Protection des cultures14.12.2020
Réduire l'utilisation des produits phytosanitaires grâce aux nanoparticules
Des chercheurs de l'Institut Adolphe Merkle et du Département de biologie de l'Université de Fribourg ont découvert comment certaines nanoparticules de silice pouvaient agir comme un traitement phytosanitaire ne laissant pas de traces, dégradable et très efficace contre certains agents pathogènes des plantes.
L'un des plus grands défis auxquels l'agriculture actuelle est confrontée est l'utilisation intensive d'engrais et de pesticides. Avec un nombre croissant de produits interdits ou considérés comme dangereux pour la santé humaine et animale, le besoin de produits de substitution se fait ressentir. Une approche prometteuse consiste à stimuler la réponse immunitaire propre aux plantes aux attaques des agents pathogènes. L'acide silicique, qui est naturellement présent dans le sol, est connu pour provoquer de telles réponses chez les plantes, et les nanoparticules de silice amorphe peuvent libérer cette substance en petites quantités. Ces nanoparticules, qui sont également naturellement présentes dans des nombreuses cultures alimentaires telles que les céréales, sont plus courantes que la plupart des gens ne le pensent. Elles font aussi partie de la silice de qualité alimentaire (SiO2), également connue sous le nom de E551 sur les étiquettes et les emballages, et utilisée depuis des décennies dans divers produits tels que le sel de table, les pilules ou les poudres de protéines pour éviter l’agglomération.
Résistance accrue
Les chercheurs fribourgeois ont étudié un dérivé nano-agrochimique respectueux de l'environnement, capable de libérer des principes actifs et de stimuler la défense des plantes. Ils ont synthétisé des nanoparticules de silice ayant des propriétés similaires à celles des plantes. Pour tester leur efficacité, ils ont appliqué les nanoparticules sur Arabidopsis thaliana (cresson de Thalès), un modèle de plante largement utilisé, infecté par la bactérie Pseudomonas syringae, un autre organisme modèle. Les résultats ont montré que leurs nanoparticules peuvent renforcer la résistance contre les bactéries en fonction de la dose en stimulant l'hormone de défense de la plante, l'acide salicylique (qui est également le principe actif de l'aspirine). Les chercheurs ont également étudié les interactions des nanoparticules avec les feuilles de la plante. Ils ont pu montrer que l'absorption et l'action des nanoparticules se font exclusivement par les pores des feuilles (stomates) qui permettent aux plantes de respirer. Les nanoparticules ne circulent pas plus loin dans les plantes, et se dégradent sans laisser de trace en présence d'eau, une considération importante pour la sécurité environnementale et alimentaire. Par rapport à l'acide silicique, qui est déjà utilisé dans la protection des cultures, les nanoparticules de silice ont causé moins de stress aux plantes et aux autres micro-organismes du sol grâce à la libération lente de l'ingrédient actif. Les scientifiques affirment que leur étude, publiée dans la revue scientifique de premier plan Nature Nanotechnology, montre que leurs nanoparticules de silice pourraient constituer une alternative peu coûteuse, très efficace, sûre et durable pour la protection des plantes contre les maladies.
Innovation
Selon les chercheurs, les recherches pourraient s‘étendre à un plus large spectre de pathogènes végétaux, tels que d'autres bactéries, insectes ou virus. Ils soulignent toutefois qu'avant toute application à grande échelle des nanoparticules comme nano-biostimulants et engrais, une analyse approfondie est nécessaire pour évaluer les effets à long terme des nanoparticules de silice dans l'environnement.
L'étude, une collaboration dirigée par la Docteure Fabienne Schwab, membre du groupe BioNanomatériaux de l’AMI et bénéficiaire d'une bourse Ambizione, et le Docteur Mohamed El-Shetehy, chercheur postdoctoral du département de biologie, a été précédée d'un premier projet appliqué. Fabienne Schwab a mis au point un nano-engrais bio-inspiré et dégradable breveté, qui constitue une solution efficace et sûre pour stimuler la résistance des plantes. Cette année, avec le soutien d'Innosuisse, la chercheuse et ses partenaires de la Haute école spécialisée de Suisse occidentale – Fribourg et de la Haute école spécialisée bernoise des sciences agricoles, forestières et alimentaires ont réalisé des essais en plein champ et testé la production des nanoparticules à plus large échelle.
Référence: El-Shetehy, M.; Moradi, A.; Meceroni, M.; Reinhardt, D.; Petri-Fink, A.; Rothen-Rutishauser, B.; Mauch, F.; Schwab, F. « Silica nanoparticles enhance disease resistance in Arabidopsis plants ». Nature Nanotechnology, 2020 DOI: 10.1038/s41565-020-00812-0