La Faculté des SES accueillera ce mercredi à 18 heures une conférence sur un thème plus que brûlant, celui de la réforme du système fiscal international. Encore en discussion, ses enjeux sont considérables, aussi bien pour les entreprises que pour les collectivités publiques. L’interview de Thierry Madiès, Doyen de la Faculté
Qu’est-ce qui a motivé l’adoption de cette réforme du système fiscal international?
Cette réforme s’inscrit dans la continuité des travaux de l’OCDE visant à lutter contre l’optimisation fiscale agressive des entreprises multinationales, en particulier celles du numérique, et l’évasion fiscale qui en est souvent le corolaire. Les travaux de l’OCDE s’inscrivent dans un «cadre inclusif» qui inclut aussi bien les pays du G20 que les pays en voie de développement. La lutte contre ces pratiques d’optimisation fiscale est connue sous l’acronyme anglais BEPS (Base Erosion and Profit Shifting).
En quoi consiste-t-elle?
Cette réforme comporte deux piliers. Le premier vise à ce que l’impôt sur le bénéfice ne soit plus uniquement dû là où les grandes entreprises multinationales ont leurs sièges sociaux mais aussi dans les pays où les ventes sont réalisées. Le deuxième pilier qui fait couler beaucoup d’encre prévoit la mise en place d’une taux effectif mondial minimum de 15% sur le bénéfice des grandes entreprises multinationales.
Cette réforme est-elle une bonne ou une mauvaise nouvelle pour l’économie suisse?
Cette réforme soulève de nombreuses questions en Suisse. Le premier pilier ne devrait concerner que peu d’entreprises. Le second pilier lui devrait concerner environ 200 entreprises. Cela dépendra des mesures compensatoires qui seront mises en place. Il y a certes un risque de perte de compétitivité mais avec un taux minimum à 15% le risque reste limité. L’attractivité de la Suisse s’explique aussi par la qualité de sa main-d’œuvre, la lisibilité des normes juridiques et fiscales et sa capacité à innover. La dégradation de ses relations avec l’Union européenne est sans doute plus problématique.
N’est-il pas légitime de taxer correctement les GAFAM et toutes les entreprises qui se livrent à une optimisation fiscale effrénée?
Oui bien-sûr! C’est que question d’équité. Les GAFAM et plus généralement les grandes entreprises multinationales concernées par la réforme utilisent souvent les incohérences des systèmes fiscaux nationaux et les failles du droit fiscal international. Cela est beaucoup plus difficile pour les autres entreprises.
La concurrence fiscale à laquelle se livrent les pays (et cantons) ne finissent-elles pas par nuire aux ressources des Etats?
La concurrence fiscale n’est pas nécessairement mauvaise! Encore faut-il que certaines pratiques soient encadrées. C’est plutôt l’optimisation fiscale agressive et l’évasion fiscale qui conduit à des pertes de recettes pour les Etats, dans une fourchette comprise entre 4 et 10% des recettes fiscales nettes de l’impôt sur les sociétés selon certaines estimations de l‘OCDE, avec des gagnants et des perdants.
- Conférence et table ronde «Vers une réforme inédite du système fiscal international: enjeux pour les entreprises et les collectivités en Suisse»
- Photo de Thierry Madiès: Hugues Siegenthaler
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