Une offre de soin prodiguées par des étudiant·e·s pour les étudiant·e·s: la Consultation Santé Mozaïk (CoSaMo) propose une consultation de santé interdisciplinaire unique en Suisse. Le projet, mené par la Haute école de santé Fribourg et l’Institut de médecine de famille de l’Université de Fribourg, reprend le 27 septembre 2022. Explications de Florence Carrea, cheffe du projet et professeure à la HEdS-FR.
Florence Carrea, qu’est-ce qui se cache derrière CoSaMo?
C’est une consultation de premier recours, spécifique au jeune adulte, effectuée en interprofessionnalité par des étudiant·e·s en soins infirmiers, en médecine et en ostéopathie, elle est ouverte aux étudiant·e·s et apprenti·e·s majeur·e·s. Elles et ils peuvent venir consulter pour tout problème de santé non urgent comme, par exemple, des maux de ventre, de tête ou de dos, un état grippal, une infections urinaires, des préoccupations de santé sexuelle (infections, test de grossesse et contraception d’urgence), des blessures dues au sport (plaies traumatiques, entorse), un rappel du tétanos, une brûlure, une réaction allergique, etc. La consultation est ouverte les mardis et jeudis durant le semestre académique de 16h30 à 18h30.
C’est aussi un lieu de soins, de conseils, de prévention et de promotion de la santé et du bien-être. Par exemple, si votre médecin vous prescrit des injections de vitamine B12 et que vous habitez en Valais, vous pouvez venir avec votre ordonnance à CoSaMo et nous pourrons effectuer les injections. Nous pouvons également prodiguer des conseils sur la gestion de symptômes: les étudiant·e·s peuvent s’entretenir avec les futur·e·s professionnel·le·s en santé – supervisé·e·s par des professionnel·le·s diplômé·e·s – pour identifier des stratégies et des ressources personnalisées pour la gestion au quotidien du stress, de la fatigue et de certaines douleurs.
Enfin, nous aidons les patient·e·s à s’orienter au sein du Réseau de santé fribourgeois pour savoir quel·le·s professionnel·le·s consulter et pour quels motifs.
Deux éléments sont uniques à CoSaMo. D’abord, le regroupement des trois filières de formation en santé – médecine, soins infirmier et ostéopathie – qui travaillent de manière interdisciplinaire. Puis le fait que chaque étudiant·e est supervisé·e par un·e professionnel·le de son domaine. Recevoir des conseils ou des soins à CosaMo, c’est aussi offrir à de jeunes futur·e·s professionnel·le·s une opportunité d’apprentissage pratique.
Une formule unique en Suisse, donc. Comment s’est monté ce projet?
Nous avons choisi de cibler la consultation pour la santé des jeunes en fonction de la densité importante d’étudiant·e·s en Ville de Fribourg. Il est, en effet, parfois difficile pour elles et eux de trouver un·e professionnel·le en santé pour un problème particulier ou de savoir à qui s’adresser lorsqu’une préoccupation n’est pas une urgence. La population estudiantine du Canton de Fribourg représente 7.4% de la population totale. Les étudiant·e·s et apprenti·e·s sont dans une phase de transition: c’est la fin de l’adolescence et le début des premières expériences d’adulte, un passage qui peut engendrer du stress, des préoccupations de santé, ainsi que des accidents. Avoir un point d’entrée auquel se référer peut s’avérer utile pour exposer ses inquiétudes et symptômes.
Au départ, ce sont les directions de la Haute école de santé Fribourg et de l’Institut de médecine de famille de l’Université de Fribourg qui ont initié le projet et rencontré des professionnel·le·s de santé fribourgeois·e·s pour évaluer la pertinence de cette offre. Le projet a obtenu le soutien de la Direction de la santé et des affaires sociales (DSAS), notamment du Service du médecin cantonal, qui a relevé le potentiel bénéfice dans la promotion de la santé des jeunes adultes, une population parfois un peu oubliée face à l’ensemble des problèmes de santé.
En tant qu’infirmière clinicienne, j’avais une expérience dans le développement des consultations ambulatoires et la gouvernance de gestion de projet clinique. Ce parcours m’a permis d’être nommée cheffe de projet. Je gère donc la consultation clinique en collaboration avec une médecin et un ostéopathe. Les directions des hautes écoles ont constitué un comité de pilotage et un groupe de travail composé de professeur·e·s, médecins de premier recours et d’ostéopathes ayant une expérience clinique et/ou pédagogique, ce qui a permis de développer l’activité de consultation. Ces expert·e·s ont étudié quelles étaient les autres offres en Suisse et à l’étranger, puis sollicité l’expertise de spécialistes des soins du jeune adulte. L’accompagnement spécifique des étudiant·e·s qui effectuent la consultation a également été élaboré par le groupe de travail. Les trois filières ont réfléchi à un processus de supervision en commun, tout en offrant des spécificités à chacune des filières. Les étudiant·e·s font évoluer le projet au cours de moments d’échange, de debriefing et d’analyse de pratiques. Elles et ils participent également à la promotion de CoSaMo au travers de, par exemple, notre page Instagram.
Il existe certaines offres de soins, notamment des consultations infirmières ou de psychologie, dans d’autres universités. Cependant, aucune n’offre la possibilité aux étudiant·e·s en formation de réaliser cette consultation dans un cadre interdisciplinaire. La particularité majeure est que les trois disciplines réfléchissent, dès le départ, aux évaluations cliniques ensemble. Cette approche permet à l’étudiant·e en formation de mieux comprendre la pratique de l’autre, mais aussi de développer sa propre expertise selon sa discipline. Pour le jeune qui consulte, l’avantage c’est d’être soigné par une personne qui partage des expérience similaires aux siennes, ce qui lui permet de se sentir mieux reconnu dans ses difficultés.
Malheureusement lancée aux portes de la pandémie, la consultation a rapidement dû fermer ses portes. Comment avez-vous réagi et comment avez-vous mis ce temps à profit?
Nous avons ouvert 3 semaines, puis nous avons dû fermer durant 6 mois. Les étudiant·e·s impliqué·e·s dans CoSaMo ont été mobilisé·e·s pour du soutien sanitaire auprès de patient·e·s covid. Notre consultation a été évaluée comme consultation de premier recours nécessaire pour les étudiant·e·s qui étaient une population très touchée par les études à distances. Nous avons pu reprendre l’activité clinique de CosaMo à la fin du semestre de printemps 2020, puis continué à l’automne 2021 avec des mesures de précaution strictes et la mise en route de la prise de rendez-vous en ligne. Pour les étudiant·e·s étranger·ère·s nous avons parfois été le premier contact social et la seule réponse possible à une préoccupation de santé.
En cette fin septembre 2022, le projet peut-il enfin reprendre dans des conditions (presque) normales?
En fait, nous avons déjà bien fonctionné l’année dernière, avec en moyenne 60 consultations par semestre. Les horaires se remplissent bien et nous souhaitons visibiliser CosaMo auprès de tou·te·s les étudiant·e·s, y compris auprès des apprenti-e-s de plus de 18 ans.
Comment envisagez-vous la suite?
On espère que les étudiant·e·s «oseront» consulter pour tous types de demandes et que nous pourrons davantage nous préoccuper des affections virales, symptômes multiples et petites urgences. Cette année on vise surtout à stabiliser notre fonctionnement et à proposer nos services à une plus large population de jeunes étudiant·e·s, apprenti·e·s!
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