La peur du regard des autres, ça se soigne
Shot of a young woman dressed in white, looking back with anxiety at her reflections in the mirror

La peur du regard des autres, ça se soigne

Sueurs et tremblements à l’idée de prendre la parole devant un auditoire, crainte de manger seul au restaurant ou encore peur du regard des autres. Trouble psychique parmi les plus répandus, la phobie sociale concernerait environ 13% de la population, jusque dans les salles de cours de l’Université. Raison pour laquelle le Service de conseil psychologique aux étudiant·e·s propose un atelier sur la gestion des phobies sociales, les 13 et 20 mars 2019. Nos questions au psychologue Yves-Alexandre Thalmann, collaborateur au sein du service et auteur de plusieurs ouvrages de psychologie pratique.

Yves-Alexandre Thalmann, vous avez été vous-même étudiant. Avez-vous connu la phobie sociale?
J’ai été heureusement épargné, mais j’étais loin d’être à l’aise lors de mes présentations. Je n’aimais pas forcément cela. Lorsque j’étais gymnasien, si l’on m’avait dit que je deviendrais enseignant ou conférencier, j’aurais dit «jamais, c’est pas mon truc». Et je me souviens que mes premières années d’enseignement étaient terribles. J’allais au cours le lundi matin, le ventre noué. Mais à force de m’y confronter, j’ai appris à entrer dans une salle sans ressentir de tension particulière. Avec le temps, c’est même devenu un plaisir.


Pour Yves-Alexandre Thalmann, il s’agit d’amener la personne à faire face aux situations anxiogènes.

Qu’est-ce que la phobie sociale?
C’est le trac à un niveau maladif. Elle se définit par la peur exagérée, intense, voire irrationnelle, du regard des autres. Le noyau, c’est la peur d’être jugé négativement, de paraître ridicule devant autrui. Au point de handicaper la personne dans les actions où il faudrait être sous le regard des autres. Dans le milieu universitaire, elle apparaît, par exemple, lorsqu’une personne ressent un vrai malaise à l’idée de devoir prendre la parole devant d’autres participant·e·s dans un cours ou un séminaire. C’est plus que la simple appréhension que l’on trouve chez bon nombre d’étudiant·e·s. Parmi les autres symptômes, certains n’osent pas manger seuls à la mensa ou dans un restaurant.

D’où provient ce trouble?
Comme pour d’autres troubles, qu’il s’agisse de la dépression ou des troubles obsessionnels compulsifs, on ne travaille plus avec les modèles freudiens ou psychanalytiques, qui chercheraient une cause ultime que l’on pourrait exhumer de notre inconscient. Nous préférons la perspective biopsychosociale, une approche multifactorielle. À savoir que trois facteurs sont pris en considération dans l’apparition d’un trouble: le terrain génétique de la personne, mais aussi l’ensemble de ses pensées et ses représentations et, au-delà, l’environnement extérieur à la personne. Il s’agit ainsi moins de s’interroger sur l’origine de la phobie sociale que sur le mécanisme qui lui permet de se maintenir.

Et quel est ce mécanisme?
Comme pour les autres phobies, le moteur de la phobie sociale, c’est l’évitement. Le fait d’éviter les situations qui me font peur maintient la phobie. La personne va ainsi se retirer des situations où elle pourrait être jugée négativement de la part d’autrui. Elle va d’abord moins prendre la parole dans un groupe et s’isoler davantage. Elle va éviter les séminaires où il faut se présenter devant les autres et préférer le mode écrit, etc. Mais du moment que l’on connaît le mécanisme, on a une orientation thérapeutique. À savoir: l’évitement de l’évitement. Ainsi le cœur de toutes les approches, c’est la confrontation. Il s’agit d’amener la personne à faire face aux situations anxiogènes. D’abord en imagination s’il le faut, ensuite dans la réalité, de façon progressive.

A qui cet atelier est-il destiné?
A toutes les personnes qui se sentiraient touchées de près ou de loin par cette problématique. En général, avec la prise en charge des troubles psychiques, le plus tôt est le mieux. Souvent, les personnes qui sont touchées ressentent de la honte et ont tendance à le cacher, mais il ne faut pas trop attendre avant de consulter, d’en parler ou de venir à un atelier. Plus on attend, moins le mécanisme est facile à désamorcer. Donc si on a des doutes, autant s’inscrire.

Concrètement, comment cela va-t-il se passer?
C’est un atelier à visée pratique. On n’est pas dans un travail d’introspection profonde et les participants n’auront pas à raconter leur vie, leur passé ou leurs traumatismes. La phobie sociale est un trouble dont les mécanismes sont connus et nous commencerons par les expliquer. Nous proposerons aussi des exercices de relaxation ou de conscientisation des pensées, ainsi que des exercices de groupe, particulièrement efficaces pour les thérapies de la phobie sociale. Le fait de s’exprimer devant d’autres personnes qui nous regardent et souffrent de la même chose représente déjà un premier pas.

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Author

Pierre Koestinger est journaliste indépendant.

4 comments

  • Je me sans vraiment concernée puise avoir des sciences de thérapie pour remédier mon problème

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  • Salut. Je suis une jeune de 16 ans qui a évité le regard des gens jusqu’à se se suicider socialement. Merci pour ces informations. Ça me permet de mieux me comprendre, de ressentir de la compassion pour moi au lieu de me détester et d’avoir l’espérance.

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    • Bonjour, Nous sommes très heureux si cet article a pu vous aider un peu. Nous vous souhaitons le meilleur pour la suite.

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