Portrait

Les yeux tournés vers le ciel

Il y a tout juste un an, Daniel Neuenschwander était nommé directeur de l’exploration humaine et robotique au sein de l’ESA, l’Agence spatiale européenne. Son parcours a démarré à l’Université de Fribourg.

D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Daniel Neu­enschwander a toujours eu les yeux tournés vers le ciel. «Mais pas forcément aussi loin que la lune et les étoiles.» Ce qui le faisait rêver quand il était petit, c’étaient les avions. Il gravite désormais dans des sphères bien plus élevées, puisqu’il est entré à la Direction de l’Agence spatiale européenne (ESA) en 2016, après avoir occupé différents postes à responsabilité au sein du Bureau suisse des affaires spatiales (Swiss space office, SSO).
«J’avais choisi l’Université de Fribourg pour étudier la climatologie, dans la perspective de devenir pilote», raconte le Bernois, qui a grandi dans le Canton de Vaud. Il a d’ailleurs reçu son O.K. pour un poste chez Swissair le même jour qu’il recevait les résultats de ses examens finaux. «J’y suis resté jusqu’au grounding.» Soit à peine plus d’un an.

Grâce au Professeur Martin Beniston

«Après cela, j’ai dû me réorienter. J’ai alors repris contact avec le Professeur Martin Beniston, qui était alors directeur de l’Institut de géographie et auprès de qui j’avais réalisé mon travail de diplôme. C’est grâce à lui et à ses contacts que je suis tombé dans le spatial!» En tant que pilote de ligne – au bénéfice d’une formation de pilote militaire – et diplômé en géographie physique, le jeune homme imaginait décrocher un travail dans la navigation ou l’observation terrestre. «J’ai été convoqué à un entretien pour un poste comme celui-ci. J’en suis ressorti avec un travail dans les vols habités et la recherche en microgravité. Mais j’étais loin du compte au niveau des connaissances dans le domaine spatial. Il a fallu s’y plonger et apprendre.»

Le plus jeune chef de délégation

De 2002 à 2006, il fait ses gammes à Berne avant de devenir le délégué permanent de la Suisse auprès de l’ESA, à Paris, lui permettant de suivre aussi des cours à HEC. En 2009, il revient à Berne où il est nommé chef du SSO. «J’avais 34 ans et je crois que je détiens toujours le titre du plus jeune chef de délégation à l’ESA.»
Un saut de carrière intervient en 2016. Alors qu’il était jusque-là employé par la Confédération, Daniel Neuenschwander est élu à la Direction des lanceurs à l’ESA (devenue depuis Direction du transport spatial). «J’étais basé à Paris, avec des équipes dispersées entre Paris et Rome et un port spatial en Guyane. La mission était de développer les technologies du futur pour les systèmes de lancement et d’accompagner l’exploitation d’Ariane 5. C’était passionnant!» Parmi les souvenirs les plus marquants, il évoque le lancement du télescope James Webb, le 25 décembre 2021. «L’injection orbitale a été si précise qu’elle a permis de doubler la durée de vie du télescope!» Conscient de ne pas être un père toujours présent, Daniel Neuenschwander a emmené individuellement chacun de ses trois enfants ainsi que son épouse pour suivre et vivre un décollage. «Je voulais qu’ils et elle puissent ressentir ce qui m’anime et me motive dans ce métier si prenant.»

© STEMUTZ.COM
A l’ESA jusqu’en 2028

Alors qu’il entrait dans la dernière année de son deuxième mandat à la tête des lanceurs, Daniel Neuenschwander s’est vu proposer de devenir directeur de l’exploration humaine et robotique, toujours au sein de l’ESA. Un mandat d’ores et déjà renouvelé jusqu’en 2028. L’orbite basse, la lune et Mars font désormais partie de son domaine d’actions. Depuis son entrée en fonction en juillet 2023, deux astronautes de l’ESA ont pris place dans des vols habités au départ des Etats-Unis. Mais le quotidien de Daniel Neuenschwander est plutôt dédié à la négociation. «Avec les partenaires industriels, les responsables des affaires spatiales, les ministres, voire avec les chefs d’Etat. La dimension scientifique est aussi beaucoup plus importante que dans mon poste précédent. Mes activités sont très hétérogènes, avec des tâches lourdes aussi étant donné les budgets qui sont en jeu. On parle d’argent public, qui provient des impôts payés par les citoyen·ne·s. Il est important que chaque euro soit bien investi… C’est très helvétique comme position. Et j’y tiens!»

Stratégie d’exploration à implémenter

La Suisse, il n’y est pourtant plus très souvent. «Mais comme beaucoup d’expat’, je me sens plus suisse maintenant que quand j’y vivais.» Ce parfait bilingue estime que ses origines helvétiques lui sont utiles pour progresser dans un environnement multiculturel et multilingue. De passage pour renouveler son passeport, il en a profité pour faire le plein de chocolat avant de repartir vers Paris où il réside toujours avec sa famille, même s’il est désormais basé à Cologne. «J’aime bien retrouver ce quartier de Pérolles/Fonderie. Je garde des souvenirs magnifiques de mes années d’université, de cette vie sans contrainte, des excursions sur le terrain…»
Mais quand on est directeur à l’ESA, le temps est compté. L’heure allouée à cette rencontre est déjà dépassée et le téléphone portable de Daniel Neuenschwander fait savoir que le moment est venu de retourner aux affaires. «La semaine dernière, nous avons finalisé la stratégie d’exploration présentée au Sommet interministériel de l’ESA, à Séville en novembre. Il s’agit désormais de l’implémenter.» Et de permettre à l’Europe de rester compétitive au-delà de l’orbite terrestre…

Né en 1975 à Berne, Daniel Neuen­schwan­der est plongé dès l’enfance dans l’univers aéronautique, avec un père évoluant au sein des forces aérien­nes helvétiques. Lui-même met tout en œuvre pour réaliser son rêve de devenir pilote, non sans passer par l’Université de Fribourg, entre 1996 et 2000. Il y étudie la géographie physique, la climatologie et la neurobiologie.

Dûment diplômé, il obtient également sa licence de pilote chez Swissair, mais doit se réorienter après le grounding. Il dépasse alors la stratosphère et entre au service du Bureau suisse des affaires spatiales, en 2002. Il y occupera diffé­rents postes, dont celui de délégué permanent à l’Agence spatiale européenne (ESA), avant d’en devenir le chef de 2009 à 2016. Il devient ensuite le premier Suisse à occuper un poste de directeur de programme au sein de l’ESA à la tête du transport spatial, de 2016 à 2023, puis de l’exploration humaine et robotique. Un mandat qu’il occupera jusqu’en 2028.