L’Unifr au-delà du bilinguisme

L’Unifr au-delà du bilinguisme

Davantage qu’une institution bilingue, l’Unifr est plurilingue. Une réalité dont la nouvelle politique des langues de l’Alma mater souhaite tenir compte. Le Centre de langues a un rôle clé à jouer dans cette évolution. Et parce que la langue ne tient pas seulement du politique, mais aussi du cœur, le Centre propose un concours pour célébrer la Journée internationale de la langue maternelle.

Notre Université bilingue fait la fierté des Fribourgeois·e·s. Et de ses étudiant·e·s aussi. Mais le qualificatif «bilingue» est-il vraiment celui qui correspond le mieux à l’Alma mater? D’après une commission qui s’est penchée sur la réalité linguistique de l’Unifr, il faudrait parler non seulement de bilinguisme, mais aussi de plurilinguisme. Un plurilinguisme dont on souhaite davantage tenir compte dans le cadre de la nouvelle politique des langues de l’institution.

«Les membres de notre communauté universitaire qui n’utilisent qu’une langue sont minoritaires», constate Carmen Delgado Luchner, directrice du Centre de langues de l’Unifr. Reste que les idiomes supplémentaires parlés par les étudiant·e·s, les chargé·e·s de cours ou encore le personnel administratif ne sont pas forcément l’une des langues nationales. La globalisation des milieux académiques, les échanges universitaires, ainsi que l’important pourcentage d’habitant·e·s du pays issu·e·s de la migration entraînent un joli panachage linguistique dans les couloirs, les bureaux et les salles de cours. «Sans oublier le fait que l’anglais prend de plus en plus d’importance dans certaines disciplines académiques, notamment les sciences.»

La nouvelle politique des langues de l’Unifr, qui a été mise en consultation l’an dernier, intègre cette donne et se veut le reflet du plurilinguisme. Le Centre de langues, qui dispose d’une vision d’ensemble privilégiée de la réalité linguistique au sein de l’institution, aura, sans surprise, un rôle clé à jouer dans la concrétisation de cette stratégie. «Nous souhaitons notamment participer à l’élaboration de recommandations et être une source d’informations et de bonnes pratiques, précise Carmen Delgado Luchner. Nous avons par ailleurs déjà entrepris certains changements au sein de notre propre offre, afin de coller au mieux avec la réalité du terrain.»

Plurilinguisme au quotidien
Pour mémoire, le Centre de langues est rattaché à la Direction de l’Unifr. Sa principale mission consiste à proposer un large éventail de cours de langues spécifiques au contexte universitaire. «Pour nous, l’enjeu principal est de permettre aux membres de la communauté universitaire de fonctionner au quotidien dans un environnement académique plurilingue», poursuit la directrice. Actuellement, l’offre comporte des cours d’allemand, d’anglais, de français et d’italien. Le Centre propose en outre des cours spécifiques au droit, des outils d’auto-apprentissage pour une cinquantaine de langues, ainsi qu’un programme de facilitation des tandems linguistiques.

«Chaque semestre, quelque 750 personnes profitent de nos cours et d’une soixantaine de nos projets d’auto-apprentissage», souligne Carmen Delgado Luchner. Parmi elles, les membres du corps estudiantin représentent «une écrasante majorité». C’est d’ailleurs «l’une des tendances que nous souhaiterions modifier, notamment en encourageant le personnel administratif et académique à suivre davantage nos cours». Dès l’automne 2022, l’offre sera étoffée afin d’accueillir des cours de langues axés sur les besoins du personnel administratif. Autre nouveauté, déjà en vigueur: depuis la rentrée 2021, les personnes rattachées à certaines structures externes à l’Unifr – hautes écoles spécialisées en tête – ont également accès aux prestations du Centre. «Nous voulons ainsi soutenir le plurilinguisme dans d’autres institutions du canton.» Dans le même ordre d’idées, les membres de l’Association Alumni et Amis de Unifr peuvent désormais profiter des cours de langues.

