Dossier

Salles vides, festivals pleins

Tandis que les salles obscures tirent la langue, les festivals de films connaissent un vrai boom. Zoom sur leur rôle passé et présent avec le Directeur artistique du Festival International du Film de Fribourg (FIFF) Thierry Jobin, la sociologue Muriel Surdez et l’historien Cyril Cordoba, de l’Unifr.

Quel est votre premier souvenir de sortie au cinéma?

Thierry Jobin: C’était en 1976, au cinéma Lido à Delémont. J’avais 7 ans et je découvrais le dessin animé La Flûte à six schtroumpfs. Pendant des années, j’ai prétendu que c’était Sinbad et l’œil du tigre, car je trouvais que ça en jetait plus (rires). Un jour, j’ai lu une interview du cinéaste danois Nicolas Windig Refn dans laquelle il expliquait que La Flûte à six schtroumpfs avait fait naître sa vocation. J’ai immédiatement retourné ma veste!

Muriel Surdez: Mon premier souvenir – même s’il ne s’agit sans doute pas de ma toute première virée au cinéma – concerne E.T., l’extra-terrestre, également au Lido de Delémont. Durant toute la séance, deux gamins assis derrière moi demandaient sans arrêt «Il est où E.T.? Il vient quand E.T.?» Cela m’a marquée.

Cyril Cordoba: Je suppose qu’il s’agissait soit d’un film du cycle pour enfants La Lanterne Magique, soit d’un dessin animé Disney du type Le Roi Lion.

Quel festival de films vous a particulièrement marqué?

Muriel Surdez: Celui de Locarno. Alors que je fréquentais le gymnase de Porrentruy, j’ai eu la chance de participer au programme Cinema & Gioventù, qui offrait la possibilité d’intégrer un jury de jeunes. Et surtout celle d’interviewer les acteurs·trices et réalisateurs·trices présent·e·s au Festival. Je me rappelle m’être entretenue avec Mireille Perrier.

Thierry Jobin: Les premiers festivals que j’ai fréquentés, ce sont ceux de Super 8 auxquels je participais avec mes potes. Nous bricolions vite fait un tourné-monté et embarquions un appareil cassettes pour le son. On passait du Klaus Nomi pour illustrer des nouvelles d’Alfred Hitch­cock tournées à la cave chez mes parents.

Cyril Cordoba: Le Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF) avec son ambiance particulière, les running gags qui se construisent jour après jour, séance après séance. Le public y est très remuant durant les teasers mais, dès que le film commence, un silence religieux s’installe. C’est un mélange assez propre aux festivals de films, entre ambiance potache et respect pour la création. Le Courgemétrage est un autre bon exemple du genre. Le principe: un lieu un peu désaffecté est mis à disposition à Neuchâtel. Les participant·e·s y tournent leurs films, qui sont ensuite tous diffusés durant la même soirée. L’atmosphère est très particulière, à la fois festive et souvent gore.

Thierry Jobin: Ah oui, le Courgemétrage! Lorsque j’y officiais comme membre du jury, j’étais impressionné par l’influence qu’a le NIFFF sur le cinéma de la région. De façon plus générale, je pense qu’un festival a une réelle incidence sur les goûts cinématographiques d’une région.

FIFF y compris?

Thierry Jobin: A plusieurs reprises, des cinéastes suisses en tournée dans les salles obscures du pays m’ont rapporté que le public fribourgeois semble très entraîné à poser des questions de fond comme de contenu sur les films. Peut-être que cela s’explique, entre autres, par l’accent que le FIFF met sur les séances scolaires, qui sont les plus importantes de Suisse. Depuis la création du Festival, plus de 200’000 jeunes sont passés par ces projections. Ici, à Fribourg, il y a une curiosité qu’on ne trouve peut-être pas ailleurs. Les gens préfèrent voir ce qu’ils ne connaissent pas plutôt que des films patrimoniaux.

Entraîner le public, est-ce justement le rôle d’un festival de films?

Thierry Jobin: Pas forcément. Certains festivals ont pour but principal de proposer de grosses avant-premières. Mais pour ce qui est du FIFF, la dimension éducative empreint toute la sélection, que ce soient les séances normales ou scolaires. Nous aimons montrer au public ce qu’il n’a jamais vu, ouvrir des fenêtres dans la tête des gens.

