Tels des apôtres de l’écriture, Valentin Kolly et Matthieu Corpataux croient aux vertus du verbe. Afin de susciter des vocations, les deux doctorants de l’Université de Fribourg ont mis sur pied un cycle d’ateliers d’écriture. Des plumes romandes viendront y distiller leurs conseils. Interview prosélyte.
Pourquoi avoir mis sur pied un atelier d’écriture? Mener de front votre thèse, diriger L’Epître, la revue littéraire que vous avez créée, et enseigner à l’université ne vous suffit donc pas?
Matthieu Corpataux: Au risque de paraître grandiloquent, j’ai la vocation de faire comprendre combien l’écriture peut-être utile pour soi, pour les autres, pour penser. Je ne le vois pas comme une charge en plus. Au contraire, cet énorme projet nourrit mon travail à l’université, car il m’a appris à enseigner avec bienveillance, avec pédagogie, sans imposer une norme.
Valentin Kolly: J’ajouterais que, pour les nombreuses personnes qui écrivent déjà dans des carnets, L’Epître et nos ateliers offrent une plateforme où elles peuvent se confronter à la critique, être plus lues que sur un blog personnel et éviter de se voir recaler par une maison d’édition, sans commentaires. C’est un lieu de partage et de mise en valeur de ces textes.
Qu’apprend-t-on dans vos ateliers?
Valentin: Les auteurs que nous invitons, Anne Pitteloud, Daniel Maggetti, Bruno Pellegrino, pour ne citer qu’eux, ont carte blanche. Ils viennent avec leur rapport à l’écriture, leur façon de travailler. On ne cherche pas tant à donner des outils théoriques pour apprendre à écrire que d’y aller par la pratique. C’est une impulsion à l’écriture: un sujet avec un temps donné. Ensuite, tout le monde partage son texte. Il n’y a pas de côté normatif où l’on dit ce qui est juste ou faux. Nous ne livrons pas de mode d’emploi pour le prochain Goncourt. Nous souhaitons que les gens écrivent, partagent et reçoivent un critique constructive.
Matthieu: C’est beaucoup moins sérieux qu’un cours. Un atelier est un moment de détente, une démythification de l’écriture. Nous désirons former une relève et encourager à l’écriture. On peut tout aussi bien publier des textes sur le site de L’Epître et se contenter des commentaires, mais celles et ceux qui privilégient le contact humain viennent aux ateliers.
Précisément, qui participent à vos ateliers?
Valentin: En général, le public est plutôt jeune, ce qui s’explique par notre ancrage à l’université, mais nous avons également eu un avocat, un professeur, des néophytes et des écrivains confirmés.
Matthieu: Sans compter que nous pratiquons des prix très accessibles, 30.- seulement pour un atelier de deux heures! Je tiens également à ajouter que sur le site, et c’est sa beauté, nous recevons des textes de partout, de Belgique, de Guadeloupe et du Canada.
Questionnaire de Proust
Votre premier livre?
Valentin: Il y avait probablement plus d’images que de texte, un Astérix sûrement.
Matthieu: Astérix ou Titeuf.
Premier livre sans image?
Valentin: Harry Potter peut-être.
Matthieu: Le club des 5.
Un livre à prendre sur une île déserte?
Valentin: 2666 de Roberto Bolaño, car il est très long, 1400 pages! Génial en plus!
Matthieu: Don Quichotte.
Un livre qui remonte le moral?
Matthieu: Raymond Carver, poète américain, magnifique, à prescrire lors des moments de déprime.
Valentin: Tous les livres me rendent heureux, mais j’adore La nébuleuse du crabe d’Eric Chevillard. Le fond n’est pas drôle car il parle de l’absurdité de la vie, mais l’auteur a un style fabuleux.
Un livre déprimant?
Matthieu: Cioran, mais pas un titre en particulier. Toute son œuvre questionne la mort, est empreint d’une vision très pessimiste de la vie, de l’utilité de l’humain sur la terre. C’est brillant, bouleversant et tragique à la fois.
Valentin: Il y en a sans doute beaucoup.
Un livre que vous avez lu 100 fois?
Valentin: Je peux répondre pour toi: Mars, de Fritz Zorn
Matthieu: C’est ça! Et toi, c’est Pierre Bergougnioux, je pense.
Valentin: Oui! Pierre Bergougnioux, auteur sur lequel j’ai écrit mon mémoire, que je lis et relis.
Un livre que vous n’avez pas pu finir?
Matthieu: Il y en a beaucoup que je n’achève pas, tous les classiques, Flaubert, Balzac. Je m’intéresse avant tout au style, plus qu’à l’intrigue.
Valentin: Le premier qui me vient à l’esprit, que j’adore pourtant, est le dernier livre d’Alain Damasio. Il est beaucoup trop long en dépit de son excellence.
Le livre que vous auriez voulu écrire?
Matthieu: Les Calligrammes d’Apollinaire pour sa contribution à la poésie
Valentin: Je savais que tu allais dire ça. Quant à moi, j’aurais bien voulu écrire le premier livre de Houellebecq, Extension du domaine de la lutte, pour savoir ce qu’il y a dans sa tête, ce qui le pousse à écrire.
Un livre pour caler une table bancale?
Matthieu: Un livre auto-édité!
Valentin: Pas mieux!
Votre livre de chevet aujourd’hui?
Matthieu: c’est de la poésie car je lis toujours de la poésie. Thomas Vinau, un recueil qui s’intitule Notes de bois.
Valentin: Eric Chauvier, un auteur que j’ai découvert récemment, et son livre Le Revenant qui s’imagine Baudelaire expérimentant la société contemporaine, errant dans Paris sous forme de zombie, avec son regard du XIXe siècle. C’est très drôle et inspirant.
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