Fraîchement investies à la tête de leur service respectif, Veronika Favre pour les Relations internationales, Valeria Mozzetti au Transfert du savoir et des technologies, et Katja Wirth à la Promotion de la recherche, ont très vite développé des synergies au bénéfice de la communauté universitaire. Alma&Georges fait le point sur leurs projets et les possibilités de financement de la recherche suisse malgré son exclusion du programme Horizon Europe. Rencontre.
Mesdames, pourquoi avoir souhaité être interviewées ensemble ?Veronika Favre-Eugster: Nous avons pris la tête de nos services respectifs récemment et avons très vite songé à des synergies, parce que nous travaillons toutes les trois sur des questions liées à l’internationalisation et pour les mêmes publics: la communauté des étudiant·e·s et des chercheuses et chercheurs de l’Unifr.
Valeria Mozzetti Rohrseitz: Notre service offre un soutien administratif et contractuel pour toutes les recherches menées en partenariat avec des tiers, en Suisse comme à l’international, il était donc nécessaire de renforcer notre collaboration pour un fonctionnement optimal.
Katja Wirth: Comme nous travaillons souvent sur des thèmes communs, j’ai proposé à mes collègues des rencontres plus régulières, également informelles, pour discuter des interactions possibles et nécessaires entre nos services. Ensemble on est plus fort·e·s!
Sur quels plans souhaitez-vous développer des synergies?
Valeria Mozzetti Rohrseitz: Nous avons suffisamment de sujets communs sur lesquels concrétiser notre volonté de synergies. Nos premiers échanges ont déjà permis d’identifier des pistes concrètes dans le domaine des subventions et financement de projets, lors du passage entre une recherche et ses possibles applications.
Katja Wirth: Nous avons concrétisé une première collaboration lors de la Research Funding Week du 16 au 20 mai, et cela a été un succès. Nos cinq workshops et ateliers ont réuni chacun entre 30 et 50 participant·e·s, avec des retours positifs. L’objectif était d’informer sur les possibilités de financement des recherches, mais aussi de nous faire connaître et de développer notre réseau avec la communauté universitaire. Pour la rentrée, nous planifions une seconde semaine sur un concept similaire, mais centrée essentiellement sur les financements européens: une European Funding Week, du 24 au 28 octobre 2022.
Veronika Favre-Eugster: Notre dynamique est en marche: nous préparons une brochure d’information commune, et nous avons le projet de développer un Welcome Center pour la communauté des chercheuses et chercheurs, des professeur·e·s invité·e·s de l’étranger, et des étudiant·e·s. L’idée est de pouvoir offrir une porte d’entrée unique pour tou·te·s les arrivant·e·s de l’étranger. Pour mon service il s’agit d’une priorité.
Valeria Mozzetti Rohrseitz: Je souhaite en premier lieu développer nos synergies autour des financements et des contrats de recherche. Dans le cadre du programme de recherche Horizon Europe, dont la Suisse est partiellement exclue depuis peu, il est important d’informer ensemble les chercheuses et chercheurs des possibilités existantes, pour garder leur motivation intacte.
L’exclusion de la recherche suisse du programme Horizon Europe n’est-elle pas un défi insurmontable pour un pays avec une culture de recherche aussi internationale que la Suisse?
Katja Wirth: La Suisse est désormais considérée comme pays tiers du programme Horizon Europe. Des projets collaboratifs restent possibles pour les chercheuses et chercheurs en Suisse; mais leur financement doit être le fait du Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI). La recherche suisse est aussi exclue des bourses de l’European Reasearch Council (ERC), et partiellement de celles de l’European Innovation Council (EIC), pour lesquelles le Fonds National Suisse de la recherche scientifique (FNS) et Innosuisse proposent des programmes de remplacement. Cette situation est évidemment très préjudiciable dans de nombreux domaines, comme celui de la recherche quantique: la Suisse y est à la pointe et c’est une perte pour la communauté scientifique tant suisse qu’européenne.
Valeria Mozzetti Rohrseitz: Même au sein des projets collaboratifs, nous subissons la restriction supplémentaire de ne plus pouvoir assumer de direction de projet. Concrètement, certain·e·s chercheurs·euses qui avaient le lead sur un programme ont dû l’abandonner au profit d’autres particiant·e·s non suisses, et cela affecte bien évidemment leur motivation et leur réputation. Sans compter que ce statut différent nous oblige à adapter tous les contrats.
Veronika Favre-Eugster: Cette situation n’est pas figée et peut évoluer politiquement dans un sens comme dans l’autre à tout moment: c’est une source d’incertitudes pour la communauté des chercheuses et chercheurs, tout comme pour nos partenaires internationaux, et cela exige d’importants efforts de communication.
Katja Wirth: Pour ma part, je reste optimiste: si les positions étaient figées, nous n’aurions aucun espoir de les voir bouger dans le bon sens… Lors de notre exclusion du programme Horizon en 2014, puis de son successeur Horizon Europe en 2021, la réponse avait été, et est toujours, d’expliquer la situation à une grande variété de partenaires. En gérant le bureau régional d’Euresearch à l’Unifr, le Service Promotion Recherche bénéficie de son important réseau de contacts à Bruxelles. Cela nous aide à informer, motiver et mettre en réseau les chercheuses et chercheurs de l’Unifr pour leur participation à Horizon Europe, même dans les conditions actuelles délicates.
Pour pallier la perte des financements européens, avez-vous dû vous tourner vers davantage de financements privés?
Valeria Mozzetti Rohrseitz: La réponse publique de la Confédération par les mesures covid, puis suite à l’exclusion partielle de la Suisse du programme Horizon est bien plus généreuse que lors de l’exclusion des programmes Erasmus et Horizon 2020 en 2014. Mais cela ne doit pas nous empêcher de nous tourner vers des collaborations avec des partenaires académiques et privés pour financer d’importants projets de recherche.
