Découvrir l’Université de Fribourg en temps de Covid

Découvrir l’Université de Fribourg en temps de Covid

Le Professeur Enrico Le Donne a rejoint le Département de mathématiques de l’Université de Fribourg pendant l’été 2020, après sept ans passés à l’Université de Jyväskyälä au centre de la Finlande et une année et demie en Italie, à L’Université de Pise. Il a donc fait ses premiers pas dans notre Alma mater dans un silence de cathédrale, couloirs vides, collègues et étudiant·e·s absent·e·s. Interview.

Rejoindre l’Unifr en 2020 entre deux vagues de Covid, c’est une expérience particulière!
Effectivement. Je n’ai donné que quelques cours en présentiel, puis nous sommes passés entièrement en ligne. J’ai beaucoup voyagé au cours de ma carrière. Après des études en Italie, à la prestigieuse Scuola Normale Superiore de Pise, j’ai fait ma thèse de doctorat à Yale, puis des séjours de recherche à Paris, Berkeley et Zurich. D’habitude, lorsqu’on arrive dans un nouvel institut, on passe les premiers temps à découvrir les collègues, à discuter autour d’un café, lors de repas et aux réunions. On se fait, au passage, de nouveaux amis. Cela fait plusieurs mois que je suis ici, et je n’ai pas rencontré grand monde. Tenez ces derniers jours je n’ai pratiquement eu aucun contact!

Peu de contacts sociaux, cela correspond peut-être à un certain cliché sur les mathématiciens?
En fait, on pourrait dire qu’il y a deux sortes de mathématicien·e·s. En effet, il y a celles et ceux qui s’enferment et produisent des résultats spectaculaires plus ou moins seul·e·s. Elles et ils sont précieux·ses dans le domaine, mais plutôt rares. La plupart d’entre nous sont beaucoup plus «sociaux» non seulement dans la vie personnelle, mais également au sens professionnel. Pour ma part, j’ai toujours organisé au moins une conférence scientifique par année, je voyage et collabore beaucoup. Le grand mathématicien français Cédric Villani a dit: «Les mathématiques sont une science, un art et une activité sociale». Je préfère pratiquer les mathématiques comme on joue au volleyball, un sport collectif.

Qu’est-ce qui vous a amené à choisir l’Université de Fribourg?
J’avais une bonne position professionnelle en Finlande. L’Université de Pise, en Italie, m’a aussi proposé un poste. J’ai préféré Fribourg, parce que c’est un lieu de travail tranquille avec peu de bureaucratie. Les salaires, attrayants, permettent une bonne vie familiale. J’ajoute que ma femme vient d’Interlaken et que connais donc bien le pays. D’ailleurs, depuis mon séjour de deux ans à l’EPFZ comme chercheur posdoctoral, j’ai de nombreuses collaboratrices et collaborateurs dans le pays. C’est aussi un facteur.

Quelles perspectives envisagez-vous pour votre travail au Département de mathématiques?
Je voudrais augmenter les connections du Département en dehors du Canton et à l’étranger, en particulier au niveau des étudiant·e·s de master et de thèse. Elles et ils viennent encore principalement du Canton, je voudrais en attirer de plus loin. Sur le plan de ma recherche, je compte m’approcher un peu des applications. Par exemple, mes travaux sur le mouvement des véhicules m’ont conduit à m’intéresser à la robotique. Je me suis mis à creuser le domaine pour trouver de nouvelles questions théoriques à explorer.

Du parcage latéral à la cybernétique

Enrico Le Donne étudie la structure mathématique de certains mouvements avec contraintes. Un exemple bien connu de ce type de mouvement est fourni par le Rubik’s cube: sur un tel cube, on essaie de passer d’une certaine position – les faces mélangées au hasard – à une autre – le cube bien ordonné – uniquement par des rotations définies.

Le Professeur Le Donne propose l’exemple du parcage latéral pour expliquer plus précisément son sujet de recherche: au volant d’une voiture, on peut décider d’avancer et de reculer, d’accélérer ou de freiner et de tourner le volant, mais on ne peut pas se déplacer latéralement. Comme pour un cube, les mouvements sont contraints. C’est ce qui rend le parcage latéral délicat: un défi que nous pouvons parfois accomplir avec brio (les bons jours), mais dans lequel nous pouvons aussi échouer de manière spectaculaire.

Imaginons maintenant le même problème de déplacement contraint, cette fois avec un camion remorque. Pire encore, un camion avec deux, trois remorques! C’est la géométrie complexe de ce type de configuration qu’étudie le Professeur Le Donne.

Ses recherches conduisent au développement des mathématiques fondamentales qui font appel à plusieurs domaines, à l’intersection de la géométrie, l’analyse et l’algèbre. Elles ont aussi des applications par exemple dans le contrôle optimisé du mouvement des robots. Les robots industriels évoluent, en général, dans ces espaces de mouvements contraints.

Enrico Le Donne a décroché, il y a trois ans, un financement de recherche Européen majeur, une des prestigieuses «ERC Starting Grants» (bourses du Conseil européen de la recherche) avec 1,25 millions d’Euros à la clef, ce qui lui ouvre de belles perspectives.

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Author

Frédéric Pont est collaborateur scientifique au Service Promotion Recherche de l’Université de Fribourg, astrophysicien, et collaborateur de l’agence Communication in Science à Genève.

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