L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt! Celui de Bjorn Rasch est assuré pour les 5 prochaines années, lui qui vient de décrocher 1.5 millions d’euros de l’Union européenne. Avec cette subvention, le biopsychologue de l’Université de Fribourg peut dormir sur ses deux oreilles: sans aucun souci financier, vecteur de stress et donc d’insomnie, il dispose des moyens nécessaires pour poursuivre ses recherches sur le sommeil. Petite visite dans un laboratoire pas comme les autres.
«Au fond du couloir, vous devez tourner à droite, puis à gauche, ensuite monter des escaliers, prenez de nouveau à droite, le bureau du Professeur Bjorn Rasch devrait se trouver là, sur votre gauche.» Les explications de l’étudiant, aussi limpides soient-elles, se perdent immédiatement dans mes circonvolutions. Dans ce dédale, je sens que trouver mon interlocuteur, à qui j’ai donné un rendez-vous, ne va pas être une partie de plaisir. Et je suis déjà en retard, misère!
Au détour d’un couloir, ahanant, je bute sur un homme dans la trentaine, d’allure sportive, qui m’interpelle, souriant: «Ah! Vous voilà. Bonjour!». Ouf! Bjorn Rasch, le spécialiste du sommeil, ne semble pas s’offusquer de mon petit quart d’heure de retard. Je ne passerai pas une nuit blanche à ressasser, sous la couette, le premier acte manqué de la journée.
Baliser la route du marchand de sable
D’entrée, il m’invite à lui emboîter le pas jusqu’au sous-sol du bâtiment, où se trouve son laboratoire du sommeil. Pour illustrer l’objectif de ses recherches, Bjorn Rasch choisit un exemple qui parlera à tout étudiant: «Imaginez que vous avez un examen. Vous risquez fort de mal dormir à cause du stress. Nous cherchons à comprendre ce phénomène: Comment des pensées qui nous occupent l’esprit à l’état conscient peuvent nous affecter, en bien ou en mal, lorsque nous sommes inconscients». De mieux saisir les mécanismes psychologiques à l’œuvre devrait permettre, à terme, de développer des stratégies pour mieux gérer le sommeil. Les amateurs de recensement nocturne des moutons en ont rêvé, Björn Rasch va peut-être le faire!
Ready, steady, sleep!
Nous parvenons dans une pièce qu’occupent presque entièrement deux sortes de containers de chantier. «Ces cabines sont en fait des cages de Faraday, explique Bjorn Rasch, elles permettent d’isoler les personnes qui participent à nos expérience des courants électriques qui pourraient perturber nos mesures.»
A l’intérieur de l’une d’elles, une étudiante, étendue sur un lit simple, se recouvre d’un édredon épais et moelleux comme une barbe à papa. Sa tête est couverte d’un bonnet truffé d’électrodes reliées à des ordinateurs. C’est ici que Bjorn Rasch et son équipe ont déjà réalisé leurs premières expériences, des sortes de séances d’hypnose, lors desquelles une bande-son invitait les cobayes à s’imaginer un poisson nageant toujours plus profondément. «Une fois endormis, nos mesures ont montré que les gens qui ont participé à cet exercice de relaxation mentale ont dormi plus profondément que les autres.»
Des histoires à dormir debout
Mener des recherches sur le sommeil s’avère, en fait, assez contraignant: Björn Rasch doit non seulement recruter et rémunérer des dizaines de personnes disposées à dormir dans un container de quelques mètres carrés, mais un collaborateur doit aussi, la nuit entière, rester éveillé afin de surveiller le bon déroulement des expériences. Le plus souvent, les interventions se limitent à démonter une à une les électrodes placées sur la tête afin de permettre aux participants de satisfaire un besoin naturel, mais quelques surprises ne sont pas exclues. «Alors que je somnolais presque, se remémore Björn Rasch, j’ai soudainement vu qu’un des volontaires s’était redressé dans son lit. Il arrachait, violemment, les câbles fixés à sa tête. Il était en train de faire un mauvais rêve!»
Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés
Les apparences sont trompeuses. Sous son apparence d’homme posé, serein, Bjorn Rasch ne dort pas toujours du sommeil du juste. Il le reconnaît sans peine d’ailleurs: «Je crois qu’en savoir autant en la matière n’est pas vraiment bénéfique. A force d’entendre que le sommeil est indispensable pour la santé, pour l’apprentissage, contre le stress, etc., on se met une pression excessive.»
Bien conscient du problème, il invite ses élèves, à qui il ressasse à longueur d’année les innombrables vertus du sommeil, à prendre du recul: «Le corps peut récupérer sans problème d’une nuit blanche. Quand ça arrive, il ne faut pas en faire un drame.»
Des recherches qui font rêver
Environ un tiers de la population souffre de troubles du sommeil. Il va donc sans dire que les recherches de Björn Rasch en font rêver plus d’un: «Je reçois beaucoup de sollicitations de personnes qui ont des problèmes de sommeil, mais qui ne veulent pas recourir aux médicaments.» Inutile pourtant de harceler Björn Rasch, il n’est pas médecin et ne pose pas de diagnostic. Le biopsychologue se situe en amont: «Je travaille dans la recherche fondamentale, il incombera à d’autres de concrétiser les résultats de nos expériences», conclut-il, comme pour éviter une ruée dans son bureau.
Pourtant, au moment de prendre congé, Bjorn Rasch ne peut réprimer un dernier conseil: «Pour vos insomnies, essayez la bande-son avec le poisson. Ça marche!»
__________Lire aussi:
- Le communiqué de presse de l’Unifr sur la bourse européenne obtenue par Bjorn Rasch.
- Le communiqué de presse de l’Unifr sur les recherches de Bjorn Rasch concernant les effets de l’hypnose sur le sommeil.
- La page de présentation de Bjorn Rasch
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