Le risque d’un divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne inquiète les chercheurs britanniques. Promotrice pour la recherche de l’Université anglaise de Coventry, Gillian Overend veut anticiper en s’inspirant de l’expérience helvétique. Elle a rencontré Julian Randall, responsable du Service Promotion Recherche de l’Université de Fribourg, et son collaborateur Cyrille Girardin.
Quel sentiment habite l’Université de Coventry, à deux mois du vote sur le Brexit?
Gillian Overend: Une grande incertitude. Bien entendu, nous espérons que le peuple refusera le Brexit, le 23 juin prochain, car notre Université entend poursuivre et renforcer ses collaborations internationales. Garder une liberté de mouvement en Europe, dans les domaines de la recherche et des échanges estudiantins, est capital. En Grande-Bretagne, la peur d’une sortie de l’UE est aussi alimentée par les arguments relayés dans la presse. Ceux-ci sont souvent simplistes. Ils se polarisent entre diabolisation de l’UE et enthousiasme naïf. Les arguments factuels manquent.
Justement, que sait-on aujourd’hui des conséquences pour la recherche britannique, si le Royaume-Uni devait quitter le navire européen?
G.O.: Difficile à dire. Aujourd’hui, le Royaume-Uni reçoit davantage d’argent du fonds européen qu’il ne le finance. Le pays obtient ainsi 15,40 % du programme de recherche européen Horizon 2020 et 22 % de l’ensemble des bourses accordées par le prestigieux Conseil européen de la recherche (ERC), selon la revue International Innovation. Ces bourses sont sans équivalent. En sortant de l’UE, la Grande-Bretagne compromettrait autant son prestige que ses perspectives financières, car la recherche est très compétitive.
Comment la Suisse peut-elle aider le Royaume-Uni en cas de Brexit?
Julien Randall: En partageant notre expérience, notamment, même si la situation des deux pays diffère sur le financement du programme Horizon 2020. Aujourd’hui, les institutions britanniques sont financées par Bruxelles, tandis que la Suisse, en tant que pays tiers, bénéficie d’un accord partiel et temporaire lui donnant, entre autres, l’accès au premier pilier du fonds européen (lequel comprend les bourses ERC). Une sortie de la Grande-Bretagne nécessiterait de longues discussions entre Londres et Bruxelles avant d’être effective.
La recherche suisse a connu l’incertitude, entre autres avec les sanctions prises par l’UE au lendemain de l’acceptation de l’initiative contre l’immigration de masse, le 9 février 2014. En quoi cette expérience peut-elle fournir des pistes aux Britanniques?
J.R.: Cela nous a montré que cette incertitude suffit à polluer le climat de collaboration entre partenaires. Elle sape le moral des chercheurs et les décourage de travailler avec l’Europe. La confiance s’ébranle et, comme dans toutes relations, chaque partie devient alors plus prudente. En cas de Brexit, agir pour remotiver la communauté scientifique deviendra très important pour le Royaume-Uni.
Comment cette prudence se manifeste-t-elle au quotidien?
Cyrille Girardin: Un simple exemple. Un projet avec un partenaire industriel suisse a été soumis en vue de toucher un financement européen. Lors de son évaluation, un expert a relevé que le projet était bon, mais que ses résultats profiteraient à une entreprise en Suisse, soit à un Etat non-membre de l’UE. Aujourd’hui déjà, à l’échelon européen, des réflexions similaires émergent à propos du Royaume-Uni.
De gauche à droite: Gillian Overend, promotion pour la recherche de l’Université de Coventry, Cyrille Girardin et Julian Randall, respectivement collaborateur et responsable du Service Promotion Recherche de l’Université de Fribourg.
Gillian Overend, vous avez aussi visité l’Université de Zurich et les Ecoles polytechniques fédérales de Zurich et Lausanne. Qu’en retenez-vous?
G.O.: Pour la recherche de fonds européens, j’ai surtout pris conscience de l’importance de mettre sur pied des stratégies de communication efficaces. Au cas où le Royaume-Uni devrait effectivement quitter l’UE, quoi qu’il arrive, il s’agira de pouvoir rassurer les chercheurs, les partenaires et les étudiants sur les questions et les craintes que ceux-ci pourraient rencontrer.
Et concernant Fribourg?
G.O.: L’équipe fribourgeoise a également partagé ses expériences quant aux problématiques rencontrées, en Suisse, pour la recherche de fonds européens. Nous avons aussi visité le parc d’innovation BlueFactory. Des synergies intéressantes seraient possibles entre son centre de recherche dans le domaine de l’habitat durable, le Smart Living Lab, et plusieurs de nos centres. A Coventry, nous étudions, par exemple, l’impact des constructions sur l’environnement, la fabrication de matériaux ou le développement de systèmes de transport en lien avec internet.
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- Photo: Pierre Koestinger – Unicom
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