Si son expertise médicale enrichit sa recherche, ses connaissances scientifiques l’aident à mieux comprendre les maux de ses patient∙e∙s. La docteure Joëlle Chabwine tire le meilleur parti de ses deux casquettes: celle de neurologue à l’Hôpital de Moutier et celle de chercheuse dans le groupe du Professeur Spierer à l’Université de Fribourg. Dans le cadre de la Semaine du cerveau, elle donnera une conférence mercredi 13 mars prochain.
En clinique comme au laboratoire, Joëlle Chabwine a un seul objectif en tête: «mieux comprendre pour mieux traiter ». A la fois docteure en neurosciences fondamentales et médecin neurologue, elle s’intéresse aux mécanismes qui sous-tendent la résilience du cerveau face à différentes pathologies. En mettant en lumière les processus neurologiques qui se cachent derrière des symptomatologies bien précises, la chercheuse espère progresser vers des traitements toujours plus ciblés et personnalisés. Ainsi, son expertise médicale est indissociable de ses travaux académiques. «Quand je fais de la recherche, c’est toujours inspiré par mon expérience clinique», raconte-t-elle.Plus qu’un travail, une passion
Pourtant, combiner pleinement travail clinique et projets de recherche est aussi complexe que peu usuel. «Avoir un pied dans chaque monde, rêve de bon nombre de médecins, s’avère difficile à concrétiser dans la réalité et requiert son lot de sacrifices», explique la docteure. En effet, les critères d’excellence sont si élevés, d’un côté comme de l’autre, que l’on ne peut les atteindre qu’en se consacrant entièrement à un seul des deux domaines. De plus, pratiquer les deux activités en parallèle relève de la vocation: «Ce sont deux jobs à plein temps même si on les fait chacun à temps partiel.» Pour Joëlle Chabwine, c’est toutefois la passion qui l’emporte. «Je fais de la recherche sérieusement, affirme-t-elle, mais le plaisir et la satisfaction que j’en tire en font un hobby!»
Décoder le langage des neurones
Dans ses recherches sur les douleurs chroniques comme dans celles portant sur l’adaptabilité, ou «plasticité», du cerveau à la suite d’une lésion telle qu’un accident vasculaire cérébral (AVC), la scientifique s’appuie sur un outil dont elle a acquis la maîtrise durant sa formation de neurologue: l’électroencéphalogramme (EEG). Cette technique consiste à capter l’activité électrique des neurones dans le cerveau grâce à des électrodes placées sur la tête du sujet. «Cette activité électrique, on peut essayer de la décoder, explique la chercheuse. Avec la technologie actuelle, il est possible d’enregistrer et d’individualiser plusieurs types d’activité selon leur gamme de fréquences. L’enjeu est ensuite d’essayer de comprendre ce que nous disent ces activités.» En dépit des caractéristiques bien spécifiques à chacune des pathologies qu’elle étudie dans ses deux axes de recherche, Joëlle Chabwine confie être «convaincue que la plasticité cérébrale a probablement certaines modalités et mécanismes communs aux différentes situations qui ‹attaquent› le cerveau».
Les séquelles cognitives: un handicap invisible mais bien réel
Il y a quelques années, la neurologue a été amenée à constater que, à leur sortie d’hospitalisation, les personnes victimes des séquelles cognitives d’un AVC ou d’une autre lésion cérébrale manquent cruellement d’un suivi adapté. «Une fois qu’on passe en phase chronique, c’est fini. On les oublie, en fait», déplore-t-elle. Non seulement mal compris, les problèmes cognitifs sont aussi stigmatisants du fait de leur invisibilité. En effet, il n’est pas rare pour les patient∙e∙s concerné∙e∙s de s’entendre dire: «Tu as de la chance, tu n’es pas en fauteuil roulant, pourquoi tu ne travailles pas?». Pourtant, la docteure connaît «un bon nombre de patient∙e∙s qui n’ont pas de paralysie, mais qui n’ont jamais pu retravailler.» Pour elle, les problèmes cognitifs méritent autant d’attention que les problèmes physiques, «parce que ça handicape tout autant, sinon même plus. »
Valoriser les aptitudes qui restent
Pour pallier ce manque, Joëlle Chabwine a développé une prise en charge spécialisée dans ce genre de troubles, faisant appel à divers thérapeutes tels que des neuropsychologues et des ergothérapeutes. L’ouverture prochaine de son cabinet indépendant en terres fribourgeoises lui permettra en outre, elle l’espère, d’élargir son réseau à des institutions non-médicales, afin d’offrir aux victimes de séquelles cognitives de meilleures opportunités de réinsertion dans la société. «La plupart des gens dépriment parce qu’ils se sentent inutiles, même s’ils ont retrouvé une certaine autonomie dans la vie quotidienne», souligne la médecin. A terme, elle imagine la mise en place de programmes permettant de valoriser les compétences résiduelles de ces patient∙e∙s en leur proposant des activités adaptées, sans exigence de rendement professionnel. «Même en pensant économie» raisonne-t-elle, «ce sont l’Etat et nos impôts qui paient les rentes d’invalides.» Donc habiliter ces personnes à mettre à profit ce qui leur reste de capacités «est bénéfique à la fois pour elles, car elles se sentent utiles, mais aussi pour la société qui bénéficie de bras volontaires en plus».
Envie d’en savoir plus?
Au vu de la méconnaissance générale de leurs difficultés, le premier pas vers une meilleure inclusion des victimes de troubles cognitifs est de sensibiliser le grand public. C’est la raison pour laquelle, à l’occasion de la Semaine du Cerveau 2024, Joëlle Chabwine a décidé d’aborder cette thématique dans une conférence intitulée: «Ouf ! Je ne suis pas paralysé·e à la suite de mon AVC! Mais j’ai des difficultés à fonctionner dans ma tête» .N’hésitez pas à venir l’écouter le mercredi 13 mars prochain à 19h00, dans la salle A140 du bâtiment PER21 !
- Joëlle Nsimire Chabwine
- Semaine du cerveau 2024 à Fribourg
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