Depuis quelques années, les tablettes tactiles ont investi notre quotidien. Aujourd’hui, elles se fraient aussi un chemin dans le domaine de la pédagogie spécialisée. Des chercheuses fribourgeoises souhaitent en exploiter le potentiel pour permettre aux personnes présentant une déficience intellectuelle d’acquérir une plus grande autonomie.
L’autodétermination. Voilà un concept devenu un maître-mot dans le domaine de la pédagogie. De nos jours, les éducateurs considèrent les personnes en situation de handicap comme des acteurs à part entière de leur projet de vie. Ça n’a pas toujours été le cas. Les spécialistes considèrent les nouvelles technologies en général, et les tablettes tactiles en particulier, comme de bons outils pour concrétiser ce nouveau paradigme.
«Imaginez une personne avec une déficience intellectuelle, explique Geneviève Petitpierre, professeure au Département de pédagogie curative et spécialisée de l’Université de Fribourg, un gps amélioré pourra par exemple l’aider à prendre un ticket de bus et lui signaler à quel arrêt descendre.» On comprend ainsi comment une application, somme toute assez banale, permet d’aider son utilisateur à se mouvoir dans son environnement. Le hardware est connu – ici une tablette tactile –, mais encore faut-il avoir les compétences pour développer le software, autrement dit des applications utiles et utilisables.
Une thèse, deux métiers
Et c’est bien là le défi que s’est lancé Melina Huter. Dans le cadre de son travail de doctorat, cette chercheuse de l’Université de Fribourg développe une application pour tablette tactile destinée aux personnes ayant une déficience intellectuelle. Son projet a pour ambition d’aider ces dernières à réaliser des tâches professionnelles. Un exemple? Dans le domaine de la menuiserie, ce coup de pouce technologique pourrait leur permettre de surmonter des difficultés rencontrées lors de la fabrication de palettes et de piquets de géomètres. «Ces personnes, explique-t-elle, ont souvent de la peine à planifier une tâche et à l’exécuter correctement du début à la fin. L’application que je développe va leur permettre de séquencer leur activité. Elle les soutient également dans la résolution de problèmes en stimulant leur réflexion.» La tablette tactile guide son utilisateur étape par étape. A chaque tâche accomplie, elle exige une validation: ai-je bien tous les clous nécessaires? Ai-je tous les outils à portée de main? Ainsi de suite, jusqu’à la réalisation complète de l’objectif fixé.
Dans un premier temps, Melina Huter a dû passer par une phase d’observation sur le terrain, en collaboration avec des maîtres socio-professionnels, afin de définir les besoins. Dans un second temps, elle a dû développer l’interface. Un travail exigeant qu’on attendrait davantage d’un informaticien que d’un chercheur en pédagogie spécialisée, et pourtant! «Ça a été un vrai défi, confie la doctorante, j’ai dû me montrer créative et il a fallu que je me forme!»
Prière de lire le mode d’emploi!
Grâce au soutien des nouvelles technologies, des tâches a priori hors de portée deviennent facilement réalisables. «Il faut les voir comme des béquilles, image Geneviève Petitpierre, elles permettent de contourner une difficulté et de miser sur les compétences existantes!».
Néanmoins, à l’instar de tous les nouveaux appareils, il est fortement recommandé de lire le manuel d’instruction avant usage. «Il ne suffit pas de mettre une tablette tactile dans les mains d’une personne pour qu’elle sache l’utiliser, explique Melina Huter, encore faut-il lui montrer comment allumer l’appareil, l’éteindre, comment en contrôler le volume et, bien sûr, comment gérer l’application.»
Ultime précaution d’usage: tout instrument permettant de se connecter au web et aux réseaux sociaux peut facilement être détourné de sa destination première. Les mises en garde s’avèrent indispensables.
Une tablette, des usages multiples
Les TIC, l’acronyme en usage pour les technologies de l’information et de la communication, sont utilisées depuis des années dans le milieu éducatif.
Qu’on songe, par exemple, au correcteur d’orthographe, qui vient en aide à tout un chacun, mais s’avère également d’un grand soutien pour les personnes souffrant de dysorthographie, un trouble de l’acquisition de l’expression écrite.
Et Melina Huter d’énumérer plusieurs exemples d’utilisation des TIC: «Dans le cas d’une personne présentant des troubles du langage, une tablette tactile peut lui permettre d’écrire ou de composer le message ‹j’aime poncer, mais je préfère travailler avec la scie circulaire>. Elle pourra ainsi aisément se faire comprendre par des tiers. De nos jours, il existe aussi des applications qui permettent de scanner les denrées se trouvant dans le réfrigérateur, afin de déterminer celles qui sont périmées; d’autres permettent de réaliser une recette de cuisine, étape par étape, ou encore de gérer un budget.»
On comprend ainsi les innombrables utilisations potentielles des TIC avec, à chaque fois, l’objectif de réduire la dépendance des utilisateurs.
Avantage ultime: les tablettes tactiles ne sont pas stigmatisantes. Tout le monde en possède et en utilise, en particulier les jeunes. «Et pour ne rien gâcher, il y a un aspect ludique évident», conclut Geneviève Petitpierre.
Melina Huter et Geneviève Petitpierre estiment que les TIC peuvent réellement contribuer à l’autodétermination des personnes handicapées.
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Pour en savoir plus
Le Département de pédagogie curative et spécialisée organise le 19 février une journée d’étude consacrée à la technologie comme soutien à l’autodétermination des personnes ayant une déficience intellectuelle. Intitulée «Un pour TIC et TIC pour tous», celle-ci permettra de rencontrer des spécialistes venus de Suisse, du Québec et de France. L’entrée coûte 60.- .
Le délai d’inscription est fixé au 10 février 2016.
Plus d’informations:
Sur le site de la formation continue: http://admin.unifr.ch/uniform/faces/pages/index.xhtml?id=11252
et sur le site de Pro Infirmis: http://www.procheconnect.ch/actualites/125-vendredi-19-fevrier-2016-a-fribourg-journee-d-etude-un-pour-tic-et-tic-pour-tous.html
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