Dossier
Godly play: jouer avec Dieu
La catégorie biblique du jeu rejaillit sur l’imagination dont nous sommes appelés à faire preuve pour inventer la justice aujourd’hui. La méthode catéchétique Godly play tente d’y initier les jeunes de tous âges.
Il peut paraître surprenant d’associer la catégorie du jeu à la foi chrétienne. Pourtant, c’est bien en «s’ébattant» en présence de Dieu et en jouant parmi les hommes que la sagesse divine a présidé à la création (Proverbes 8, 30–31). Ce qui débouche sur l’incroyable biodiversité de notre planète que l’humanité actuelle s’emploie hélas à réduire.
En dialogue avec les sciences humaines et sociales, entre autres la psychologie constructiviste (Jean Piaget, Erik Erikson, Paul Harris, Gilbert Durand et Donald W. Winnicott) et l’anthropologie, avec les sciences de l’éducation et l’herméneutique théologique (Paul Ricœur), la méthode de catéchèse biblique Godly play essaie, comme son nom l’indique, de «faire jouer» l’imaginaire des destinataires en une dynamique ludique tout à fait adaptée à la créativité à l’œuvre dans les Ecritures bibliques.
Elle s’inscrit dans le mouvement de renouvellement de la transmission de la foi et ouvre des horizons valables pour toutes les confessions chrétiennes. Elle peut intéresser également celles et ceux qui s’approchent de la Bible plutôt en tant que document culturel. Elle favorise l’expression du rapport à soi-même, aux autres, à l’environnement social et à Dieu en toute liberté, quelles que soient les convictions et les aspirations, l’âge ou les capacités intellectuelles de celles et ceux qui y ont recours.
Un parti pris de confiance
Fondée par le pasteur américain Jerome Berryman (The Spiritual Guidance of Children. Montessori, Godly Play and the Future, New York, Morehouse Publishing, 2013), désormais reprise dans de nombreux pays et par différentes Eglises, la méthode Godly play fait le pari de la confiance.
Confiance dans le libre jeu de l’imaginaire, pour approcher le mystère de l’existence et de la réalité divine, ainsi que les Pères de l’Eglise nous y invitent. C’est par les symboles de la liturgie et de l’Ecriture, qui s’adressent aux sens comme à l’intelligence, que l’être est introduit dans un état de non-engagement imaginatif, où il peut essayer «des idées nouvelles, des valeurs nouvelles, des manières nouvelles d’être au monde» (Paul Ricœur, Du texte à l’action, Paris, Seuil, 1986, p. 220).
On reconnaît là les traits de la catéchèse antique dite «mystagogique» (conduire dans le mystère) de relecture des textes, des célébrations et du monde, et que le pape François inscrit au cœur du nouvel élan souhaité pour l’ensemble de l’Eglise catholique (La joie de l’Evangile, n. 165–166).
Cela implique de faire confiance à la puissance «per-formative» des récits historiques, fictifs et paraboliques, comme en sont tissées les Ecritures judéo-chrétiennes: ils offrent un répertoire immense de figures, qui ont marqué le paysage de la culture mondiale, et ouvrent de larges champs d’identification pour ceux qui acceptent de s’y confronter – de se laisser re- et transfigurer par eux, dit encore le philosophe Paul Ricœur (Temps et récit, Paris, Seuil, 1983-1985). On quitte le réel, on entre dans le récit et on en sort changé, questionné. Les récits symbolico-historiques de l’Ancien comme du Nouveau Testament, les paraboles et miracles de l’Evangile ont une force évocatrice inépuisable et déploient des champs d’expérimentation pour des manières inédites de voir la réalité dans lesquelles autant adultes qu’enfants peuvent trouver des raisons d’espérer encore.
Elektro Kontakt, Stomo Spiele, Österreich, 1950er Jahre
Frage-und-Antwort-Spiele, bei denen das sprichwörtliche Licht demjenigen aufging, der einen elektrischen Kontakt zwischen der Frage und der richtigen Antwort herstellte, waren der grosse Spieleschlager in den 1950er und 1960er Jahren. Mit der Elektrizität sollte die Technik das herkömmliche Spiel ergänzen und interessanter gestalten. Heutzutage probiert man Ähnliches mit digitalen Elementen aus: Minicomputer oder Apps ergänzen die «analogen» Spiele. Die österreichische Druckerei Stockinger und Morsack veröffentlichte seit 1934 Spiele unter dem Markennamen Stomo. Die gleiche Firma brachte auch die bis heute in Österreich angebotene Monopoly-Variante «Das kaufmännische Talent», kurz «DKT», auf den Markt.
