Délinquance, récidive, prison et radicalisation: un engrenage qui effraie. Comment prévenir ce choix et préparer la réinsertion? Entretien avec Géraldine Duvanel Aouida, lectrice au Domaine de sociologie, politiques sociales et travail social.
Comment empêcher l’entrée dans la délinquance?
La délinquance traverse le temps; ce sont la place et la forme des délits, les parcours personnels, les contextes généraux qui changent. Nous disposons aujourd’hui de pistes concrètes et utiles: le sentiment d’incompétence, le manque de confiance et de prévisibilité au quotidien, l’absence de soutiens et d’engagements forment des contextes d’inquiétude et d’isolement. L’intervention peut travailler dans ce sens pour prévenir et atténuer la souffrance sociale dont certains chercheraient à sortir par des voies moins recevables. Le travail sur le décrochage scolaire est un début fondamental. Favoriser l’inclusion pour que le passage de l’adolescence à l’âge adulte ne soit pas vécu comme une déchirure.
Peut-on établir un lien entre délinquance juvénile et départs pour le djihad?
Il faut éviter les amalgames. Les jeunes en situation de délinquance en Suisse ne doivent pas être vus comme des candidats au djihad. Ce qui est intéressant, c’est de se pencher sur l’expérience de non considération et de vulnérabilité que font les jeunes délinquants. Dans une logique de survie, ils tentent de déjouer cette situation de souffrance en se transformant, en se dotant d’un certain pouvoir. Ils investissent la marge dans laquelle ils sont pris. L’accès à un statut de caïd doit leur permettre d’éprouver un sentiment de pouvoir et de contrôle. Il est envisagable que cette expérience de souffrance sociale et cette volonté de la déjouer soient communes. L’insertion durable dans la délinquance est une réponse à une souffrance qu’on peut même qualifier d’expérience d’aliénation.
Une déradicalisation est-elle possible?
La déradicalisation est, à mon sens, une utopie politique. Il importe, avant tout, d’éviter la radicalisation, que l’on peine par ailleurs à définir, en offrant mieux et plus tôt. Miser sur l’insertion sociale des plus vulnérables, permettre à la jeunesse contemporaine d’accéder à une forme d’autonomie et d’accomplissement minimal, éveiller l’espoir de trouver sa place. C’est autour de ce projet que les forces devraient se concentrer.
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Après avoir obtenu son diplôme en pédagogie spécialisée, Géraldine Duvanel Aouida travaille en tant qu’éducatrice d’internat. Elle décroche sa licence, puis son doctorat en pédagogie spécialisée à l’Université de Fribourg. Sa thèse, «Rester pour s’en sortir. Logiques de récidive chez les jeunes en situation de délinquance» est récompensée par le Prix Vigener de la Faculté des lettres en 2015.
A lire:
- «La spirale de la délinquance juvénile», un article sur sa thèse dans universitas Europa, mars 2016
- «Rester délinquant juvénile : une logique de survie», un article de Géraldine Duvanel Aouida paru dans la Revue d’information sociale REISO
- Rester délinquant. Comprendre les parcours des jeunes récidivistes, le livre tiré de la thèse, à paraître au printemps 2016 aux Editions Academia
- Religion on- et offline - 13.10.2017
- Faire le djihad et mourir - 21.10.2016
- Briser la spirale - 17.04.2016