«Enfermé» dans son corps et de ce fait limité dans l’exporation de son environnement, l’enfant polyhandicapé rencontre des difficultés à développer la conscience de soi. C’est sur le rôle central de cette dernière que Juliane Dind, fondatrice du Petit Conservatoire du Polyhandicap, souhaite attirer l’attention des professionnel·le·s et des chercheuses et chercheurs. Elle organise une journée d’étude sur le sujet le 14 février prochain.
Juliane Dind, qu’est-ce que le polyhandicap?
Le polyhandicap est caractérisé par l’association entre de profondes déficiences intellectuelles et motrices et de fréquentes déficiences sensorielles, ainsi que par la restriction extrême de l’autonomie qui en résulte. Les personnes polyhandicapées sont dépendantes dans tous les actes de la vie quotidienne (soins, repas, déplacements, etc…) et ne s’expriment pas à l’aide du langage verbal. Elles sont sujettes à de fréquentes complications médicales, en particulier au niveau respiratoire et orthopédique.
Pourquoi associer polyhandicap et conscience de soi?
Parce que le développement d’une meilleure conscience de soi est une priorité dans l’intervention pédagogique et thérapeutique auprès de ces personnes. Ce développement est fortement entravé chez elles, puisqu’elles ne peuvent explorer leur corps et leur environnement sans soutien de la part d’autrui, en l’occurrence leurs proches et/ou les professionnel·le·s qui les accompagnent. De plus, s’intéresser au développement de la conscience de soi chez les personnes polyhandicapées permet de mieux comprendre les prémisses et les différentes facettes de la conscience de soi.
Qu’est-ce que la conscience de soi, d’ailleurs?
Excellente question, qui a nourri les pensées des philosophes depuis la nuit des temps! Il existe autant de définitions de la conscience de soi que d’approches de cette dernière. Pour ma part, je me suis intéressée aux recherches en psychologie développementale, qui ont permis de démontrer que la conscience de soi se développe progressivement, et que l’on peut distinguer dans ce développement deux principaux niveaux ou degrés de conscience de soi. La conscience de soi primaire permet au tout-petit de se percevoir comme une entité distincte de son environnement et capable d’agir sur ce dernier, puis de progressivement développer une forme supérieure de conscience de soi, qui l’amène à devenir conscient en tant que «soi» (à un niveau «méta»). Ce développement est complexe et crucial. Il fera d’ailleurs l’objet d’une des conférences lors de cette journée, donnée par un éminent spécialiste de la question, le Prof. Philippe Rochat, psychologue développementaliste suisse travaillant à Atlanta.
A quoi est-ce que cela sert de stimuler cette conscience de soi chez les personnes polyhandicapée?
C’est fondamental. Le développement de la forme primaire de conscience de soi, qui se fait de manière naturelle et très précoce chez le petit-enfant, ne va pas de soi chez les personnes polyhandicapées. Stimuler le développement de cette première forme de conscience de soi lui permettra d’organiser ses perceptions sensorielles et son schéma corporel, de devenir un agent dans son environnement, de construire sa représentation de l’espace, d’investir son corps comme un lieu d’exploration. Bref, de se différencier des objets et des personnes qui l’entourent.
Est-ce une approche thérapeutique nouvelle?
Il ne s’agit pas en soi d’une approche thérapeutique. Il est vrai que s’intéresser à la conscience de soi dans le polyhandicap, est chose nouvelle: très peu de recherches ont porté sur cette thématique avant ma thèse de doctorat. Cependant, sur le terrain les professionnel·le·s sont convaincus du rôle joué par la conscience de soi dans le développement de la personne polyhandicapée. La grande difficulté, c’est de savoir comment accéder à la conscience de soi d’une personne qui ne peut s’exprimer par le langage verbal! Quels comportements observer? En développant une batterie d’observation et d’évaluation des manifestations de la conscience de soi chez l’enfant polyhandicapé, j’ai tenté de donner plus d’outils en la matière, et de proposer des pistes d’intervention pour stimuler le développement d’une meilleure conscience de soi chez ces enfants.
- Juliane Dind est fondatrice du Petit Conservatoire du Polyhandicap et collaboratrice scientifique au Département de pédagogie spécialisée.
- Date et lieu: 14.02.2020, de 9h30 à 16h00, PER 22, Auditoire Joseph Deiss
- Inscription obligatoire
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