Paléontologie10.08.2023
Une étude fribourgeoise met à mal une règle de l'évolution
A en croire la règle de Cope, les espèces animales actuelles sont en moyenne plus grandes que les espèces plus anciennes du même genre. Une vaste étude dirigée par une chercheuse de l’Université de Fribourg vient de démontrer que tel n’est pas le cas chez les tortues.
Les paléontologues ont remarqué que, au cours de leur évolution, certaines espèces ont tendance à devenir de plus en plus grandes. Ainsi l’Hyracotherium, un ancêtre du cheval qui vivait il y a une cinquantaine de millions d’années, ne dépassait pas les 20 centimètres au garrot, soit bien moins que les chevaux contemporains. Cette tendance des lignées à évoluer vers une taille corporelle plus grande est connu sous le nom de règle de Cope. Cette règle ne s’applique toutefois pas aux tortues, comme vient de le démontrer une vaste étude, publiée dans la revue scientifique Ecology and Evolution et dirigée Bruna M. Farina du Département de biologie de l’Université de Fribourg.
Une étude plus exhaustive que jamais
Les tortues constituent un champ propice pour l’étude de l’évolution de la taille corporelle. On en connaît en effet plus de 357 espèces vivantes, soit de très nombreuses lignées à étudier pour en retracer les processus évolutifs. De surcroît, les tortues se caractérisent par une disparité de taille tout à fait remarquable: la plus petite espèce vivante (Chersobius signatus) n’excède pas les 10 centimètres, tandis que la plus grande (Dermochelys coriacea) peut dépasser les 2,20 mètres. Quant à eux, les fossiles des tortues présentent un éventail encore plus large: la carapace de Stupendemys geographicus pouvant dépasser les 2, 80 mètres! «C’est la raison pour laquelle il nous a semblé indispensable de prendre en compte la diversité des fossiles lorsqu’on étudie les tortues, explique Bruna M. Farina, ce que les études précédentes n’ont que rarement fait.» Au final, la chercheuse, fort du soutien de quatre collègues issus d’institutions brésiliennes, américaines et allemandes, a étudié 795 espèces, dont 536 éteintes, soit un corpus plus de deux fois plus imposant que celui des études précédentes. «C’est même la plus grande base de données de ce type créée à ce jour», ajoute la paléontologue de l’Université de Fribourg.
Ni plus petites, ni plus grandes, bien au contraire
De cette vaste étude, il ressort que:
- Il n’y a aucune preuve d’une évolution directionnelle de la taille corporelle des tortues, ni dans un sens ni dans l’autre.
- L’évolution des températures ne semble pas affecter la dimension des tortues.
- L’habitat, en revanche, joue un rôle significatif: les dimensions des tortues d’eau douce restent homogènes à travers le temps, tandis que celles des tortues marines et terrestre connaissent des variations sensibles.
Une règle mais pas une loi universelle
Bruna M. Farina est donc parvenue à une conclusion qui nuance un vieux concept de la paléontologie. «Ces résultats démontrent que la règle de Cope ne s’applique que rarement chez les vertébrés à l’exception de certaines lignées de mammifères et des ptérosaures, un ordre éteint de reptiles volants», conclut la chercheuse. L’étude permet également de mieux comprendre l’évolution particulière des tortues. Pour la chercheuse de l’Université de Fribourg, les données récoltées pourront servir de base à des analyses supplémentaires de nature à clarifier davantage l’histoire évolutive des tortues.