Il est aujourd’hui prouvé que la violence, en plus du traumatisme psychique, laisse des traces profondes dans la structure du cerveau. Quelles en sont les conséquences et peut-on les soigner? A l’occasion de la Semaine du cerveau, Mélanie Kaeser de l’Institut de neurophysiologie répond à nos questions.
La violence laisse-t-elle des traces neurologiques dans le cerveau des victimes?
Oui, les personnes victimes de traumatismes, physiques ou psychiques, montrent des modifications cérébrales fonctionnelles et structurelles en particulier de régions impliquées dans les émotions et la gestion de situations stressantes, dont les interactions sociales conflictuelles. De fait, une personne ayant subi des traumatismes devient moins capable de gérer de telles situations, qu’elle aura tendance à résoudre par l’agression physique ou verbale. Les études s’accordent à démontrer que les traumatismes sont parmi les principaux facteurs environnementaux qui conduisent à des troubles psychiques, tels qu’angoisse, dépression, troubles de l’attention, abus de substances, etc., ainsi qu’à des comportements violents et agressifs.
Peut-on alors affirmer que la violence entraîne forcément la violence?
Heureusement non. Si les études indiquent que 80 à 100% des personnes violentes ont subi des traumatismes, elles montrent aussi que 30 à 70% des personnes qui ont subi des traumatismes ne vont pas devenir violentes. On sait que certaines variantes génétiques prédisposent aux comportements violents. La fréquence et l’intensité des traumatismes jouent également un rôle, ainsi que, en ce qui concerne les enfants, l’âge auquel le traumatisme est subi et le stade de développement de l’appareil psychique à ce moment-là. Des facteurs environnementaux positifs entrent également en jeu, tels que le style d’attachement et de parentalité. Si un parent est dysfonctionnel et que l’autre est solide et sécurisant, le schéma ne va pas forcément se répéter. Si l’enfant côtoie des amis, tisse des relations positives ou rencontre plus tard un partenaire de vie qui le rééquilibre, le cercle vicieux peut se briser.
Est-il possible de soigner les traumatismes psychiques et ainsi éviter le cercle vicieux ?
Effectivement, c’est l’objectif de certaines thérapies, telles que l’EMDR, la thérapie cognitivo-comportementale, les thérapies narratives, les thérapies familiales orientées sur la communication intra-familiale et le soutien parental, en association, parfois, avec des traitements médicamenteux. L’objectif est de parvenir à une résilience, un dépassement positif du traumatisme et de l’angoisse qui y est associée. Il faut permettre au cerveau de transformer une sensation traumatique en un souvenir, avec une charge émotionnelle négative certes, mais qui soit intégré dans la mémoire autobiographique. La personne devra également acquérir de nouvelles compétences sociales et de nouvelles ressources communicationnelles pour réagir de manière adéquate face aux situations stressantes ou conflictuelles auxquelles elle sera confrontée.
A l’occasion de la Semaine du cerveau, Mélanie Kaeser présentera une conférence intitulée «Notre cerveau joue-t-il un rôle dans la transmission de la violence à travers les générations?».
> Lundi 14 mars à 20h00, Grand auditoire de l’Institut de physiologie, Ch. du Musée 5, 1700 Fribourg
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