Paléogénétique15.07.2016
D’où venaient les premiers paysans d’Europe?
Les dernières études sur les génomes préhistoriques révèlent que l’agriculture a été introduite en Europe par des paysans immigrés. Selon les récentes conclusions d’une équipe de chercheurs internationale, contrairement à ce que l’on supposait jusqu’à présent, ces paysans ne venaient pas du «Croissant fertile». Cette région, considérée comme étant à l’origine de la révolution néolithique et située à la lisière nord du désert syrien, ne semble plus être l’unique berceau de l’agriculture.
La sédentarité, les premières cultures et activités agricoles sont apparues il y a 10 000 ans dans le Croissant fertile, région située entre le sud-est de l’Anatolie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. Environ 2000 ans plus tard, le style de vie néolithique a gagné l’Europe du sud-est pour s’étendre à l’Europe centrale et au bassin méditerranéen. En écologie humaine, la transition des activités de chasse et de cueillette vers l’agriculture et un mode de vie sédentaire est considérée comme un changement radical, qui se reflète dans le terme «révolution néolithique».
Le langage clair des ossements
Afin de remonter à l’origine de ces premiers paysans, les chercheurs de l’Université Johannes Gutenberg de Mayence (JGU), de l’University College London (UCL) et de l’Université de Fribourg ont analysé l’ADN de leurs ossements, vieux de 10 000 ans et trouvés dans les monts Zagros en Iran, soit une partie du Croissant fertile. L’étude qu’ils viennent de publier montre que ces individus n’étaient ni les principaux ancêtres des premiers paysans d’Europe, ni ceux des Européens modernes. Ils appartiendraient plutôt à un groupe génétique apparenté de très loin seulement aux premiers paysans de l’Anatolie occidentale et européenne. «Ce fut une grande surprise pour nous», déclare Daniel Wegmann de l’Université de Fribourg, qui a procédé à l’analyse bioinformatique des nouvelles données. L’équipe n’a réussi à démontrer que récemment que les racines des anciens paysans d’Europe menaient à la Grèce et à l’Anatolie du nord-ouest, d’où sont partis les colons néolithiques émigrés vers l’Europe. Ces derniers y ont introduit le mode de vie sédentaire, l’agriculture, les animaux d’élevage et de compagnie, ainsi que des plantes. Daniel Wegmann poursuit: «Nous avons supposé que cette filière nous mènerait à la région du Croissant fertile. Il semble toutefois que la route migratoire vers l’Europe s’interrompe quelque part en Anatolie orientale.»
L’étude montre que les habitants de la région de Zagros se sont séparés des autres Européens il y a plus de 50 000 ans. «Il est intéressant de constater que, selon toute probabilité, les habitants de différents territoires d’Anatolie et du Proche-Orient, qui n’avaient pas la même apparence extérieure et ne parlaient sans doute pas la même langue, ont adopté un style de vie agricole en même temps», affirme Joachim Burger de la JGU, paléogénéticien en chef de l’étude.
Une ascendance partagée
L’étude prouve que l’agriculture s’est propagée du Croissant fertile à l’Europe en tant que culture, mais pas d’un point de vue génétique. Les premiers paysans de la région du Croissant fertile se déplaçaient en effet vers l’est: l’équipe de chercheurs a découvert que les génomes iraniens de l’ère préhistorique s’apparentaient aux génomes d’Asie du sud de l’époque moderne.
Il en ressort que les ancêtres des premiers paysans appartenaient à deux groupes ethniques au minimum: les peuples des monts Zagros de la partie orientale du Croissant fertile, qui sont les ancêtres de la plupart des Asiatiques du sud de l’époque moderne, et les Egéens qui ont colonisé l’Europe il y a 8000 ans. «Sur le plan génétique, l’origine de l’agriculture est plus complexe que nous le pensions jusqu’ici. On ne peut pas parler d’un centre néolithique unique. Il faut commencer à se faire à l’idée d’une zone centrale néolithique fédéraliste», poursuit Joachin Burger.
Photos
Analysis of a DNA in the laboratory
photo/©: AG Palaeogenetik, JGU
Shared-press pics palaeogenetics Mainz
Publication
science.sciencemag.org
Thèmes connexes
Zuzana Hofmanová, Susanne Kreutzer et al. (2016) Early farmers from across Europe directly descended from Neolithic Aegeans. Proceedings of the National Academy of Sciences