Dossier

Histoires d'amour: une question de confiance?

Parenthèse sur la notion de confiance au sein du couple: l’auteure vous invite à faire une pause et à vous interroger. Quelles sont réellement vos attentes? 

Quelle importance accordez-vous à la confiance au sein de vos relations amoureuses? Souvent étroitement associée à la notion de fidélité, la notion de confiance comporte pourtant de multiples autres facettes. En effet, autant elle contribue à initier et à construire de nouvelles relations, autant le moindre doute peut considérablement les ébranler. Elle cimente les rencontres, que ce soit au début d’une relation amicale, amoureuse ou collégiale. Et on l’évoque souvent lors de la fin d’une relation, si un·e proche, un·e ami·e ou un·e collègue nous a déçu·e ou trahi·e.

De l’huile dans les rouages relationnels

Alors qu’est-ce que la confiance? De manière générale, elle facilite les échanges sociaux, elle permet aux individus de tisser des liens – via la coopération, par exemple – et, sur le long terme, elle contribue grandement au maintien des relations. Il est pourtant difficile de la définir précisément. Dans les relations amoureuses, elle est intéressante à observer et à évaluer, car la proximité et l’intimité très fortes qui caractérisent ce type de relation la rendent encore plus cruciale à leur bon fonctionnement. D’ailleurs, les définitions d’une relation amoureuse et de la confiance se recoupent dans une certaine mesure.

En effet, dans une relation de couple, il existe une très grande interdépendance, c’est-à-dire que les deux personnes impliquées deviennent, d’une certaine manière, dépendantes l’une de l’autre, de leurs comportements, de leurs émotions et de leurs humeurs respectives. Les comportements ou réactions d’un·e partenaire impacte le comportement ou la réaction de l’autre et vice versa. Afin de développer leur intimité, les conjoint·e·s doivent s’ouvrir l’un·e à l’autre en partageant leurs émotions, leurs envies ou leurs désirs. Il faut alors savoir se montrer vulnérable d’une part, mais aussi avoir suffisamment foi (confiance donc) en l’autre, pour penser qu’elle ou il ne nous blessera pas par son attitude en réponse à nos partages ou nos demandes. Si notre confiance en notre confident·e diminue, il deviendra certainement plus difficile de lui confier des informations personnelles par la suite.

Là l’un·e pour l’autre

Au sein des relations amoureuses, la confiance a été définie comme le degré auquel les personnes pensent pouvoir compter sur leur partenaire de vie actuel. Par «compter sur», on entend qu’elle ou il soit capable de répondre à nos besoins et de nous soutenir dans nos buts. Dans cette définition, nous retiendrons 1) la dépendance à l’autre, 2) le fait de pouvoir compter sur l’autre quand on en a besoin, et d’avoir foi en l’autre, c’est-à-dire d’être confiant·e qu’il ou elle sera toujours disponible, soutenant·e et présent·e pour nous. Cela rejoint ainsi la définition proposée pour les couples. Parallèlement, la confiance peut être définie comme un état psychologique, où les deux conjoint·e·s interagissent et s’influencent mutuellement. Elle se compose également d’un ensemble d’attentes, de croyances et d’attributions projetées sur notre partenaire et sur sa capacité à répondre à nos besoins. Enfin, elle est aussi associée aux émotions: liée à la joie et à l’acceptation, la confiance est considérée comme une composante de l’amour.

 

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Ciment de la stabilité

La confiance est donc une condition sine qua non pour construire une relation amoureuse stable. Les motivations et les attentes sous-jacentes à notre confiance évoluent et changent avec le temps, le contexte et la personne. Par exemple, nos attentes peuvent dépendre de l’état de développement de la relation. Initialement, les deux personnes intéressées sont relativement peu interdépendantes l’une de l’autre et les enjeux relationnels peuvent être plus vagues. Avec le temps, l’interdépendance grandit, ce qui entraîne des questionnements, des incertitudes ou des attentes sur la capacité de l’autre à prendre soin de nous et de la relation. Ainsi, au début d’une relation, avoir confiance en l’autre se résume à cette question: «Cette personne est-elle fiable, sérieuse et stable?». A contrario, après plusieurs années, la confiance pourrait se traduire par les interrogations suivantes: «Mon ou ma partenaire est-elle ou il soutenant·e et loyal·e? Sera-t-elle ou il présent·e pour moi quoi qu’il arrive?».