Veronika Favre-Eugster: Tout en veillant à un écueil de taille: la question des financements par le domaine privé est toujours un sujet délicat…
Valeria Mozzetti Rohrseitz: En effet, c’est un sujet sensible dans le domaine de la transmission de technologies. Il faut être clair sur les conditions dans lesquelles cela peut se faire, car l’indépendance académique est un point capital qu’il nous faut absolument continuer à protéger.
Katja Wirth: Nous avons bien sûr comme objectif d’attirer davantage de donations privées pour financer de grands projets. Pour cela nous pouvons aussi compter, au Service Promotion Recherche, sur le dynamisme de la Fondation de l’Université de Fribourg, dont la mission est de soutenir la réalisation de projets innovants et ambitieux, de promouvoir la relève académique et de mettre en lien les idées et visions de la communauté universitaire avec des partenaires et sponsors externes qui soutiendront la concrétisation des projets.
A vous entendre, une des clés pour répondre à tous ces défis est de déployer de grands efforts de communication?
Katja Wirth: L’information est en effet essentielle à l’interne comme à l’externe. Parce que la recherche devient toujours plus politique, plus complexe, avec davantage de collaborations à l’international. C’est pourquoi nous avons dynamisé notre communication et diversifié notre approche en créant, par exemple, des événements, une newsletter, ou encore en investissant Twitter et LinkedIn.
Valeria Mozzetti Rohrseitz: L’Unifr communique avec une grande quantité de publics et de partenaires. Nous avons besoin de nouveaux soutiens spécifiques, et nous nous savons bien entourés par le Rectorat et le Service Unicom Communication & Médias.
Katja Wirth: Oui, le Service Unicom est très dynamique pour proposer des plateformes de communication qui ont un fort écho auprès des communautés des chercheuses et chercheurs, des étudiant·e·s et même de publics externes, comme, par exemple, au travers des Cafés scientifiques, ou Ma Thèse en 180 secondes…
Veronika Favre-Eugster: Durant ces deux années de covid, la communauté universitaire a été fortement freinée dans ses possibilités d’échanges et de mobilité internationale. Nous avons dû déployer des efforts particuliers de communication pour la convaincre qu’elles constituent un atout précieux. Aujourd’hui, nous devons continuer cet effort pour redynamiser ces expériences internationales. Cela nous permettra aussi de souligner, auprès des chercheuses, chercheurs et étudiant·e·s étrangers, tout l’attrait de l’Université et de la Ville de Fribourg.
Valeria Mozzetti Rohrseitz: Les synergies entre nos services auront essentiellement trait à une meilleure communication à l’interne. Notre souhait est d’éviter les silos et de montrer ensemble les possibilités concrètes qui s’ouvrent aux communautés universitaires.
Pour y parvenir efficacement, quel serait votre credo?
Valeria Mozzetti Rohrseitz: La transparence des processus. Au fur et à mesure que de nouvelles décisions seront adoptées par le Rectorat, il nous faudra les communiquer clairement.
Veronika Favre-Eugster: L’internationalisation est un atout à chaque niveau de l’Université: étudiant·e·s, chercheuses et chercheurs, ainsi que collaborateur·trice·s. Un réseau dynamique favorisera (accoîtra) l’attrait de l’Unifr en Suisse et à l’étranger.
Katja Wirth: L’Unifr devrait obtenir plus de succès dans le financement international de ses projets. Pour cela il faut être proactifs, encore mieux informer et motiver les communautés universitaires.
_____- Veronika Favre-Eugster est, depuis octobre 2021, la cheffe du Service des relations internationales, qui s’occupe notamment de développer en Suisse et à l’international un réseau d’universités partenaires avec lesquelles mettre en œuvre des échanges pour les enseignant·e·s et étudiant·e·s, chercheuses et chercheurs, et collaborateur·trice·s. Elle a grandi à Zurich dans une famille suisso-chilienne et a obtenu sa licence en Sciences de la société à l’Unifr en 2005, avant de partir pour un stage AIESEC en Inde. Elle est mère de deux enfants.
- Valeria Mozzetti Rohrseitz est la cheffe du Service Transfert du savoir et des technologies. Point de contact pour les entreprises souhaitant innover en partenariat avec l’Unifr, il soutient quelque 800 professeur·e·s, chargé·e·s de cours et collaborateur·trice·s scientifiques dans la négociation des contrats avec le domaine privé en veillant, entre autres, aux questions de liberté académique, de protection de la propriété intellectuelle (PI) et de dépôt de brevets. Après un diplôme d’ingénieure, puis un doctorat en biotechnologie à l’Institut de Sciences Alimentaires de l’ETH Zurich, elle a co-fondé une start-up et étudié à l’Executive School de l’Université de Saint-Gall. Elle a vécu au Canada, en Angleterre, aux Etats-Unis et dans toutes les régions linguistiques de Suisse. Elle est mère de deux enfants qui aiment voyager.
- Katja Wirth est la cheffe du Service Promotion Recherche, qui soutient les chercheuses et chercheurs de l’Unifr de tous niveaux, des post-doctorant·e·s aux professeur·e·s titulaires, pour toutes les questions liées au financement de leurs recherches, qu’il soit institutionnel ou privé, suisse ou international. Après un semestre Erasmus en France, elle a obtenu sa licence en psychologie et neurobiologie à l’Université de Fribourg et son doctorat à l’ETH Zurich et à l’Université de Zurich, avant de poursuivre ses recherches dans une université japonaise. Depuis, sa fascination pour le Japon ne la quitte plus. Elle a trois enfants et vit près de Berne.
- Photos © Nicolas Brodard
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