La place des femmes dans l’église est au cœur de l’actualité de ces dernières semaines. Mais en 2016 déjà, des croyantes catholiques prenaient la route de Saint-Gall à Rome pour faire entendre leur voix. Ce pèlerinage a fait l’objet du documentaire Habemus feminas qui sera présenté le jeudi 14 mars au Cinéma Rex. Le Professeur de théologie Franz Mali, qui a marché à leur côté, nous raconte.
1200 km de marche de Saint-Gall à Rome pour demander une plus grande égalité des femmes et des hommes dans l’église. Qu’espériez-vous obtenir exactement?
Le but de ce pèlerinage était de lancer un signe. Comme nous l’avons écrit dans une lettre que nous avons transmise au Pape François : «Nous [voulions] ainsi exprimer le souhait qu’à l’avenir, les hommes ne réfléchissent plus et ne prennent plus de décisions sans les femmes quant à leur position, leur rôle et leur fonction au sein de l’église, d’une part, et au sujet des problèmes de l’église en général, d’autre part.»
D’un projet à 3 ou quatre, votre marche a, au fur et à mesure, été rejointe par des centaines de pèlerins qui vous ont accompagnés quelques heures ou plusieurs jours. Le succès de votre démarche vous a-t-il surpris ?
Le succès de notre démarche nous a totalement surpris! C’est un ami qui nous a proposé d’ouvrir notre petit groupe à d’autres personnes intéressées. Ce sont tout d’abord cinq femmes qui nous ont fait part de leur souhait de nous accompagner à pied sur tout le chemin. Puis, nous avons publié sur notre site web le lieu et l’heure de départ de nos étapes quotidiennes et, chaque matin, des groupes plus ou moins grands nous attendaient au point de ralliement. Nous avons souvent été absolument stupéfaits du nombre de personnes qui voulaient marcher avec nous: à plusieurs reprises, nous avons été une centaine à partager la route, mais lors d’une étape particulière, nous avons été jusqu’à 250!
C’était en 2016. Qu’est-ce qui a changé depuis ?
Comme dans d’autres grands organismes, les moulins de l’Église eux aussi tournent lentement. Mais je constate qu’entretemps ce sujet n’est plus celui de quelques siphonnés, mais que la réflexion s’accélère et est prise de plus en plus au sérieux, que ce soit le Pape lui-même qui souligne à certaines occasions l’importance de ce souhait et qu’il nomme des femmes pour des postes toujours plus importants, ou que ce soit des cardinaux respectables qui insistent face à leurs collègues sur l’importance de s’engager davantage en faveur des femmes dans l’église.
Ces dernières semaines, la presse est agitée par un nouveau scandale qui touche justement la place des femmes au sein de l’église. Est-ce un signe que la parole se libère?
J’espère que la parole se libère et qu’on regarde la réalité et la vérité dans toutes ses dimensions! C’est uniquement le cri de vérité qui peut rendre le respect aux victimes. J’espère que notre projet et nos prières donnent la force nécessaire aux femmes abusées dans l’Eglise (et au dehors) pour qu’elles puissent s’exprimer ouvertement, qu’on leur prête confiance et foi et qu’on leur rende justice. Nous avons marché aussi pour elles!
Marcher ensemble pour une cause, c’est aussi vivre ensemble pendant de nombreuses semaines. Qu’avez-vous retiré de cette expérience ?
Cela a été une expérience magnifique! Pour moi, c’était une manière très concrète et sensible de vivre notre Eglise cheminant sur cette terre («Ecclesia in terris peregrinans») et contemplant Dieu: quand nous avons prié ensemble, quand nous avons toutes et tous gardé le silence pendant une heure chaque jour, quand des gens nous ont accueilli en nous offrant une terrasse couverte contre l’orage, quand nous avons partagé nos difficultés personnelles et que le voisin nous a prêté une oreille attentive. Nous sommes arrivés ensemble le soir à la destination prévue et personne n’a dû quitter le groupe ou n’a dû abandonner. Chacun·e avait ce qu’il lui fallait, personne «n’a manqué de quoi que ce soit» (Lc 22,35). En même temps le défi était de ne perdre personne, ni parmi les plus rapides – qu’il fallait freiner – ni parmi ceux qui avaient mal aux pieds et qu’il fallait soigner et encourager.
- Le film Habemus Feminas sera présenté le jeudi 14 février, à 18h00 au Cinéma Rex, à Fribourg. La projection sera suivie d’un échange avec le réalisateur Silvan Maximilian Hohl.
- Site du film
- Page du Professeur Franz Mali
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