Cyril Cordoba: Dans une perspective historique, jusqu’à la fin des années 1960, seule une très petite minorité de festivals voulaient éduquer le public, développer une culture cinématographique, affûter les goûts. Au début, que ce soit à Cannes, Venise, Berlin ou Locarno – et malgré ce que ces festivals veulent bien nous laisser entendre – les velléités étaient plutôt touristiques, politiques et/ou économiques, c’est-à-dire que les distributeurs·trices dévoilaient les films qui allaient sortir pour que les exploitant·e·s les achètent.

Grand Prix FIFF 2023 | Chie Hayakawa, Plan 75 | Japon, France, Philippines, Qatar

Quand les choses ont-elles changé?

Cyril Cordoba: Le tournant a eu lieu autour de 1968, sous l’impulsion des mouvements de contestation. On a commencé à placer de vrai·e·s directeurs·trices artistiques à la tête des festivals, et non plus des promoteurs·trices touristiques ou des personnalités politiques. Les festivals ont alors mis l’accent sur ce qu’on ne trouvait pas dans les salles traditionnelles. Ce virage s’est accompagné d’une orientation politique assez à gauche dans les années 1970. Un second tournant s’est produit dans les années 1980, dont le FIFF – qui s’appelait d’ailleurs Festival de films du Tiers-Monde à ses débuts – est l’héritier. Idem pour Nantes et son Festival des 3 Continents. Leur but était de montrer autre chose. Pas seulement des films d’avant-garde mais aussi des films issus de pays moins connus: des cinématographies dites émergentes, marginalisées. Ces deux tournants successifs ont vraiment fait prendre aux festivals de film une dimension plus culturelle. Du moins en ce qui concerne les grandes manifestations. Petit à petit est alors apparu un genre de «film de festival». A savoir un film d’auteur·e relativement long, au sujet un peu grave et au style austère, idéalement avec un angle social ou politique.

Thierry Jobin: Ce phénomène a d’ailleurs entraîné des dérives. Des réalisateurs·trices argentin·e·s m’ont par exemple rapporté que dans leur pays, à une époque, des milliers de réalisateurs·trices sortaient des écoles de cinéma chaque année, ce qui est complètement inutile. Ils apprenaient à faire des films «pour aller à Cannes».

Muriel Surdez: Je rebondis brièvement sur la question du nom du FIFF. On a certes quitté l’appellation Festival de films du Tiers-Monde (ndlr:  en 1990, à la demande de cinéastes la jugeant trop connotée de misérabilisme). Mais désormais, on ne sait pas trop comment appeler ce genre de festival. Soit on fait référence à chaque pays séparément, mais on tombe dans la fragmentation totale, soit on utilise des périphrases. Actuellement, en sciences sociales, le terme consacré est «Sud global».

Est-ce ce genre de transformations que vous analysez avec vos étudiant·e·s en sociologie lors du séminaire lié au FIFF?

Muriel Surdez: En effet, c’est très intéressant! Au-delà des aspects historiques, je m’appuie aussi sur l’ADN du FIFF. J’essaie d’amener les étudiant·e·s à découvrir des choses qu’ils ne verraient pas ailleurs. Car malgré tous les canaux et réseaux d’information à la disposition des jeunes, l’exploration et l’ouverture ne sont pas garanties. C’est justement en constatant que seule une petite frange des étudiant·e·s avait accès à ce genre de films que j’ai mis sur pied un enseignement qui leur donne l’opportunité d’aller au FIFF. Comme un ballon d’essai.

Thierry Jobin: Il intéressant à ce propos de constater une tendance en augmentation au FIFF, celle des spectateurs·trices qui ne prennent pas un abonnement mais un billet unique, histoire de tester. Ma volonté en reprenant la direction du Festival était d’ailleurs de créer un contexte sécurisé, sachant que certaines personnes avaient «peur» d’y venir. Leur dire «viens voir un western bangladais» plutôt que «viens voir un cycle thématique bangladais», cela rassure, car on connaît les codes. Idem cette année avec la section «Meurtres et mystères». Sauf que l’action aura lieu en Inde ou en Corée du Sud. Cette stratégie a tellement bien fonctionné qu’en 15 ans, nous avons carrément doublé notre public. Et nous l’avons beaucoup rajeuni.

