01.10.2003

La dernière Chartreuse de Suisse menacée


Le canton de Fribourg a la chance d'abriter la dernière communauté de moines chartreux de Suisse. Toutefois leur bâtiment vieux de 700 ans - la Valsainte, située sur le territoire de Cerniat (Gruyère) - est sérieusement menacé : ses murs s'enfoncent peu à peu dans le sol. Principaux responsables, les eaux souterraines et un réseau de canalisation vétuste, qui ont obligé les moines à condamner tout un secteur devenu trop dangereux. Les travaux d'assainissement ont été évalués à 5 millions. Il reste encore 1,2 millions à réunir.

Peu concernés par les choses matérielles, les moines ne se sont pas inquiétés outre mesure lorsque l'un d'eux a traversé le plancher fragilisé de l'un des étages du bâtiment. Le malheureux s'en est heureusement sorti avec un os cassé. Il aura fallu attendre 2000 et la chute de tout un pan du mur d'enceinte pour lancer l'alarme. Deux experts ont été mandatés. Bernard Müller, ingénieur civil et Serge Anatra, géologue, ont scruté le réseau de canalisation à l'aide de caméras vidéos. Ils ont également sondé le sol, et ont posé des points de mesures pour suivre l'évolution des murs. Leur constat, confirmé par des experts de l'EPFL : le bâtiment s'enfonce dans le terrain, et de manière différentielle. Cela signifie que dans une même pièce, les quatre murs ne s'enfoncent pas de la même manière. La vétusté du réseau de canalisations est en cause, ainsi que les eaux souterraines, dont certaines proviennent de l'amont. Les travaux d'assainissement ont été évalués à 5 millions de francs et s'étaleront sur cinq à six ans. Il s'agira de drainer l'ensemble du site, en particulier en rénovant les canalisations. Mais dans l'immédiat, il faut consolider le bâtiment et remédier à ses nombreuses fissures. Le canton et la Confédération, au travers de la Commission des biens culturels de Fribourg et de l'Office fédéral de la Culture, vont largement subventionner les travaux. L'Etablissement cantonal d'assurance des bâtiments de Fribourg ainsi que l'organe fribourgeois de répartition de la Loterie Romande, et bien sûr la communauté de chartreux dans la limite de ses moyens, participeront également à leur financement. Il reste toutefois 1,2 millions à réunir, ce dont va se charger une association nouvellement créée, présidée par Jean-Luc Moner-Banet. Ses membres vont bénévolement s'occuper de récolter les fonds auprès d'institutions et de privés. La Valsainte est classée « A » au patrimoine des monuments historiques. C'est la dernière Chartreuse en activité dans le pays. Entre la Valsainte et la faculté de théologie de Fribourg existe un lien de grand estime. Il en existait sept en tout, dont trois à Fribourg. Les moines y vivent complètement séparés du monde. Isabelle Chassot, Conseillère d'Etat, a souhaité souligner l'importance qu'elle revêt pour le canton, au niveau architectural, mais également pour des raisons culturelles et spirituelles : « au travers de leur engagement, les chartreux rayonnent sur tout le canton. Ils nous montrent que l'essentiel n'est peut être pas là où on le croit : le silence et la solitude sont des éléments qui manquent parfois dans le monde d'aujourd'hui ». David Pichonnaz ENCART La Chartreuse de la Valsainte fut construite en 1295. Ses 700 ans d'histoire furent marqués de soubresauts, comme en 1778, lorsque les autorités fribourgeoises demandèrent au pape sa suppression. Elle leur fut accordée. Les biens fonciers de la communauté, nombreux, furent répartis entre le collège de Saint-Michel, le Grand Séminaire, l'Evêché de Lausanne (l'Evêque de Lausanne était alors réfugié à Fribourg) et l'Etat de Fribourg. Cet épisode avait peu été étudié par les historiens, et l'on insistait plus sur la fermeture du monastère par les radicaux en 1848, comme l'a précisé Marie-Thérèse Torche, collaboratrice scientifique au Service des biens culturels du canton. Pour en savoir plus sur l'Ordre des Chartreux : www.chartreux.org