09.07.2013
La fonte des pentes alpines
Dans les Alpes, le permafrost stabilise les pentes des montagnes. Grâce à une approche du modèle informatique, développé par des géographes de l’Université de Fribourg, c’est la première fois qu’on est en mesure d'estimer quand le réchauffement climatique commencera à faire fondre ces zones.
La station de mesure du Schilthorn (Photo: C. Hauck)
La sécurité des villages et des voies de communication des Alpes suisses est garantie par les versants des montagnes gelés en permanence. A cause du réchauffement climatique, le permafrost (sol gelé en permanence) de ces parois fond et provoque des éboulements très préoccupants. Pour évaluer le danger, il est important de pouvoir estimer quel type de permafrost commencera à fondre et à quels endroits. Le groupe de recherche fribourgeois dirigé par Christian Hauck, professeur de géographie physique, est parvenu à mettre en place une approche du modèle permettant d’estimer la fonte des nombreux permafrost, souvent très différents.
Pour ce faire, les géographes ont choisi comme zones de test deux endroits distincts, situés dans les Alpes suisses: le sommet du Schilthorn et le glacier rocheux du Murtèl-Corvatsch en haute Engadine. Les calculs issus des simulations sur ordinateur, influencées par divers modèles climatiques, ont montré que le permafrost du Schilthorn commencera à fondre dans les 10 ou 20 prochaines années approximativement, alors que le glacier rocheux du Murtèl-Corvatsch connaîtra le même processus 50 à 100 ans plus tard seulement. «Nous avons constaté que notre simulation dépendait bien moins du choix du modèle climatique que des conditions locales du permafrost», explique Christian Hauck.
Le travail de Martin Scherler, doctorant auprès du Prof. Hauck, publié dans la revue scientifique Journal of Geophysical Research, est basé sur l’analyse de données provenant de forages dans la roche et les matériaux meubles d’une profondeur de 60 à 100 mètres dans ces deux endroits. C’est de ces forages, effectués il y a 10 et 30 ans seulement, que proviennent les plus anciennes séries de données concernant le permafrost en Suisse. Martin Scherler a mis en relation la structure géologique et les données climatiques locales, puis il a calculé les processus physiques à l’aide d’un modèle informatique. Un des défis a été de montrer la complexité des lieux sur la base d’un modèle simple. «Personne n’avait encore accompli cela avec une telle précision», explique Christian Hauck.
Représentation graphique de l'évolution de la neige et des températures (cliquer pour agrandir)
Un facteur critique concernant le dégel est de savoir jusqu’à quelle profondeur la couche superficielle (la couche active) fond en été. Dans ce cas, ce n’est pas uniquement la température de l’air qui est déterminante, mais également le moment de l’année pendant lequel elle est recouverte par une couche de neige. En effet, au printemps, la couche de neige protège d’un dégel précoce, alors qu’en automne elle peut empêcher une congélation complète. Dès l’instant où la couche active n’est plus complètement congelée durant plusieurs années, le permafrost tout entier commence à fondre. Plus la teneur en glace (proportionnellement à la roche, à l’air et à l’eau sous forme liquide) dans la couche active est élevée, plus la fonte du permafrost sera retardée et plus longtemps ce dernier sera préservé.
Le Prof. Hauck tient cependant à préciser: «Il ne s’agissait pas d’une recherche commandée pour le Schilthorn. Nous ne nous sommes pas occupés d’analyser la stabilité de la paroi, car, dans ce domaine, le permafrost n’est qu’un des nombreux facteurs d’influence. Le Schilthorn a été choisi comme endroit test pour le modèle uniquement en raison des excellentes mesures qui y ont déjà été effectuées et de la logistique facilitée». Pour que la simulation reste simple, les chercheurs fribourgeois n’ont pas tenu compte de la forme du terrain, ni du balayage de la neige par le vent. Ces aspects, et d’autres encore, seront étudiés dans un nouveau projet du Fonds National (TEMPS) d’un montant de 1,5 million de francs. Sous la houlette de l’Université de Fribourg, des géographes des Universités de Zurich et Lausanne et de Institut pour l'étude de la neige et des avalanches (SLF) de Davos, ainsi que des chercheurs en climatologie de l’EPF de Zurich collaboreront à ce projet. «En ce qui concerne l’exploration de zones complexes dans les Alpes, la Suisse est tout à fait unique», précise Christian Hauck.
Lien vers l'article dans le "Journal of Geophysical Research"
Contact: Christian Hauck, professeur de géographie physique, Université de Fribourg, christian.hauck@unifr.ch, 079 884 47 17