres pratiques de terrain : « Ils et elles ont fait des stages à gauche à droite, des cours de samaritains ou de sauvetage… On les sent très concerné·e·s. »
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Une opportunité en voie de pérennisation ?
Au vu de ce succès, la journée pratique avec Med Home sera à nouveau proposée aux étudiant·e·s en mars 2025. Pour ce troisième round, la seule amélioration suggérée serait que les participant·e·s soient davantage impliqué·e·s dans les réflexions sur les diagnostics différentiels. Le médecin responsable a pris note de cette remarque : « Il y a des situations où ce n’est pas un problème et où je les mettrai plus au front, » affirme-t-il. Si le temps le permet, une discussion sur le diagnostic et la prise en charge possible a lieu après la visite, et il arrive même qu’il y ait un suivi ultérieur de l’évolution d’une situation. « Cela dépend aussi de l’implication de l’étudiant·e, de s’il ou elle veut approfondir, ajoute le Dr Müller. Je fais à la carte ! »
La pérennisation de cette offre de formation unique en son genre est pour l’heure en réflexion. Si la variabilité parfois importante du nombre et des types de consultations rend compliqué de définir des objectifs précis pour cette journée, c’est aussi ce qui en fait la richesse. En effet, l’imprévisibilité fait partie intégrante de toute activité clinique, et c’est justement le cumul des opportunités d’apprentissage de ce genre qui permet aux jeunes médecins d’étoffer leurs compétences pratiques. Par ailleurs, des discussions sont en cours pour formaliser l’organisation de ce stage afin de le rendre accessible à un plus grand nombre d’étudiant·e·s. Ce qui est sûr, c’est que l’envie de pérenniser l’expérience est présente du côté de Med Home. « Mes collègues adorent transmettre autant que moi, conclut le Dr Müller, donc nous, en tout cas, nous sommes ouverts à l’idée. »