Publié le 07.02.2022

Le Dr Evers obtient une bourse Ambizione pour étudier les modèles macro-évolutifs chez les tortues


Le Dr Serjoscha Evers, du Département de Géosciences de l'Université de Fribourg, a reçu un subside Ambizione du FNS pour ses recherches novatrices sur les ?Macroevolutionary Patterns of Shape Evolution in Turtles,", un projet qui durera jusqu'en 2025.

Dans le cadre de ce projet ambitieux - qui mérite bien le nom la bourse “Ambizione” qui lui a été accordée - le Dr Evers met à profit son expérience de paléobiologiste pour étudier l'évolution des tortues à travers le temps et les événements macro-évolutifs (tels que l'extinction massive qui a marqué la fin de la période du Crétacé, tuant près de 75% de la vie végétale et animale sur terre). 

Alors que l'histoire de l'évolution des espèces s'appuie généralement sur l'étude des changements morphologiques d'une seule partie du corps de divers groupes, comme le crâne des oiseaux ou des mammifères, le Dr Evers souligne à juste titre qu'une partie du corps d'un animal n'évolue pas de manière indépendante, mais dépend bien des changements qui se produisent ailleurs dans l'anatomie. Par exemple, comme l'évolution des pattes d'un animal peut lui permettre de passer d'un milieu de vie aquatique à un milieu terrestre, ce changement environnemental amènera probablement aussi l'animal à modifier son régime alimentaire, ce qui entraînera une modification de ses mandibules. 

Le Dr Evers ne se limite pas à proposer une idée aussi novatrice : il utilise également différentes sortes de données qui ne sont généralement pas étudiées en même temps, pour obtenir un modèle unique et "global" des modèles macro-évolutifs. En effet, il étudie les tortues qui apparaissent sous forme fossile (environ 20 espèces) ainsi que d'autres qui vivent encore de nos jours (environ 100 espèces), et définira les relations et l'évolution entre les différentes espèces de tortues (phylogénie) non seulement par l'analyse d'échantillons d'ADN, une méthode assez traditionnelle qui présente toutefois des problèmes bien établis, mais aussi par l'examen de la morphologie des tortues à l'aide d'un scanner CT ultramoderne, pour arriver à une image s'approchant de celle présentée à gauche.

Pourquoi choisir les tortues comme sujet de recherche ? Parce qu'elles se présentent comme le choix logique pour une étude aussi vaste, notamment en raison de leur histoire évolutive extrêmement longue et du fait qu'elles apparaissent souvent sous forme fossile, deux facteurs qui peuvent s'expliquer, au moins en partie, par leur carapace protectrice dure. Cette carapace pourrait également être l'une des raisons pour laquelle les tortues ont évolué de manière si conservatrice par rapport à d'autres classes d'animaux : il suffit de penser au fait qu'une espèce de tortue a tendance à ressembler à une autre, alors que les mammifères sont particulièrement diversifiés sur le plan morphologique, étant représentés par exemple par l'Homo sapiens, la baleine ou le cheval. Les tortues sont également de particulièrement bons sujets pour étudier les schémas macro-évolutifs des changements géologiques et climatiques en raison de leur diversité écologique - elles habitent des espaces marins, d'eau douce et terrestres. Vous pourrez observer, à gauche, les différences entre la nageoire d'une tortue aquatique et la main d'une tortue terrestre.

Le Dr Evers propose donc dans cette étude de retracer l'évolution du corps entier des tortues, la vitesse à laquelle cette évolution a lieu, ainsi que la relation entre l'évolution de chaque partie du corps et le reste de la morphologie de l'animal (coévolution), afin de comprendre comment les tortues ont évolué et de tester des thèses spécifiques, comme celle de savoir si la survie sélective de certaines espèces de tortues pendant l'extinction massive à la fin du Crétacé était due à leur consommation d'aliments à carapace dure (durophagie). En outre, la recherche abordera également des questions et des hypothèses plus vastes sur la macroévolution. L'une d'entre elles est, par exemple, la question fondamentale de savoir comment l'évolution se déroule réellement : se fait-elle à un rythme constant et relativement lent, comme le proposait Darwin, ou se déroule-t-elle plutôt par poussées comparativement courtes d'évolution rapide ? Il sera possible de corréler les changements de taux d'évolution compilés dans cette étude avec des influences macro-évolutives, telles que le changement climatique ou les extinctions massives, et d'obtenir des réponses de cette manière. Une autre question importante est de savoir si, et comment, la modification d'une partie de l'anatomie fait évoluer d'autres parties du corps ou, à l'inverse, leur impose des contraintes (comme, vraisemblablement, le conservatisme évolutif des tortues en raison de leur carapace dure). En outre, le Dr Evers testera son hypothèse selon laquelle les parties de l'anatomie qui sont vraisemblablement particulièrement importantes sur le plan écologique (par exemple, les membres pour la locomotion ou les mandibules pour l'alimentation) présentent une évolution accélérée lors d'événements macro-évolutifs tels que les extinctions massives. 

Après un M.Sc primé en sciences géologiques à la LMU de Munich et un D.Phil en recherche environnementale à l'Université d'Oxford, travail qui a obtenu une distinction, l'Université de Fribourg a eu la chance d'attirer le Dr Evers dans son département des Géosciences, d'abord comme chercheur postdoctoral dans le projet FNS du Professeur Walter Joyce depuis 2019, puis, depuis septembre 2021, comme boursier Ambizione.

Vous envisagez de demander un financement Ambizione ? La prochaine date limite de candidature sera le 1er novembre 2022. N'hésitez pas à nous contacter à l'adresse research@unifr.ch pour toute question, conseil ou soutien dont vous pourriez avoir besoin pendant le processus de candidature !

Vous voulez en savoir plus sur le Dr Evers, ses recherches et les tortues ? Les articles suivants sont liés à ce projet :

Joyce WG, Mäuser M, Evers SW. 2021. Two turtles with soft tissue preservation from the platy limestones of Germany provide evidence for marine flipper adaptations in Late Jurassic thalassochelydians. PLoS ONE16(6): e0252355; doi: 10.1371/journal.pone.0252355

[Cet article examine spécifiquement l'anatomie de la main d'une espèce de tortue disparue afin d'évaluer son écologie.]

Bronzati M, Benson RBJ, Evers SW, Ezcurra MD, Cabreira SF, Choiniere J, Dollman KN, Paulina-Carabajal A, Radermacher V, Roberto-da-Silva L, Sobral G, Stocker MR, Witmer LM, Langer MC, Nesbitt SJ. 2021. Deep evolutionary diversification of semicircular canals in archosaurs. Current Biology 31(12): 2520– 2529; doi: 10.1016/j.cub.2021.03.086

[Cet article utilise des formes 3D et des outils statistiques pour étudier l'écomorphologie et les taux d'évolution. Il ne porte pas sur les tortues, mais montre bien le type de recherches effectuées par le Dr Evers].

Evers SW, Benson RBJ. 2019. A new phylogenetic hypothesis of turtles with implications for the number of evolutionary transitions to marine lifestyles supports an Early Cretaceous origin and rapid diversification of Chelonioidea. Palaeontology 62(1): 93–134; doi: 10.11117pala.12384

[Il s'agit de l'un des articles de doctorat du Dr Evers dans lequel il dérive un arbre de vie des tortues, en intégrant un grand nombre d'informations provenant de tortues numérisées en 3D, y compris des fossiles. Il a reçu le prix du meilleur article 2019 dans la revue Palaeontology].