Cyril, vous avez abordé la question de la production de «films de festivals». Quel rôle les festivals eux-mêmes jouent-ils dans ce phénomène?

Cyril Cordoba: Dans le sillage de Rotterdam, plusieurs festivals européens se sont dotés de fonds de soutien à la production, comme Locarno et sa Fondation Montecinema­verità. Un de leurs buts est d’aider des cinéastes qui ont moins de moyens à concrétiser leurs idées. Mais il s’agit bien sûr aussi pour ces festivals de pouvoir diffuser ces films en primeur et d’y apposer leur sceau.

Thierry Jobin: Je citerais aussi le fonds d’aide à la production Visions sud est, une initiative de trigon-film et du FIFF en partenariat avec Visions du Réel et Locarno, que la Direction du développement et de la coopération (DDC) a malheureusement décidé de supprimer dès 2026. La spécificité de cette structure, c’est que le soutien aux cinéastes n’implique pas de contrainte au niveau du lieu de tournage et de production. Les autres fonds – tels que l’Aide aux cinémas du monde en France ou le World Cinema Fund en Allemagne – exigent qu’une partie de l’argent soit dépensé dans le pays qui finance le film. Un cinéaste burkinabé qui reçoit 50’000 euros doit ainsi en dépenser 25’000 en France ou en Allemagne pour la post-production, ce qui fait exploser son budget. Autre problème: ces réalisateurs·trices passent de fonds en fonds, participent à des ateliers, sont coaché·e·s par divers spécialistes, etc. Leur projet, lui, se transforme – voire se déforme – petit à petit, jusqu’à ce qu’il soit considéré comme «prêt pour les festivals».

Cyril Cordoba: Ce que décrit Thierry, on l’observe clairement à Cannes: certains cinéastes ne vivent que grâce au circuit des festivals. Et même si, depuis les années 1970 –1980, les grands festivals ne sont plus seulement européens, le propos de leurs films est parfois calibré pour un public occidental, qui veut y retrouver tel ou tel élément. Le risque, c’est qu’elles et ils se détachent de leur propre contexte culturel, sans forcément qu’il s’agisse d’un cinéma de l’exil ou de la diaspora, qui est autre chose. Ils sont parfois complètement déconnectés du cinéma populaire que les gens apprécient dans leur pays.

Cela contredit-il le but originel de certains festivals de films, à savoir montrer des films «authentiques»?

Muriel Surdez: Voilà le cœur de ce que j’essaie de faire avec les étudiant·e·s: se demander si le film qu’on visionne adopte un regard occidentalo-centré, qui est dilué du fait que le film vient d’«ailleurs», ou s’y adapte. A noter que la réalité n’est jamais noire ou blanche. Cela aussi, les étudiant·e·s apprennent à l’analyser. Les cinéastes vont toujours intégrer dans leurs films des aspects de leur socialisation primaire. Il est donc intéressant de creuser, de discuter avec les réalisateurs·trices ou au moins de se pencher sur des entretiens qu’elles et ils ont donnés. De comprendre comment elles et ils essaient de déjouer les pièges, de ne pas juste être un rouage dans la machine. De se demander comment les spectateurs·trices arrivent à voir tout ça, quelle grille d’analyse elles et ils ont à disposition pour savoir si un film a été fait pour elles et eux ou s’il est «authentique».

Pourriez-vous donner un exemple?

Muriel Surdez: Le film bhoutanais The Monk and the Gun, projeté au FIFF en 2024, est un bon exemple. En le voyant, on peut être tenté·e d’encenser sa capacité à montrer que la démocratie ne peut pas être implémentée partout, qu’elle va à l’encontre de la culture locale. Or, l’anthropologie invite à prendre de la distance, à se demander quels sont les motifs, le contexte de production. Mais la dimension émotionnelle du cinéma, avec ses magnifiques images et sa musique prenante, peut nous emporter. Surtout si on ne connaît pas ses codes, qu’on n’a pas été entraîné·e à le décrypter. Ce matériau que nous met à disposition le FIFF est un terrain d’expérimentation fantastique, dans lequel je puise volontiers même si je ne suis en aucun cas une spécialiste des études cinématographiques.