Für Elektro-Kontakt, das in einer älteren Ausgabe noch Electro-Contact hiess, konnte man zusätzliche Serien thematischer Fragebögen im Spielwarenhandel kaufen: Rechenaufgaben, Vogelwelt, Sportarten, historische Bauten, Insekten, Mineralien, Erfindungen, Technik, Der Mensch, Chemie und Physik, Verkehrszeichen, Heimatkunde, Botanik, Komponisten, Erste Hilfe und vieles mehr.
A cet égard, la liberté imaginative suscitée par les textes scripturaires correspond bien à la mentalité postmoderne marquée par des connotations individuelles de quête spirituelle. La méthode fait confiance au jeu créatif, play et non game en anglais – game correspond au jeu organisé, tandis que play se réfère à la créativité. Il s’agit donc de jouer de façon innovante son existence, par le biais des personnages et des situations bibliques et liturgiques. C’est mettre le cœur de l’Evangile, l’amour, le respect, le pardon, l’espérance, la gratuité, la justice, la solidarité, à l’épreuve du réel. C’est ainsi, à l’exemple de l’enfant qui joue à «comme si», en quelque sorte «jouer à croire» pour voir ce que cela donne. C’est parier, comme Pascal, que cela peut avoir du sens.
La méthode fait confiance à l’enfant et au jeune, à ses capacités de construire son identité et à apprivoiser son environnement par des mises en situation fictives et ludiques. Elle pose sur les «petits» le même regard que Jésus qui en fait le modèle pour parvenir à entrer dans le royaume de Dieu (Luc 18,17) et qui va jusqu’à s’identifier à eux (Matthieu 18,5).
Cette confiance au pouvoir imaginatif des enfants exige des enseignants et catéchistes une totale dé-maîtrise. Il ne s’agit pas d’abord de transmettre des connaissances – qui adviennent bien sûr au moment favorable – mais d’entrer dans une aventure risquée comme un compagnon de route. C’est une posture qui vaut pour les pédagogues, les parents, les ministres (laïcs et ordonnés), comme pour la communauté entière: se dessaisir du savoir et du pouvoir pour s’abandonner au Maître intérieur qu’est l’Esprit Saint et qui agit autant – si ce n’est plus – par le biais des catéchisés que par celui des catéchisants.
Il convient donc de considérer les enfants comme des théologiens, aptes à façonner un langage pour redire à nouveaux frais la Bonne Nouvelle et la décaper de ses couches de poussière, dont l’habitude, l’indifférence ou l’ignorance l’ont petit à petit revêtue. Ce langage s’engendre dans le jeu et le silence, il s’exprime par des métaphores et des rituels, il se fait prière, geste et conte.
En pratique
Dans la salle, ornée par les figurines de Noël, du bon pasteur et du Ressuscité, ne pénètrent que les intéressés, un hôte qui accueille et demande à chacun s’il est prêt à entrer, et un conteur qui a préparé l’histoire. Les enfants prennent place sur un coussin dans le cercle; le conteur narre le récit et dépose des objets au fur et à mesure de l’histoire sur une table basse. Il termine le conte en posant des interrogations d’émerveillement: «Je me demande si», auxquelles les enfants réagissent librement. Puis ceux-ci font un choix de matériel pour une activité créatrice en lien ou non avec le texte narré. Les réalisations sont déposées sur une étagère, en vue d’une suite éventuelle. Le moment du «festin» comprend chants et prière, bougies et fleurs, puis boissons et biscuits. Enfin la bénédiction collective débouche sur la salutation personnelle.
Cette méthode ne se veut que complémentaire à d’autres formes catéchétiques qui organisent les savoirs et les valeurs, mais elle apporte une touche spécifique et indispensable.
Notre expert L’abbé François-Xavier Amherdt est professeur ordinaire à la Chaire francophone de théologie pastorale, pédagogie religieuse et homilétique.