01.12.2006

L’école buissonnière est un problème sous-estimé


En Suisse, un élève sur deux sèche occasionnellement l’école, et 5 pour cent des élèves font l’école buissonnière plus de cinq fois par an. La qualité de l’établissement scolaire et la relation enseignant-élève jouent un rôle important dans ce problème, comme le montre une étude soutenue par le Fonds national suisse: le phénomène n’est en effet pas uniquement individuel mais aussi d’ordre institutionnel.

L'absentéisme scolaire devient un problème sérieux, non seulement en Allemagne, où le sujet fait des remous dans les médias, mais aussi en Suisse. Les établissements scolaires helvétiques et les directions de l"instruction publique tolèrent pourtant tacitement ce phénomène rarement débattu ouvertement. Les spécialistes considèrent toujours l’école buissonnière comme un problème strictement individuel.

Margrit Stamm, professeure assistante en pédagogie et en psychopédagogie à l’Université de Fribourg, s’est penché sur ce problème à peine étudié en Suisse. Son étude «L’absentéisme scolaire en Suisse - le phénomène et ses conséquences», soutenue par le Fonds national suisse, se base sur un échantillon aléatoire de 28 écoles et d’environ 4000 élèves des deux sexes dans neuf cantons de Suisse alémanique. Les élèves interrogés étaient de niveaux scolaires différents et avaient entre 12 et 17 ans. 65 pour cent d’entre eux fréquentaient une école secondaire, une école régionale ou une classe prégymnasiale.

Les résultats obtenus sont les suivants:

• Environ 50 pour cent des élèves ont déjà séché l’école au cours de leur scolarité. En comparaison internationale, ce chiffre se situe audessus de la moyenne.
• Un élève sur trois sèche l’école occasionnellement et a fait au moins une fois l’école buissonnière au cours du dernier semestre.
• Presque 5 pour cent des élèves ont séché l’école plus de cinq fois lors du dernier semestre. En Suisse, il y a donc plus d’élèves qui font régulièrement l’école buissonnière que d’élèves surdouées.

On s’aperçoit également que l’absentéisme scolaire commence tôt: plus d’un tiers des élèves ont séché l’école pour la première fois entre la quatrième et la sixième année primaire. Il est cependant impossible de savoir si ce phénomène s’est accentué ou non ces dernières années. Une chose reste cependant certaine: le phénomène est sous-estimé. Les enseignants interrogés dans le cadre de l’étude se trompent nettement sur le comportement de leurs élèves à cet égard.

L’absentéisme scolaire est dissimulé selon les possibilités: les trois quarts des élèves affirment qu’ils étaient seuls à la maison et ont feint d’être malades auprès de leurs parents. Dans une famille sur trois, les parents sont prêts à signer une excuse. Et un élève sur cinq a déclaré avoir déjà falsifié la signature de ses parents.

64 pour cent de sondés motivent leur absentéisme en n’ayant «pas envie d’aller à l’école», 42 pour cent voulaient dormir davantage et 40 pour cent affirment que les cours les ennuyaient. Ces éléments témoignent d’une certaine lassitude et d’un point de vue négatif face à l’institution scolaire. Les exigences scolaires jouent également un rôle. 22 pour cent des élèves ne s’entendent pas avec leur enseignant et manquent l’école pour cette raison. On observe aussi des schémas de reproduction de comportement: «Les autres le font aussi» (19 pour cent). Peu d’élèves invoquent le mobbing ou des brutalités.

Pour Margrit Stamm, ce taux de cinq pour cent d’élèves séchant régulièrement est très haut. En effet, la moitié de ces élèves sont d’ores et déjà considérés comme faisant partie d’un groupe à risque. Ils fréquentent des classes à effectif réduit ou des filières à exigences élémentaires, ont les plus mauvaises notes en mathématiques et sont souvent les plus âgés de leur classe étant donnés leurs fréquents redoublements. Leur prédisposition à des comportements déliquants est importante. Les facteurs institutionnels jouent à cet égard un rôle peu favorable: il n’y a pas que la relation maître-élève qui s’avère mauvaise, le système de contrôle scolaire est lui aussi quasiment inexistant.

Les autres élèves qui sèchent régulièrement l’école (37 pour cent) sont à considérer comme instables. Ils ne présentent pour l’instant aucun facteur de risque pour une évolution problématique. Mais dans leur cas aussi, l’absence de tout système de contrôle efficace des absences est frappant, tout comme le fait que ces élèves qualifient de « mauvaise » la relation maître-élèves.

Les élèves qui s’ennuient ou qui se sentent insuffisamment sollicités à un niveau scolaire supérieur forme le plus petit groupe (13 pour cent). Ils fréquentent des établissements où le contrôle des absences est faible. Leur relation au corps enseignant est qualifiée de bonne.

Ces résultats montrent clairement que l’absentéisme scolaire ne doit pas être considéré seulement comme un phénomène individuel, mais qu’il s’agit d’un problème qui est aussi lié aux institutions. Manifestement, la qualité et l’organisation de l’établissement jouent un rôle important. M.Stamm recommande dès lors aux établissements scolaires et aux directions de l’instruction publique de considérer à l’avenir ce problème comme un devoir pédagogique majeur. Une réflexion sur le modèle relationnel et les particularités de l’enseignement doit être menée. Un système efficace de contrôle des absences devrait être également mis en place: des écoles et des enseignants attentifs, qui ne ferment pas les yeux sur les problèmes, sont la meilleure des stratégies de prévention.

Renseignements sur l’étude:

Prof Dr. Margrit Stamm
Université de Fribourg, Département des sciences de l’éducation
Chaire de pédagogie et de psychopédagogie
Rue Faucigny 2, CH-1700 Fribourg
tél: +41 (0)26 300 75 60
e-mail: margrit.stamm@unifr.ch

Source:

Fonds national suisse, Wildhainweg 3, case postale 8232, CH-3001 Berne, www.snf.ch, e-mail : pri@snf.ch