Séminaires à rendre, liste de lectures qui s’allonge, concepts à mémoriser, horaires, factures, jobs d’appoint à gérer… pas simple la vie d’étudiant! Et quand vient s’ajouter la pression des examens, la tentation peut être grande de s’accorder un petit coup de pouce artificiel. Juste avant le Café scientifique consacré au dopage cérébral, Chantal Matin-Soelch, professeure en psychologie, fait le point avec nous.
Qu’est-ce exactement qu’une substance dopante?
Il s’agit de substances, données sur ordonnance ou non, qu’on appelle psychoactives (c’est-à-dire qui ont un effet sur l’humeur, la conscience, la perception, le comportement…) que des personnes en bonne santé prennent pour améliorer leurs performances cognitives ou leur humeur. On parle de soft-enhancer pour les préparations licites sans prescription, comme les produits contenant de la caféine, les energy drinks, les vitamines ou encore les produits à base de plantes…
Que disent les études récentes sur le dopage cérébral?
Une étude récente vient d’être publiée sur le dopage cérébral des étudiants universitaires. Elle montre que plus de 13% des étudiants concernés ont pris au moins une fois une substance dopante. C’est en lien avec d’autres études qui ont montré, par exemple, que jusqu’à 20% des universitaires ont utilisé des substances dopantes pour améliorer leurs performances cognitives. Comme la raison principale est l’amélioration des performances dans des situations de pression – comme, par exemple, des examens – les étudiants sont particulièrement à risque.
En Suisse, les substances dopantes sur prescription les plus utilisées sont le méthylphénidate (contenu, par exemple, dans les médicaments pour le trouble du déficit de l’attention), les sédatifs et les beta-bloquants. Au niveau international, on relève souvent l’utilisation du modafinil, une substance stimulante utilisée contre la narcolepsie. En ce qui concerne les substances psychoactives, celles qui sont le plus souvent utilisées en Suisse dans un but de dopage sont l’alcool et le cannabis.
En plus des effets secondaires de médicaments qui ne sont pas prévus pour une population saine, ce qui est inquiétant, c’est l’endroit où les étudiants acquièrent ces substances: 15% les obtiennent d’un médecin, 14% d’autres étudiants, 12% de quelqu’un qui a une ordonnance et 8% d’un dealer. Enfin, d’autres études ont montré que le phénomène existe déjà chez des écoliers au niveau de l’école secondaire. Cela aussi est inquiétant.
Le phénomène est-il en progression? Si oui, pourquoi?
Il est difficile de dire si le phénomène est en progression, car les études à ce sujet sont récentes et utilisent des méthodologies assez diverses, qui les rendent difficilement comparables. Il semble plutôt qu’il y ait des différences régionales, les Etats-Unis montrant, par exemple, de plus hautes fréquences de dopage cérébral que les pays européens. Mais lorsqu’on utilise des méthodes qui distinguent l’usage récréatif de l’usage à but de dopage cérébral, on trouve moins de différences. Il existe aussi des disparités qui résultent de la disponibilité des substances utilisées. Par exemple, une augmentation des prescriptions de méthylphénidate dans le traitement des troubles du déficit de l’attention accroît la possibilité de se procurer cette substance, même sans souffrir de ce trouble, et explique en partie pourquoi cette substance est la plus utilisée.
Pourquoi les étudiants y ont-ils recours?
Les raisons principales invoquées par les étudiants sont l’augmentation des capacités d’apprentissage, la relaxation ou l’amélioration du sommeil, la diminution de la nervosité et l’augmentation de la performance.
Est-ce que cela peut être «juste pour une fois»?
Cette étude récente sur les étudiants suisses montre aussi que le dopage cognitif est utilisé de manière ciblée lors d’examens, alors que les soft-enhancers sont utilisés de manière très régulière. Cela veut dire que le dopage cérébral se pratique de manière plutôt ciblée et ne correspond pas forcément à une utilisation régulière.
Que peut-on mettre en place pour aider/rassurer les étudiants?
Il y a plusieurs possibilités. Il est important d’informer sur les effets secondaires et d’annoncer que cette pratique n’est pas soutenue par l’institution. Il est important aussi d’informer sur les autres possibilités de se relaxer sans substances, sur des stratégies d’apprentissage efficaces, qui permettent de planifier la matière à apprendre et ainsi ne pas avoir besoin de substances pour réaliser une bonne performance d’apprentissage et réussir ses examens. Il est important aussi de souligner la nécessité de dormir suffisamment et de donner des informations sur une bonne hygiène du sommeil
- Le Café scientifique sur le dopage cérébral aura lieu le mercredi 18 octobre 2017, à 18h00, au Nouveau Monde.
- Chantale Martin-Soelch est professeure au Déaprtement de psychologie.
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