Depuis plusieurs jours, la question de la santé du pape François agite les foules. Le feuilleton a commencé après que les autorités du Vatican ont annoncé une brève hospitalisation du Souverain pontife, qui s'est prolongée, forçant le Saint-Siège à communiquer sur une dégradation de son état de santé. Le ton se veut toujours optimiste: malgré une «une crise asthmatique prolongée», le pape «dort bien» et «lit les journaux» à son réveil. Bon.
Les «vaticanologues» en chef et autres observateurs des affaires papales n'auront pas manqué de se souvenir de la fin du pontificat de Jean-Paul II. Alors que sa santé se dégradait, son agonie était suivie en direct par les médias du monde entier.
Rien n'indique toutefois que le pape François, 88 ans, ne se remette pas de son séjour à l'hôpital, aussi «critique» soit-il. Qu'en sera-t-il? On fait le point avec Mariano Delgado, professeur d'histoire de l'Eglise de la faculté de théologie de l'université de Fribourg.
La communication autour de la santé du Pape se veut en même temps critique et rassurante. Pourquoi cette stratégie?
Je pense que le Vatican a compris qu'il était important d'être transparent sur la situation pour maintenir la tranquillité auprès des croyants. L'importance d'une communication transparente sur l'état de santé du pape est présente au sein du Saint-Siège depuis plusieurs décennies déjà — on pense à l'agonie de Jean-Paul II. On a vu un crescendo dans les informations reçues: d'abord, l'état du pape n'est pas si grave, puis ça le devient, mais François est de bonne humeur.
Ce qui est sûr, c'est que les catholiques ont commencé à prier pour lui au Vatican et dans le monde.
Et si le pape s'en remet et sort de l'hôpital, quelle sera la suite?
Mon pressentiment, c'est que nous arrivons à la fin du pontificat de François, d'une manière ou d'une autre. Je souhaite bien évidemment qu'il s'en remette. Regardons les choses comme ceci: soit son état continue de se dégrader, soit il s'améliore et François sort de l'hôpital, mais les choses ne seront plus comme avant. S'il revient, mais qu'il est trop faible, la question se posera de savoir s'il est capable de gérer ses obligations pontificales de manière adaptée.
Le précédent de cette renonciation amorce-t-il une tendance?
Dans l'Histoire de l'Eglise, seuls deux papes ont renoncé en liberté. Sauf Benoît XVI, l'autre renonciation semblable a eu lieu au 13ᵉ siècle. La décision singulière et inattendue du précédent pape favorise l'hypothèse d'une renonciation de François si sa santé s'améliore. Elle existe dans le droit canonique et chaque pape peut y faire recours, même si la grande majorité des pontificats se sont terminés avec le décès du Souverain pontife.
Quelle est l'ambiance en ce moment au Vatican?
Au sein de l'Eglise, certains cardinaux se préparent déjà à sortir leurs cartes pour un possible conclave. Tout porte à penser que le prochain chef de l'Eglise continuera l'œuvre de François, car environ 80% des plus de 130 cardinaux électeurs qui décident du prochain pape ont été choisis par lui. Certains cardinaux conservateurs, qui sont contre ses réformes et, entre autres, pour le retour de la messe en latin, pourraient être déjà tentés de développer une stratégie. Parmi eux: l'Allemand Gerhard Müller, l'Américain Raymond Burke et le Guinéen Robert Sarah.
Est-ce déjà trop tôt pour réfléchir au prochain pape? A quoi pourrait-il ressembler?
Ce qui est sûr, c'est que la compétence sera le critère numéro 1. Puis viennent la provenance géographique et l'influence culturelle. Enfin, si un pape est élu avec «l'esprit franciscain», il pourrait continuer l'œuvre de François, c'est-à-dire une attention particulière envers les plus pauvres et les migrants, mais aussi une Eglise plus accessible après Vatican II. La question du climat et du dialogue œcuménique et interreligieux devrait aussi rester au cœur de son action: on pense aux rencontres d'Assise à la rencontre avec le patriarche orthodoxe russe Kirill en 2016, une première depuis le schisme de 1054, et avec l’imam du Caire, Ahmed al-Tayeb, en 2019.
Et pour ce qui est de la provenance géographique?
Les trois derniers papes ont été argentin, allemand et polonais, après des centaines d'années d'Italiens.
On pourrait voir un pape africain, un continent en pleine ascension démographique où les catholiques sont nombreux. Mais on pense aussi à l'Asie et aux Philippines, un pays de près de 120 millions de personnes à 80% catholique, qui dispose de cinq cardinaux. Je pense notamment au cardinal Luis Antonio Tagle, qui a 67 ans. Mais certains voudraient à nouveau voir un pape italien.
2025 est une «année sainte» pour les catholiques. Cette hospitalisation arrive à un moment sensible, non?
François avait de grands projets cette année, entre ce jubilé et son projet d'Eglise synodale qu'il doit porter à terme. J'espère que le pape se remettra et aura la chance et la grâce de pouvoir accomplir cette année spéciale.