Sur quel bagage les étudiant·e·s peuvent-ils s’appuyer pour analyser ces films?

Muriel Surdez: Je les encourage à se servir d’outils qu’elles et ils connaissent déjà – par exemple issus des enseignements en sociologie et en anthropologie – et à les tester sur ces films. Par exemple, la structure de la parenté dans le film péruvien Cuadrilatero (ndlr: également projeté au FIFF en 2024), l’histoire d’une famille de quatre personnes dans laquelle arrive un nouvel enfant. Malgré leur bagage académique en sociologie de la famille, certain·e·s étudiant·e·s sont tombé·e·s dans le piège. Elles et ils ont analysé le film en partant d’une norme familiale occidentale, à savoir papa-maman deux enfants. Or, cette norme prévaut-elle en Amérique latine? L’idée n’est pas de plaquer des outils sociologiques mais, à l’inverse, de les mettre à l’épreuve («Est-ce que ce que j’ai appris fonctionne?») et de les combiner/confronter avec des outils issus d’autres disciplines.

Thierry Jobin: Pour en revenir à la question du soutien des réalisateurs·trices par les festivals: il est important de rappeler que le cinéma mondial a connu récemment un changement radical. En moins de 40 ans, on est passé du tout analogique au tout numérique, ce d’une manière forcenée. Encore présente il y a une quinzaine d’années, la pellicule a complètement disparu. Cette évolution a eu un gros impact, car elle a ouvert certains pays au cinéma. Notamment ceux dont le climat n’était pas compatible avec la pellicule, tels que les Caraïbes. En Inde, au Népal ou au Tibet, les films avaient presque toujours un rendu jaunâtre. En 15 ans, le nombre de longs métrages s’est probablement multiplié par cinq, voire dix. Devant tant de concurrence, imaginez la difficulté du chemin que doit parcourir un·e petit·e réalisateur·trice vietnamien·ne pour faire atterrir son film sur les écrans… Autrefois, on ne pouvait pas faire du cinéma sans budget. Aujourd’hui, on peut tourner avec son téléphone portable.

Dans ce contexte d’explosion de la production cinématographique, la mission des festivals évolue-t-elle?

Thierry Jobin: En Suisse, non seulement il existe de plus en plus de festivals de films, mais ils enregistrent tous une hausse du nombre de spectateurs·trices. A l’inverse, il y a moins de spectateurs·trices dans les circuits courants. Côté films, alors qu’il n’y en avait autrefois pas assez par rapport au nombre de festivals, aujourd’hui il y en a trop, même dans notre pays. Dans ce contexte, quelle est la mission des festivals? Si on prend l’image des tomates: il y en a qui sont cultivées sous serre, d’autres non. Il y a les locales, les bio, etc. Ce n’est pas Internet ou les plateformes qui dévoilent aux cinéphiles quelles sont les tomates les plus savoureuses, ce sont les festivals. Leurs responsables ont la possibilité d’aller dans tous les hangars à tomates du monde et de les goûter. Nous sommes des prescripteurs·trices dans la jungle de la production cinématographique.

De plus en plus, les festivals sont également mis en avant comme lieux de socialisation…

Thierry Jobin: Le plaisir d’être ensemble est fondamental! Les cinéphiles qui, après une semaine de FIFF, retournent dans une salle obscure, sont souvent un peu déprimé·e·s: tout à coup, le cinéma est à moitié vide. Les gens veulent une expérience, pas seulement voir un film. Aller boire un verre après la projection, discuter avec le réalisateur. Un vrai lieu de partage plutôt qu’un endroit où l’on achète son ticket sur une borne électronique à l’entrée et où l’on n’a besoin de parler à personne.

Muriel Surdez: Un festival, c’est une sortie de la temporalité quotidienne. On s’y prépare comme pour une fête. Ce n’est pas comme se dire «après le boulot, si j’ai le temps, j’irai voir un film».

Thierry Jobin: Les festivals recréent par ailleurs l’impression de rareté qui s’est perdue avec l’arrivée du streaming. Moi, j’ai dû attendre 14 ans pour voir Sugarland Express de Spielberg, que j’avais raté à sa sortie au cinéma. Aujourd’hui, je le trouverais en 3 minutes sur Internet. Or, sur Internet, si vous faites une recherche du type «meilleurs films de l’histoire du cinéma», ce sont toujours les mêmes qui ressortent. Les festivals proposent un autre regard, d’autres films, des pépites. D’ailleurs, l’un de nos slogans est «si tu ne le vois pas au FIFF, tu ne le verras jamais».

