Durant ses études à l’Unifr, Caroline Muñoz n’a cessé de s’engager. Dans la culture d’abord, puis dans la politique universitaire. Autant d’expériences que la présidente sortante de l’AGEF compte mettre à profit dans le cadre de sa nouvelle aventure, une traversée de l’Atlantique à la voile.
Caroline Muñoz est l’une de ces personnes qui apprécient les aspects périphériques de la vie à leur juste valeur: l’avant et l’après autant que le pendant, le voyage autant que la destination, les années sabbatiques autant que les études. Une fois sa maturité fédérale du Lycée de Porrentruy en poche, la jeune femme a successivement mis le cap sur le Canada et la Colombie. L’Université pouvait bien attendre deux semestres! Quatre ans plus tard, rebelote: désormais titulaire d’un Bachelor en anthropologie sociale et philosophie de l’Unifr, la co-présidente sortante de l’AGEF a décidé «presque sans hésiter» de ne pas rempiler tout de suite avec un master. Histoire de bouger, goûter, expérimenter, rencontrer, se laisser inspirer puis, éventuellement, poursuivre ses études universitaires.
Née en 1996 d’une mère française et d’un père colombien, Caroline Muñoz a passé son enfance à battre la campagne jurassienne en compagnie de ses deux frères et d’une joyeuse bande de copines et de copains. «Je suis une villageoise dans l’âme; une mégalopole comme Bogota, d’où vient mon papa, je ne pourrais pas y vivre: trop grande, trop chaotique pour moi!» C’est d’ailleurs sur la côte nord de la Colombie, plutôt que dans la capitale, que la bachelière décide de poser son sac à dos quelques mois en 2015. «Une de mes cousines travaillait dans une association qui cherchait quelqu’un pour donner des cours de musique à des enfants et à des aîné∙e∙s dans le cadre d’un programme culturel. Etant donné que j’avais un bon bagage musical – j’ai joué pas mal de piano, ainsi qu’un peu de percussion, de guitare et d’accordéon durant mon enfance – j’ai été engagée.»
Ce besoin de passer davantage que des vacances en Colombie, Caroline Muñoz l’explique entre autres par le fait qu’elle a entretenu avec son pays paternel un rapport un peu particulier durant toute l’enfance et l’adolescence. «La Colombie faisait partie intégrante de ma culture, mais je n’en parlais pas la langue.» En effet, par nécessité professionnelle – son diplôme colombien de médecine n’était pas reconnu en Suisse, l’obligeant à cravacher pour obtenir des équivalences –, le père de Caroline Muñoz a opté pour le français à la maison. «Maîtriser l’espagnol a constitué une importante clé d’accès à mes origines, se souvient la jeune femme. Même s’il a fallu subir les moqueries de ma famille de Bogota en raison de mon accent du nord», rigole-t-elle.
Durabilité, genre et culture
Après avoir ajouté coup sur coup l’anglais et l’espagnol à son CV en l’espace d’un an, la jeune femme lorgne naturellement vers l’allemand. «Le choix de l’Université de Fribourg, bilingue, allait presque de soi.» Un choix qu’elle n’a jamais regretté, assure-t-elle. «Ce bilinguisme donne une vraie ouverture au corps estudiantin fribourgeois!» Côté branche principale, c’est son envie de «comprendre les autres manières de vivre et de penser» qui a fait pencher la balance en faveur de l’anthropologie sociale. «J’ai beaucoup aimé cette matière; j’en ai tiré des outils concrets pour la suite.»
Sans surprise, c’est néanmoins hors des salles de cours, dans la partie périphérique de sa vie universitaire, que Caroline Muñoz s’est le plus épanouie. «A mon avis, le grand intérêt des études réside dans les possibilités de participation qu’elles offrent. Au lycée, j’étais déjà assez engagée, mais le champ d’action était limité. A l’Université, par contre, il y a un vrai foisonnement!» Dans un premier temps, son engagement porte plutôt sur la culture. Notamment au Centre Fries, où elle s’initie «sur le tas» à la technique du son et de la lumière. «Puis j’ai réalisé qu’il était important d’aller plus loin, en m’investissant dans la politique universitaire.»
La dynamique étudiante intègre alors le comité de la Fachschaft GKR (anthropologie sociale, science des religions et sociologie francophone) puis l’Association générale des étudiant·e·s de l’Université de Fribourg (AGEF), où elle exerce les fonctions de co-responsable de la Faculté des lettres et de co-présidente politique, tout en assumant par intérim les tâches de communication. Durant son mandat, l’AGEF s’est concentrée en priorité sur trois dossiers, souligne-t-elle. «Le premier était la durabilité. Suite à la publication de l’étude du WWF plaçant l’Unifr parmi les mauvais élèves à l’échelle nationale, nous nous sommes battu∙e∙s aux côtés de l’association NEUF pour que la commission Durabilité se montre plus active. Dans un contexte de grèves du climat, notre engagement a porté ses fruits: je constate avec plaisir un vrai pas en avant.» Caroline Muñoz et ses collègues se sont également penché∙e∙s sur les questions de genre, notamment en généralisant l’écriture inclusive à toute la communication de l’association. Troisième cheval de bataille? «Renforcer la position des étudiant∙e∙s de l’Unifr en tant qu’actrices et acteurs culturel∙le∙s de la ville. Cela a abouti, entre autres, à la création de l’agenda culturel de l’AGEF.»
Un voyage sans destination précise
De l’avis de la jeune diplômée, ses multiples expériences de participation vont très certainement lui servir à l’avenir. «J’ai appris tellement de choses, notamment au niveau technique et pratique: prise de parole, webmastering, organisation événementielle, etc.» Gageons que Caroline Muñoz pourra mettre ce riche apprentissage à profit dès 2020, dans le cadre de sa prochaine aventure: traverser l’Atlantique sur un voilier, en compagnie de deux autres baroudeur∙euse∙s vingtenaires. «A la base, j’avais envie de laisser tomber les filets de sécurité et de faire du stop jusqu’en Colombie», rapporte-t-elle. «Puis j’ai entendu parler de la Vaudoise Sarah Gysler et de son blog «L’aventurière fauchée». Ca a fait tilt! J’ai pris contact avec elle et elle m’a proposé de partir sur le bateau qu’elle vient d’acheter. Sacha Benitah, un reporter-vidéaste parisien, sera également du voyage.»
L’anthropologue l’avoue sans rougir: «Il y a quelques semaines, je n’avais encore aucune notion de voile!» Une fois encore, elle apprendra sur le tas. Après tout, les trois aventurier∙e∙s ne sont pas pressé∙e∙s. «Nous n’avons aucune idée fixe, ni de la destination finale de notre voyage, ni du temps qu’il nous faudra pour y arriver.» Si elle rêve personnellement d’aboutir en Colombie, Caroline Muñoz précise que le but de cette épopée – qui devrait démarrer en janvier à Port-Saint-Louis-du-Rhône – n’est pas tant de naviguer que «de faire de belles rencontres à terre». Les aspects périphériques, encore et toujours.
__________- Photo de une: © Valeria Schmidt – AGEF | photo texte: © Sacha Benitah
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