Dossier

Jouer=QI au carré?

Les jeux peuvent-ils aider les enfants à apprendre? Le cas échéant, pourrait-on utiliser des méthodes ludiques pour en faire de petits Einstein? Depuis des décennies, les psychologues s’écharpent sur la question.

En psychologie comme en religion, il existe des chapelles. En ce qui concerne le rôle du jeu dans le développement de l’enfant, il existe, de manière un peu schématique, deux courants de pensée, opposant le psychologue russe Lev Vygotski au Suisse Jean Piaget. A en croire le premier, le jeu contribue au développement intellectuel de l’enfant. Autrement dit, plus un enfant joue, plus il sera doué de compétences sociales, langagières et cognitives. Pour le second, la relation serait plutôt inverse: plus l’enfant grandit, plus il va jouer à des jeux complexes.

La troisième voie de la psychologie du développement

Après des années de recherche dans le domaine, Valérie Camos et Christophe Fitamen ont dû finir par se l’avouer: en matière d’apprentissage par le jeu, leur religion est encore loin d’être faite, les deux chercheurs du Département de psychologie ne se reconnaissant véritablement dans aucun de ces deux courants: «Malheureusement, les travaux de Lev Vygotski (1896–1934) et de Jean Piaget (1896–1980) commencent à dater sérieusement et, depuis, peu d’études sont venues alimenter le débat, déplore Valérie Camos, on reste sur ces deux oppositions, somme toute un peu artificielles, l’une qui prétend que les jeux sont un marqueur de l’évolution cognitive (Piaget), l’autre qui affirme que les jeux la favorisent (Vygotski).»

Sous la contrainte, les deux chercheurs fribourgeois concèdent qu’ils penchent plutôt vers Piaget, voire même vers une troisième chapelle, mais d’obédience cognitiviste cette fois-ci. «Il ne faut pas attendre du jeu des miracles, tempère Christophe Fitamen, à lui seul il ne permet pas de développer les compétences intellectuelles des enfants. Cela dit, recourir au jeu, notamment symbolique (voir encadré), peut très vraisemblablement servir de stratégie, en particulier en milieu scolaire, pour améliorer leurs capacités mémorielles».

Une mémoire encore un peu balbutiante

Avant l’âge de 15 ans, la mémoire de travail, appelée aussi mémoire à court-terme, n’a pas encore atteint sa pleine maturité. «Quand on sait cela, explique Valérie Camos, on comprend mieux pourquoi les enfants n’arrivent parfois pas à se souvenir de tâches très simples.» Qui n’a pas désespéré de voir revenir son enfant après lui avoir tout simplement demandé d’aller chercher son manteau dans sa chambre? Distrait par un jouet au sol ou par toute autre chose, il aura purement et simplement oublié la «consigne». «L’enfant n’a pas fait preuve de mauvaise volonté, précise Valérie Camos, sa mémoire de travail s’est tout simplement avérée trop brève.» Une information qui sonne comme un appel à la patience à l’intention des parents! En bon apôtre du cognitivisme, la professeure fribourgeoise préconise de pourvoir les consignes destinées aux enfants d’un «contexte ludique et signifiant», ce qui devrait les aider à garder à l’esprit le but à atteindre.

Des expériences complexes et contradictoires

Cette idée d’utiliser le jeu à des fins de renforcement de la mémoire n’est pas nouvelle. Une étude, certes pas toute fraîche, puisque datant de 1948, en avait déjà démontré la pertinence. Mais il y a un hic, et de taille! Dans sa thèse de doctorat intitulée «Développement de la mémoire de travail et aide au maintien du but», Christophe Fitamen n’est pas parvenu à la même conclusion: «Nous avons fait une double expérience très simple: dans la première situation, nous demandions à des enfants de mémoriser une liste d’ingrédients qu’ils devaient ensuite aller acheter chez une expérimentatrice qui incarnait la marchande. Nous avons donc joué, symboliquement, à faire des courses. Ce premier contexte était donc ludique et empreint de sens. Dans la seconde expérience, les enfants, simplement placés devant les expérimentateurs, ont dû mémoriser la même liste, mais sans achats à la clé. Leur tâche était donc dépourvue de sens. Ils devaient juste mémoriser des ingrédients, puis les redire. Un point c’est tout.» A son grand dam pourtant, le contexte ludique n’a pas amélioré les résultats des enfants, au contraire même: «Nous leur avons sans doute donné trop d’instructions – ne cours pas pour aller chez la marchande! ne marche pas trop lentement! – ce qui a vraisemblablement surchargé leur attention et enlevé le caractère ludique de l’expérience. L’activité motrice que requérait le déplacement jusqu’à la marchande a sans doute également interféré avec la mémorisation.»

