Les Cours d’esthétique de Hegel que l’on peut considérer comme l’une des toutes premières philosophies de l’art soutiennent paradoxalement que l’art est désormais quelque chose de révolu. C’est la fameuse thèse de la « fin de l’art ». Cette thèse a une double importance : pour la philosophie de Hegel dont elle constitue un nœud majeur et pour la philosophie de l’art en général, puisque cette thèse étonnante et polémique a suscité jusqu’à aujourd’hui nombre de commentaires, critiques et prolongements théoriques de la part des philosophes, des historiens et des critiques d’art. Comment en effet l’art pourrait-il être chose du passé ? Les œuvres artistiques héritées de la tradition tout comme les productions contemporaines ne constituent-elles pas une part essentielle de notre culture et de notre l’humanité ?

Les premières séances du séminaire seront consacrées à un exposé de la théorie de l’art de Hegel dans son ensemble puis à une lecture fine des pages qu’il consacre à la thèse de la fin de l’art. Parce que la thèse fait polémique, un retour au texte minutieux s’impose. Nous aborderons ensuite quelques lectures fameuses de la fin de l’art, ce qui permettra de déployer un éventail d’auteurs varié : en phénoménologie (Heidegger), herméneutique (Hans Gadamer), philosophie analytique (Arthur C. Danto), philosophie contemporaine (Yves Michaud). On enrichira la réflexion philosophique par les concepts développés dans le champ de la théorie de l’art (avec André Malraux), de la théorie littéraire (avec Maurice Blanchot théorisant l’avenir de l’art), des sciences des médias (W. Benjamin, F. A Kittler) ou encore de l’histoire de l’art (Hans Belting). La fonction de l’art, le sens du beau, l’histoire de l’art et son actualité, le rapport entre art et technique, le rôle du musée et le statut du discours esthétique seront autant d’axes problématiques filés de séance en séance. Le cours magistral sera rythmé par la lecture et l’explication de textes canoniques en philosophie allemande, en philosophie de l’art ainsi que de textes choisis dans d’autres disciplines qui tels le Musée imaginaire d’André Malraux (discuté entre autres par Merleau-Ponty) sont devenus des incontournables de la réflexion sur l’art en philosophie.

BELTING Hans, L’histoire de l’art est-elle finie ? [1985], trad. Jean-François Poirier et Yves Michaud, Paris, Gallimard, 1985.

Benjamin Walter, L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique [1939], trad. Maurice de Gandillac, Folio 2008.

Blanchot Maurice, L’espace littéraire, « L’avenir et la question de l’art », Folio Essais, 1955, p. 279-292.

Danto Arthur C., Après la fin de l’art [1992], trad. C. Hary-Schaeffer, Seuil, 1996.

DIDI-HUBERMAN Georges, Devant l’image, Paris, Éditions de Minuit, 1990, chap. 1 : « Première banalité : l’art est fini… depuis qu’existe l’histoire de l’art? » (p. 54 sq.) et : « Deuxième banalité : tout est visible… depuis que l’art est mort » (p. 63-65).

GADAMER Hans, « Ende der Kunst? Von Hegels Lehre vom Vergangenheitscharakter der Kunst bis zur Antikunst von heute », in : Ende der Kunst - Zukunft der Kunst, mit Beiträgen von Heinz Friedrich, Hans-Georg Gadamer, Elmar Budde, Hans Egon Holthusen, Klaus Fußmann, Munich, Deutscher Kunstverlag, 1985, p 16-33. La lecture du texte en allemand n’est PAS exigée.

HEGEL G.W.F., Cours d’esthétique (édition Hotho), trad. J.-P. Lefebvre et V. von Schenck, Aubier, 1995-1997, 3 volumes. Extraits

HEIDEGGER Martin, « Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? » [1935-1936], in : Chemins qui ne mènent nulle part, traduction de l’allemand par Wolfgang Brokmeier, revue et corrigée par Jean Beaufret, François Fédier et François Vezin, Paris, Gallimard, 1962.

KITTLER Friedrich, Médias optiques. Cours berlinois 1999, trad. A. Carvalho, T. Eble, È. Vayssière et S. Waelti, sous la direction d’A. Rieber, Paris, L’Harmattan, coll. « Esthétiques allemandes », 2015.

MALRAUX André, Le musée imaginaire, Albert Skira Éditeur, 1947.

MICHAUD, L’art à l'état gazeux : essai sur le triomphe de l'esthétique, Paris, Stock 2003.