Alzheimer09.03.2020

Maladie d’Alzheimer: quand la salive parle


C’est une statistique qu’on ne risque pas d’oublier: chaque 17 minutes en Suisse, une personne se voit diagnostiquer une forme de démence, principalement la maladie d’Alzheimer chez les personnes âgées. Une équipe de chercheurs de l’Université de Fribourg a démontré que l’analyse de la flore microbienne présente dans la salive permet d’identifier de manière précoce les patients à risque. Une découverte essentielle pour la mise en place de traitements préventifs.

En 2019, la Suisse comptait plus de 128’209 patients atteints de démence. La maladie d’Alzheimer en est la forme la plus répandue, en particulier chez les seniors, et se caractérise par une atrophie progressive du cerveau accompagnée de pertes de mémoire. La maladie évolue de manière insidieuse, puisqu’elle peut rester plus de 10 ans sans symptômes. Une fois que ceux-ci se manifestent, des processus irréversibles sont déjà bien engagés, ce qui rend difficile tout traitement médical.

Importance de la détection précoce
Ces 20 dernières années, même s’ils s’en approchent, les chercheurs ne sont pas encore parvenus à développer de médicaments permettant d’enrayer la progression de la maladie. Le taux d’échec des essais cliniques dépasse même les 99%! Pas étonnant dès lors que tous s’accordent à dire qu’il est crucial de détecter la maladie d’Alzheimer de manière précoce si l’on souhaite adopter des stratégies thérapeutiques préventives chez les patients à risque.

Des indices de la maladie dans la salive
En 2019, une équipe américano-polonaise a pu démontrer le lien entre P.gingivalis, une bactérie pathogène causant la gingivite, et la maladie d’Alzheimer. C’est ce même type d’indices, cachés dans la salive, que l’équipe du Dr Alberi Auber, a réussi à identifier.
Les chercheurs du SICHH et de l’Université de Fribourg, en collaboration avec le professeur Jean-Marie Annoni et son équipe de neurologie à l'hôpital cantonal de Fribourg (HFR), ont, dans un premier temps, utiliser des tests olfactifs et cognitifs pour repérer des patients présentant une perte d’odorat, un signe potentiellement annonciateur de la maladie d’Alzheimer. Ils ont ensuite procédé à une analyse de la flore microbiale de la salive de ces sujets. Ce dépistage a permis de démontrer que cette flore évolue fortement en fonction de la sévérité de la maladie. Ces résultats, publiés dans la prestigieuse revue scientifique Alzheimer’s & Dementia Journal, démontrent que la salive, grâce à certains biomarqueurs qu’elle contient, constitue un excellent moyen de diagnostic, non invasif de surcroît, à des stades précoces de la maladie d’Alzheimer.

Mieux vaut prévenir... puisqu’on ne sait pas guérir
Ce dépistage, réalisable alors que la maladie ne déploie encore aucun effet visible, est essentiel: il permet, en l’absence pour l’heure de thérapies efficaces, de mettre en place des traitements visant à restreindre les inflammations buccales, à améliorer l’hygiène corporelle et à entraîner la plasticité du cerveau. Pour l’OMS, en l’état de l’art, cela reste, la solution la plus pragmatique pour lutter contre la  progression de la démence.

Bathini P, Foucras S, Dupanloup I, Imeri H, Perna A, Berruex J-L, et al. Classifying dementia progression using microbial profiling of saliva. Alzheimer’s & Dementia: Diagnosis, Assessment & Disease Monitoring 2020;12:73–7.