Dossier

Toucher le ciel

Si la montagne est si présente, dans la Bible, c’est parce qu’elle favorise l’élévation au-dessus des «basses» contingences et permet, en quelque sorte, de toucher Dieu. Illustrations à travers quelques ascensions décisives.

«Notre Père qui es aux cieux»: c’est bien évidemment une manière de parler, puisque «Dieu est partout». Mais le situer «aux cieux», c’est rappeler qu’il échappe à nos prises et qu’ainsi il nous invite à nous transcender au-delà de nous-mêmes et à élever nos regards. «Gloria in excelsis Deo, Gloire à Dieu au plus haut des cieux»: les anges entonnent cette hymne à Noël (Luc 2,14) pour que la paix se répande abondamment sur la terre.

Dans l’audace et l’adoration

La «prière du pèlerin de la montagne», selon le chanoine du Grand-Saint-Bernard Gratien Volluz, nous pousse à monter toujours plus haut, «dans l’audace et l’adoration». Car les sommets se perdent dans les nuages et nous mènent jusqu’au cœur de la Trinité sainte. Quoi de plus fascinant qu’un lever de soleil sur la Dent-Blanche, par exemple: c’est le symbole du jour nouveau auquel l’humanité aspire, plus loin que la pandémie actuelle et que la crise écologique qui nous assaille.

Sinaï et Horeb

Dans l’Ancien Testament, les deux grands personnages représentatifs de la Loi (Moïse) et du prophétisme (Elie) vivent leur rencontre-clé avec le Seigneur, le premier en passant quarante jours (c’est-à-dire un long temps) sur le Sinaï, où il reçoit les tables de la Torah (Exode 24,12-18); et le second, en marchant quarante jours, poursuivi par la vindicte du roi idolâtre Achab et de sa femme Jézabel, jusqu’à parvenir à l’Horeb où Dieu se manifeste à lui dans le «bruit d’un silence ténu» (1 Rois 19,1-18). Aussi les deux personnages se retrouvent-ils sur la montagne de la Transfiguration avec Jésus, au visage et vêtements resplendissants, afin de témoigner au nom du Premier Testament que le Christ vient établir l’Alliance nouvelle (Luc 9,28-36).

Le Mont Sion

C’est vers le Mont Sion, la colline de Jérusalem où est bâti le Temple, que convergeront l’ensemble des nations, afin de transformer leurs lances en faucilles et leurs épées en serpes et recevoir le shalom (Jeru-shalaïm, ville de la paix) définitif (Isaïe 2,1-5). Pour moi, qui suis originaire de Sion Valais, la ville Sedunum, entre les deux collines, quelle perspective fascinante qui me remplit d’une légitime fierté!

«Quelle joie quand on m’a dit: ‹Montons à la maison du Seigneur›», chante l’un des Psaumes dit précisément «des montées» (122(212),1), que proclamaient les pèlerin·e·s en route vers la cité sainte. Ce sont ainsi tous les genres littéraires de l’Ancien Testament (Loi, prophètes, autres écrits) qui conviennent à l’ascension.

 

Im Safiental (GR) © marcovolken.ch
Le sermon sur la montagne

De sorte que ce n’est pas «par hasard» si le premier évangéliste, Matthieu, s’adressant à des communautés issues principalement du judaïsme, situe le premier des cinq discours du nouveau Moïse (l’ancien ayant transmis les cinq rouleaux du Pentateuque, les cinq premiers livres de la Bible) sur la montagne où s’assemblent les foules du nouvel Israël. Désormais, cette loi nouvelle qui requiert de «faire aux autres ce que nous voudrions qu’ils fassent pour nous» (la «règle d’or», Matthieu 7,12) sera inscrite non plus sur la pierre, mais dans les cœurs.

En prière

Constamment, le Fils de l’homme s’isole des multitudes et rejoint la montagne pour prier son Père (Jean 6,1-4) dans l’intimité du face-à-face. Pourtant les foules l’y rattrapent et, ému devant leur détresse, Jésus les fait s’étendre sur l’herbe verte et multiplie pour elles les pains (Jean 6,5-13). Si bien que le Christ doit ensuite s’arracher à elles qui, à la vue du signe accompli, veulent le faire roi, et s’enfuir encore plus haut dans la solitude (Jean 6,14-15).

Golgotha et Ascension

Le troisième évangile est structuré tout entier comme une grande montée de Jésus-Christ à la rencontre de sa destinée vers Jérusalem et la colline du Golgotha où il est exécuté comme un malfaiteur. Puis, c’est au mont de Béthanie qu’il emmène ses apôtres après sa Résurrection et qu’il se sépare d’eux pour rejoindre le Père en les bénissant (Luc 24,50-51).

Désormais, parmi les «hauts lieux» où retrouver le Seigneur vivant, chaque colline, chaque montagne offre un cadre particulièrement propice. Puisque nos vacances, cet été 2020, seront surtout helvétiques – ce qui n’est pas un mal! – vivent sur les alpages les croix plantées à la croisée des chemins ou sur les sommets. Elles nous poussent à «rechercher les choses d’en haut» (Colossiens 3,1).

 

L’Abbé François-Xavier Amherdt est professeur ordinaire à la Chaire francophone de théologie pastorale, pédagogie religieuse et homilétique.
francois-xavier.amherdt@unifr.ch