Côté intérêt en fonction des facultés, la responsable observe que celle des lettres et des sciences humaines est la plus représentée. «Ce n’est en soit pas étonnant, puisqu’il s’agit de la faculté la plus importante de l’Université et que les étudiant·e·s et les professeur·e·s qui la fréquentent ont une sensibilité accrue pour les langues.» Reste que cette participation plus élevée que la moyenne doit aussi être mise en lien avec «la proximité géographique, le Centre étant situé, tout comme la Faculté, sur le site de Miséricorde».

Là aussi, il y a du changement dans l’air. «Même si l’enseignement en présentiel demeure essentiel à un apprentissage optimal des langues, les expériences faites durant la pandémie de covid-19 nous ont montré que les cours à distance permettent d’atteindre un public plus large, notamment des alumnae et des alumni, des doctorant·e·s et des étudiant·e·s d’autres facultés.» Une offre virtuelle devrait donc être pérennisée au-delà de la crise sanitaire, afin de compléter l’offre présentielle.

Français le plus demandé
Quelle est la langue qui a le plus de succès auprès de la «clientèle» du Centre? «Les cours de français demeurent les plus sollicités, devant ceux d’allemand, note Carmen Delgado Luchner. Il faut dire que même si notre Université est officiellement bilingue, le français et l’allemand n’y ont pas la même importance: alors qu’il est tout à fait envisageable de vivre et d’étudier à Fribourg en n’ayant pratiquement aucune notion d’allemand, ce n’est pas le cas pour le français.» L’Université «reflète ainsi la réalité de la Ville de Fribourg, où l’allemand est présent mais minoritaire».

Parallèlement, l’importance de l’anglais, langue académique par excellence, ne cesse d’augmenter. Cela peut créer des conflits de priorités parmi les étudiant·e·s: est-il préférable de maîtriser une deuxième langue nationale, afin de doper ses chances sur le marché suisse du travail, ou de se focaliser sur la langue de Shakespeare? «Pourquoi choisir?, rétorque, très pragmatique, la cheffe du Centre de langues. Selon les théories actuelles, apprendre plusieurs langues en même temps n’est pas en soi un problème; tout dépend de l’objectif.»

Ainsi, une personne souhaitant booster très rapidement ses connaissances en italien, afin de participer à un projet de recherche sur le terrain au Tessin «aura intérêt à se concentrer sur cette langue uniquement». A l’inverse, si son but est d’être capable de se faire comprendre dans les situations du quotidien ou d’apprendre une langue sans échéance particulière, il n’y a aucune contre-indication à ce qu’elle suive des cours dans ces deux langues simultanément. «En Suisse, tout comme dans le monde occidental en général, l’apprentissage des langues est très intimement lié à la notion de performance; on a tendance à penser que parler une langue, c’est la maîtriser parfaitement, sans faire de fautes», regrette Carmen Delgado Luchner. Or, «la langue, c’est du relationnel avant tout, il faut la penser comme une ressource communicative».

Coups de cœur linguistiques
Quelle meilleure occasion de sensibiliser à la question du plurilinguisme que la Journée internationale de la langue maternelle? Dans le cadre de cet événement qui a lieu le 21 février, le Centre de langues de l’Unifr lance un concours en ligne intitulé «Mot coup de cœur». Du 7 février au 6 mars 2022, toutes les personnes en lien avec l’Alma mater fribourgeoise ont la possibilité d’envoyer un terme ou une expression tirés de leur langue maternelle (ou de toute autre langue) qu’ils affectionnent tout particulièrement parce qu’ils sont intraduisibles ou «manquent» dans les autres langues. Trois gagnant·e·s seront tirés au sort.

Vous souhaitez soumettre un mot? Rendez-vous ici à partir du 7 février.

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Author

Journaliste indépendante basée à Berne, elle est née au Danemark, a grandi dans le Canton de Fribourg, puis a étudié les Lettres à l’Université de Neuchâtel. Après avoir exercé des fonctions de journaliste politique et économique, elle a décidé d’élargir son terrain de jeu professionnel aux sciences, à la nature et à la société.

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