Portrait
Aucune concession à l’injustice
Ex-secrétaire général de la Fédération romande des consommateurs, Mathieu Fleury pilote la nouvelle Unité Clients des Chemin de fer fédéraux. Ce diplômé en droit de l’Unifr en est convaincu: l’injustice est inacceptable.
Il n’a pas encore soufflé ses 50 bougies et pourtant Mathieu Fleury a déjà derrière lui près de trois décennies de combat – acharné – contre l’injustice. Cette lutte est un fil rouge qui guide aussi bien sa vie professionnelle que privée. C’est aussi elle qui a fait de ce diplômé en droit de l’Unifr une personnalité bien connue des Suisses romands. «L’injustice est un déséquilibre, il n’y a aucune concession à lui faire», lâche-t-il le plus simplement du monde. Le ton n’est pas celui de la plaidoirie; pour lui, il s’agit d’une évidence.
D’où vient à l’avocat d’origine jurassienne – qui a désormais vécu «plus de la moitié de ma vie à Fribourg» – ce besoin presque viscéral de défendre une palette de personnes allant de la veuve à l’orphelin, en passant par les journalistes, les consommateurs·trices, les musiciens·nes et les usagères et usagers du réseau ferroviaire? «Probablement de mon éducation: mes parents étaient très sensibles à la notion de justice; ma mère, notamment, était engagée dans toutes sortes de combats, d’Amnesty International à la défense des boat people.»
Les enfants pour boussole
L’étude du droit s’est rapidement imposée comme l’arme la plus adaptée pour partir au combat. «Je suis un démocrate, je crois en la justice. Rappelons que de nombreuses règles protègent les faibles.» Le hic? «C’est souvent par ignorance que les gens ne s’en servent pas.» Mathieu Fleury explique avoir «un goût prononcé pour le verbe, pour traduire la réalité en mots». Il est peut-être plus précisément là, le fil rouge de sa carrière professionnelle: «traduire la réalité en mots et en images pour contribuer à l’empowerment.» Il l’admet néanmoins: le système judiciaire reste imparfait. «C’est pour cela que je me suis formé à la médiation, qui permet de combler les lacunes de la justice tout en étant plus créatif.»
Selon ce père de deux garçons et une fille, «les enfants constituent la meilleure des boussoles en matière d’injustice: ils la repèrent extrêmement vite». Mathieu Fleury s’évertue d’ailleurs à «garder ce senseur enfantin, qui m’a toujours guidé». Parallèlement, «j’essaie d’être un papa juste, un modèle, mais conscient de ses failles». De toute façon, «si on les écoute, les enfants sont un rempart contre l’incohérence, ils nous poussent à être meilleurs». Et de citer l’exemple de la cigarette, à laquelle «je n’ai pas eu d’autre choix que de renoncer, quand j’ai réalisé à quel point il était hypocrite, aux yeux de mes enfants, de fumer tout en disant que c’est mauvais».
Sous le feu des projecteurs
Lorsqu’on jette un coup d’œil au CV de Mathieu Fleury, son parcours semble construit de façon logique et systématique, fruit d’une mûre réflexion: directeur de l’Association professionnelle des journalistes Impressum, secrétaire général de la Fédération romande des consommateurs (FRC), directeur administratif de la Haute école de musique (HEMU) et du Conservatoire de Lausanne, puis, depuis juin 2020, responsable Clients auprès des CFF. Il s’en défend: «Ma carrière n’avait rien de prémédité, elle s’est tissée au fil de rencontres et d’annonces.» Il raconte en riant qu’il a décroché son poste à la FRC après avoir répondu in extremis à une annonce entrevue du Temps qui traînait sur le siège d’un train. «C’était un soir et le délai de postulation échouait le lendemain.»
Hors du sérail journalistique, dans lequel il était déjà bien connu, c’est ce poste qui a placé Mathieu Fleury sous le feu des projecteurs. En automne 2008, alors qu’il effectue encore sa période d’essai, le jeune homme frappe un grand coup: choqué par l’affaire Lehman Brothers/Crédit Suisse, il incite les personnes lésées à mutualiser leurs efforts pour engager une action en justice, une première helvétique. Pour mémoire, en raison de la faillite de la banque d’investissement américaine, de nombreux·ses petit·e·s épargnant·e·s suisses – qui avaient été encouragé·e·s par Crédit Suisse à investir chez Lehman Brothers – ont tout perdu. «Quand j’ai appris que des centaines de personnes avaient placé leurs petites économies, celles destinées à leur retraite ou aux études de leurs enfants, dans des produits qu’ils pensaient être sûrs, mon sang n’a fait qu’un tour: je ne pouvais pas ne rien faire.» Il précise que «la meilleure action, c’est celle qui vient du cœur; sur le moment, nous n’avions pas l’impression de marquer l’histoire».
Bien plus court que celui à la FRC, le passage de Mathieu Fleury à la HEMU lui a appris deux choses sur lui-même: «Premièrement, je ne suis pas fait pour les postes trop administratifs et deuxièmement, mélanger passion privée et travail n’est pas forcément une bonne idée.» Grand amateur de musique – il a présidé le club de jazz fribourgeois La Spirale –, il en est convaincu, «les arts peuvent changer le monde».
Reste que sa façon à lui de changer le monde se situe indéniablement sur le front, aux côtés de Monsieur et Madame Tout le Monde. «C’est Vincent Ducrot – aux commandes des CFF depuis avril 2020 – qui a eu l’idée de créer une unité destinée à mieux comprendre les besoins des client·e·s.» Etant donné «que j’avais beaucoup critiqué les CFF à l’époque où je travaillais à la FRC, il a pensé à moi», rigole l’avocat. «Ce nouveau défi me fascine, car mon équipe a la possibilité de changer le quotidien de millions de personnes en Suisse!» A l’opposé d’une voie de garage, il s’agit donc pour le Fribourgeois de cœur d’un nouveau tremplin.
Né le 22 août 1971, Mathieu Fleury est le nouveau responsable de l’Unité Clients des CFF. Père de trois enfants, ce Fribourgeois d’adoption depuis ses études de droit à l’Unifr a l’engagement chevillé au cœur.