Cyril Cordoba: Je vous rejoins, Thierry: sur YouTube, la foule de décryptages et d’analyses à disposition concerne toujours les mêmes films, genres ou périodes. La plus-value des festivals, c’est vraiment cette curation. Ils permettent par ailleurs de sortir de l’uniformisation, d’éviter le piège des plateformes, dont les algorithmes s’adaptent à nos goûts et nous suggèrent toujours le même genre de contenus. Cela dit, certaines proposent une vraie curation. Je pense à Mubi, dont le catalogue assez limité est trié sur le volet.

Muriel Surdez: Dans la série «pépites de festivals», j’aime beaucoup le concept de la section Diaspora du FIFF, dans laquelle une personnalité (souvent suisse) issue de la migration choisit des films en lien avec son pays d’origine. Films qu’elle n’a pas forcément vus et qui présentent «ce qui est de chez elle mais pas vraiment de chez elle».

On l’a vu, les nouvelles technologies ont changé la manière de produire, mais aussi de consommer les films. Comment a évolué le rapport des gens à l’image?

Cyril Cordoba: Chez les plus jeunes, l’image devient la principale manière d’obtenir de l’information. On va sur YouTube ou Tiktok, on visionne des tutoriels ou on suit des streamers. Trop souvent, on considère ce qu’on voit comme de l’information au premier degré. Or, toute représentation est forcément mise en scène, construite. L’éducation à l’image est devenue absolument primordiale. Par ricochet, elle permet, lorsqu’on voit un film dans un festival, de réaliser qu’il n’est pas juste le reflet d’une société. Que le miroir est déformé, teinté.

Muriel Surdez: Ce que vous dites renvoie complètement au travail de la Faculté des lettres et des sciences humaines, au développement du fameux «regard critique». Même si, en soit, ce terme est souvent galvaudé. Pour rendre les étudiant·e·s attentifs·ives aux questions d’image, j’utilise par exemple les études qui montrent que, dans le cinéma holly­woodien, la pellicule rendait très bien les visages blancs mais pas les visages noirs, qui devenaient un peu jaunâtres ou verdâtres. C’est Spike Lee qui a trouvé une autre manière d’éclairer les visages des acteurs·trices de couleur.

Thierry Jobin: Le male gaze est une autre problématique typique d’Hollywood. Longtemps, rares étaient les actrices qui commençaient une scène de film. Et lorsqu’elles entraient dans le plan, c’était à travers le regard des personnages masculins. Des générations entières ont été abreuvées par cela!

Cyril Cordoba: Le male gaze naturalise aussi l’idée que le spectateur est un homme blanc hétérosexuel et cisgenre. Les festivals de films queer et LGBTQ+ apparus dès les années 1970 ont justement voulu montrer autre chose, avec un autre regard.

La recherche académique manifeste un intérêt grandissant pour les festivals de cinéma et non plus seulement pour les films. Pourquoi?

Cyril Cordoba: Peut-être justement en raison de la prise de conscience de leur multiplicité et de leur richesse. Un festival a une dimension touristique, économique, culturelle et sociale. C’est d’ailleurs pourquoi la meilleure façon d’aborder les festivals de film, c’est de façon interdisciplinaire. Muriel Surdez et moi espérons d’ailleurs pouvoir développer un séminaire commun autour du FIFF, à cheval entre l’histoire et la sociologie.

Notre expert Cyril Cordoba est assistant-docteur au Département d’histoire contemporaine.
cyril.cordoba@unifr.ch

 

 

 

 

 

Notre expert Thierry Jobin est le directeur artistique du Festival International du Film de Fribourg (FIFF) depuis l’édition 2012. Auparavant, il était journaliste spécialisé dans le cinéma.
thierry.jobin@fiff.ch

 

 

 

Notre experte Muriel Surdez est professeure ordinaire au Département des sciences sociales. Depuis 2021, elle donne le séminaire «Sociétés plu­rielles en image: Immersion au FIFF».
muriel.surdez@unifr.ch

immersionaufiff.squarespace.com