Le prix de l’enthousiasme

Le prix de l’enthousiasme

Elle ne ménage ses efforts ni pour transmettre sa passion pour la psychologie aux étudiant·e·s, ni pour les inciter à sortir des sentiers battus. Juste avant de quitter l’Unifr pour ouvrir son cabinet, Dahlila Spagnuolo a été désignée meilleure enseignante de l’alma mater.

Elle n’aurait pu rêver plus joli cadeau de départ. Alors qu’elle s’apprêtait à quitter l’Université de Fribourg pour ouvrir son cabinet de consultations psychologiques, Dahlila Spagnuolo s’est vu attribuer le prestigieux Credit Suisse Award 2023, qui récompense le ou la meilleur·e enseignant·e de l’Unifr sur proposition des étudiant·e·s. Cette spécialiste des méthodes psychocorporelles et de la pleine conscience n’en revient toujours pas. «La liste des candidat·e·s était aussi longue qu’impressionnante; la plupart avaient une expérience de l’enseignement bien plus grande que la mienne.» Durant 5 ans assistante-doctorante en psychologie clinique et de la santé à l’Unifr, Dahlila Spagnuolo suppose que «le côté innovant de ses cours a fait mouche.» Elle poursuit: «Ce qui ressort généralement des évaluations de mes étudiant·e·s, c’est qu’ils apprécient de pouvoir expérimenter en personne la matière enseignée.» Ses cours portant sur les techniques psychocorporelles comportent toujours des exercices pratiques d’auto-hypnose ou de méditation en pleine conscience.

Pas une «super experte»
L’enseignement «est de loin la partie de mon assistanat que j’ai la plus aimée», rapporte celle dont les recherches portent principalement sur les expériences extraordinaires de conscience telles que mort imminente, états mystiques ou induits par des substances. Interrogée sur son style d’enseignement, Dahlila Spagnuolo répond en souriant: «Il est guidé par la passion; si j’en crois les commentaires des étudiant·e·s, je me ‹distingue› par mon dynamisme et ma recherche infatigable de l’interaction, des échanges.» Elle précise: «Pour moi, il est essentiel que le vécu individuel des participant·e·s soit mis à profit du collectif.» Chaque cours est donc différent en fonction de l’auditoire. «Je me suis certes fixé des lignes directrices mais j’essaie de m’adapter sans cesse.»
La lauréate du prix décerné chaque année par la Credit Suisse Foundation – qui est remis dans de nombreuses hautes écoles du pays – confie que les outils de la psychologie l’ont sans doute aidée à devenir une meilleure enseignante. «Le fait d’aborder en cours certaines matières en posant des questions de nature émotionnelle peut être un vrai avantage.» Elle cite la schizophrénie et l’hypnose. «Je commençais par demander à mes étudiant·e·s comment ils se sentaient par rapport à ces sujets, s’ils avaient des a priori.» Ces thématiques étant médiatisées et induisant parfois des appréhensions, «il est important de vérifier que chacun·e se sentira à l’aise dans sa future profession de psychologues».
Au-delà de ces exemples, «mes cours sont forcément influencés par ma casquette de psychologue, étant donné que tout est imbriqué dans mes activités: je n’ai jamais vraiment fait la différence entre la recherche, l’enseignement et le cabinet». Après un bref instant de réflexion, Dahlila Spagnuolo ajoute: «Le fait que je suis jeune, que je ne me positionne pas comme « super experte » et que je prends en compte les opinions des étudiant·e·s contribue probablement aussi à donner un caractère un peu particulier à mes cours.»

Eviter les autoroutes
L’enthousiasme pour l’enseignement de celle qui s’est formée, parallèlement à ses études de psychologie, en hypnose thérapeutique, semble donc ne résister à rien. A rien? Pas tout à fait. «Je n’ai jamais été à l’aise avec le fait de devoir donner des notes aux étudiant·e·s», avoue-t-elle. «Je n’aime pas trop le concept qui se cache derrière l’évaluation, surtout quand il faut annoncer une mauvaise nouvelle à quelqu’un; pour une psy, c’est presque contre-nature!» Heureusement, à ses débuts, la jeune chargée de cours a pu bénéficier du soutien du Centre de didactique de l’Unifr. «Cela m’a beaucoup aidée; il ne faut pas oublier que contrairement aux profs des niveaux primaire et secondaire, celles et ceux du tertiaire n’ont pas suivi une formation ad hoc, donc doivent apprendre sur le tas.»
Malgré le plaisir à transmettre les ficelles du métier à la future génération de psychologues – et surtout à veiller à ce qu’ils n’empruntent pas, par manque d’options et d’informations, les «autoroutes» de la discipline – l’appel du terrain aura été le plus fort. C’est désormais dans les locaux de son nouveau cabinet, situé à Villars-sur-Glâne, qu’officie Dahlila Spagnuolo. Un espace où il est possible d’emmener les patient·e·s sur des chemins de traverse, par exemple grâce aux états modifiés de conscience induits par l’hypnose ou par la respiration holotropique. La psychologue propose également l’accompagnement de personnes en fin de vie ou endeuillées, ou encore de celles peinant à se remettre de leurs expériences avec des substances psychotropes.
«J’ai été interpellée dès l’adolescence par la question des états modifiés de conscience et des phénomènes paranormaux», se souvient Dahlila Spagnuolo. «Je dévorais les livres du psychanalyste Jung, qui s’y intéressait de près.» Depuis le début de ses études de psychologie à l’Unifr en 2009, la jeune femme s’est intéressée «aux accès les plus directs possibles à l’inconscient». En testant elle-même diverses méthodes, elle a réalisé que certaines d’entre elles, dont l’hypnose, «étaient redoutablement efficaces». Novatrice il y a quinze ans, cette ouverture fait de plus en plus d’adeptes aujourd’hui. «Pour de nombreuses personnes, la psychothérapie « classique » atteint ses limites; elles ont envie de combiner les approches.»

Bientôt un CAS en écopsychologie?
Durant ses années d’enseignement, Dahlila Spagnuolo n’a eu de cesse de répéter à ses étudiant·e·s que «chaque patient·e est unique, qu’il faut user de créativité pour l’aider au mieux». Et de les inciter à remplir régulièrement leur caisse de nouveaux outils, notamment tirés de leur propre expérience, «afin d’être en mesure de proposer un suivi sur mesure». Ce chemin pour une formation en psychologie la plus diversifiée possible, incitant les thérapeutes et futur·e·s thérapheutes à sortir des sentiers battus, elle compte bien continuer à le suivre même si elle n’enseigne plus au sein de l’Unifr. «Un de mes rêves est de monter un CAS (certificate of advanced studies) en écopsychologie», une discipline encore peu connue qui investigue les bienfaits sur l’environnement et sur l’état psychique de la qualité de notre lien avec la nature.

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Author

Journaliste indépendante basée à Berne, elle est née au Danemark, a grandi dans le Canton de Fribourg, puis a étudié les Lettres à l’Université de Neuchâtel. Après avoir exercé des fonctions de journaliste politique et économique, elle a décidé d’élargir son terrain de jeu professionnel aux sciences, à la nature et à la société.

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