Dès la petite enfance

Cette façon de penser se développe non seulement dans la relation à l’autre, mais aussi au cours de l’enfance. La théorie de l’attachement développée par John Bowlby suggère que, en grandissant, nos interactions avec notre figure d’attachement (souvent nos parents) nous permettent de développer des systèmes de comportements qui définiront notre manière d’appréhender le monde et nous-même. Par exemple, une personne qui se sent en sécurité se percevra comme digne d’être aimée, s’attendra à ce qu’on la soutienne et aura plus de facilité à réguler ses émotions. En revanche, une personne insécure aura plus de mal à faire confiance et se sentira moins digne d’être aimée et respectée. A l’âge adulte, ces systèmes servent de guide dans nos relations amoureuses ou amicales. La confiance est donc une composante de notre type d’attachement. Elle guiderait nos comportements et contribuerait à la construction de nos relations.

De plus, la confiance aide à maintenir le bon fonctionnement de nos relations amoureuses. En effet, à long terme, réaliser qu’on ne peut plus compter sur notre partenaire, qu’il ou elle n’est plus soutenant·e ou présent·e quand on en a le plus besoin, cela peut avoir des effets négatifs sur la relation. Par exemple, une faible confiance en son ou sa partenaire est associée à une diminution de la satisfaction de la relation.

Les chercheuses et chercheurs qui se sont penché·e·s sur la confiance dans les couples attribuent des caractéristiques spécifiques aux personnes présentant une faible confiance en elle et à celles faisant preuve d’une confiance élevée. Les personnes avec une faible confiance seraient plus sensibles aux signes de rejet et d’acceptation. Elles chercheraient plus à tester l’amour ou les réponses de leur partenaire. Leurs relations seraient généralement moins stables. Les personnes avec une confiance élevée en leur conjoint·e seraient plus optimistes et auraient des attentes positives par rapport à leur partenaire. Par exemple, elles seraient moins regardantes sur les écarts de conduites ou possibles erreurs. Lors de conflits, elles se montreraient plus partiales et afficheraient plus d’émotions positives. Leurs relations seraient ainsi plus stables sur le long terme. Enfin, pour bien comprendre le fonctionnement d’une relation, il faut bien entendu prendre en compte les deux partenaires. Ainsi, certaines études ont montré que, dans un couple où au moins un·e des partenaires a une confiance basse, les deux rapportent se sentir moins intimes dans leur relation.

La confiance est donc multi-dimensionnelle et plus complexe que ce que l’on imagine de prime abord. Nos interactions dans l’enfance influencent très tôt nos comportements, notre manière de penser et nos attentes vis-à-vis de personnes proches. Plus tard, la confiance fait partie intégrante de la dynamique de couple: elle a un impact sur la satisfaction des partenaires au sein la relation, ainsi que sur les comportements de chacun·e des conjoint·e·s.

La confiance est au cœur de nos relations, en particulier amoureuses. Cependant nous n’y réfléchissons que rarement sous ses multiples facettes. C’est pourquoi, je vous invite à vous questionner, à réfléchir aussi à vos relations amoureuses et amicales: quelle est la place de la confiance dans cette relation? Quelles sont mes attentes et/ou croyances en lien avec la confiance en mon partenaire? Et quels sont les aspects de la confiance qui sont les plus importants à mes yeux?

Notre experte Marianne Richter est assistante docteure au Département de psychologie.
marianne.richter@unifr.ch

Références

  • Fitzpatrick & Lafontaine, 2017
  • Simpson, 2007 
  • Campbell et al., 2010
  • Campbell & Stanton, 2019
  • Laurenceau, Feldman Barrett & Pietromonaco, 1998