Sans être concluante, cette expérience n’est pourtant pas dénuée d’intérêt, car elle éclaire certaines pratiques scolaires d’un jour nouveau. «Dans les classes anglo--saxonnes, les élèves sont très libres de leurs mouvements, alors que chez nous ils sont plus corsetés, constate Valérie Camos; à la lumière de notre étude, on pourrait suggérer de privilégier la seconde configuration: un enfant assis apprend mieux.»

 

 

 

 

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Wer wird Bundesrat? / Qui sera Conseiller National ou Fédéral?, Punta-Verlag, Schweiz, um 1920

Neben SPES war der Punta-Verlag in den Jahren zwischen den beiden Weltkriegen der zweite Schweizer Spieleverlag mit patriotischem Programm. Spiele wie «Zum Gipfel der Jungfrau» und das «Schweizerische Kantons-Spiel» stammen ebenfalls von Punta.

Beim Bundesratspiel von etwa 1920 bewegen die 1 bis 6 Spieler ihre «Politiker» auf den Köpfen des «Volkes» hin und her, «um sich beim Volk bekannt und beliebt zu machen». Anschliessend geht es mit einer 4 in den Nationalrat, von da durch eine 5 in den Ständerat und schliesslich mit einer 6 in den Bundesrat. Die politische Karriere: ein reines Würfelspiel unter Männern?

Prudence méthodologique

Peu convaincu par les conclusions de son «expérience de la marchande», notamment à cause des biais induits par les instructions données aux enfants, Christophe Fitamen a mis sur pied une expérience similaire, mais implémentée sur une tablette électronique. «Cette fois-ci, le contexte a favorisé la mémorisation, se réjouit-il, les enfants se sont souvenus de davantage de mots dans une situation de jeu.» Encore faut-il nuancer cette affirmation, puisque ces résultats varient en fonction de l’âge: «L’expérience s’est avérée positive chez les enfants de 5 ans, mais pas chez ceux de 4 ans.» Rien n’est jamais simple quand le matériau d’étude est l’humain!

Pour corser le tout, la période de 2 à 7 ans reste très peu étudiée, par manque d’intérêt et par difficulté méthodologique. Obtenir l’autorisation des autorités scolaires et des parents pour soumettre les enfants à des expériences s’avère souvent une épreuve rédhibitoire. «Dans l’expérience de la marchande, nous avons testé plus d’une centaine d’enfants. Il est indispensable de les mettre en confiance, un à un, avant de leur expliquer leur tâche. Je ne parle même pas des pré-tests afin de voir si l’expérience est bien calibrée. C’est très difficile, très lourd, souligne Christophe Fitamen, pas étonnant dès lors qu’il y ait de moins en moins d’expériences avec les enfants.»

Le jeu n’est pas la panacée, mais...

On peut néanmoins déjà affirmer que le jeu ne va pas booster la mémoire des enfants. En revanche, un contexte ludique peut aider au maintien des informations en servant de balisage pour leur éviter d’oublier la consigne. «Prenons un exercice d’arithmétique, illustre Christophe Fitamen; si l’on demande à des enfants de compter les pattes d’animaux figurant sur une feuille – un cheval, une poule, un escargot, etc. – , on améliorera leurs résultats en entourant au crayon rouge l’endroit où ils doivent porter leur attention, les pattes en l’occurrence. Cela va soutenir leurs capacités cognitives encore en développement, sans toutefois les rendre plus intelligents.» Pour Valérie Camos, cette dernière conclusion est un véritable appel à la prudence: «De plus en plus de sociétés démarchent les écoles et les parents avec l’intention de leur vendre des jeux éducatifs censés faire des enfants de petits Einstein. Rien en sciences n’étaye cela. Par ailleurs, il y a une tendance trop générale à croire qu’on va transformer les enfants. Leur faire faire des choses, c’est bien, mais ce n’est pas en les accablant d’activités qu’on va les améliorer. Il faut accepter qu’un enfant soit un enfant.»

Notre experte Valérie Camos est professeure en psychologie du développement. Elle s’intéresse aux mécanismes d’apprentissage chez les enfants en âge de scolarisation.

valerie.camos@unifr.ch

Notre expert Christophe Fitamen est lecteur pour le Master de psychologie du développement et scolaire. Ses travaux portent sur le développement de la mémoire de travail des enfants de 3 à 9 ans.

christophe.fitamen@unifr.ch