Un meurtre à résoudre le temps d’un bon repas

Un meurtre à résoudre le temps d’un bon repas

Début novembre, la troupe universitaire Les Apostrophes organisait la deuxième édition de son festival de théâtre amateur Entrée Public! Reportage.

Casquette façon béret, veston en tweed, l’inspecteur entre en catimini dans la salle du café alors que les convives ont repris leurs conversations après l’amuse-bouche. «Un piquenique a mal tourné, lance-t-il à la ronde. Six ami·e·s y étaient réuni·e·s, l’un d’eux s’est endormi pour ne jamais se réveiller.» Et d’inviter les spectateurs et spectatrices: «Tu peux m’aider, si ça te chante! La scène va être reconstituée.»

Ni une ni deux, plusieurs jeunes se rejoignent autour d’une bouteille et d’un paquet de chips. Les vannes fusent sur fond de bisbille et de cachoteries. Il y a un couple, la sœur de l’amoureuse, un jeune homme jaloux, une jeune fille qui semble très avinée et une autre un peu hystérique.

Difficile de saisir les liens entre chacun·e ni de comprendre la nature des tensions entre certains membres de la bande. Tout tourbillonne et va très vite. «Ils n’ont même pas dit qui était mort», souffle une dame à la table derrière, alors que le calme est revenu. Méthodiques, les deux jeunes femmes de la table d’à côté ont pris des notes et complètent par des flèches et des bulles en croisant leurs impressions. A l’évidence, ce n’est pas la première fois qu’elles se prêtent au jeu d’un Meurtre et Mystère.

Ce soir-là, la troupe de théâtre amateur Les Apostrophes, constituée d’étudiant·es francophones de l’Université de Fribourg, a investi le Café de l’Ours, en Basse-Ville, pour en faire la scène du crime. Ce spectacle est inscrit au programme du Festival Entrée Public!, dont Les Apostrophes organisaient la deuxième édition en ce début novembre.

Durant les sept jours de la manifestation, la troupe de l’Unifr et d’autres troupes amateurs ont proposé spectacles et ateliers à différents endroits de la ville. Les spectacles d’improvisation, les trois représentations-repas Meurtre et Mystère et la pièce Une histoire d’amour sont ceux qui ont connu le plus vif succès. Contente de cette édition, la commission organisatrice espère trouver de la relève pour mettre sur pied le festival l’année prochaine.

Interrogatoires à l’heure du dessert
Alors que le personnel du restaurant sert une crème de courge en entrée, les conversations reprennent leur cours. Le scénario énigmatique de la première scène se fait un peu oublier dans les effluves délicats de truffes. Jusqu’à ce que l’inspecteur revienne, en brandissant son carnet de notes: «Voilà, c’était la dernière fois qu’on les a vus ensemble.» Et de s’éclipser à nouveau pour laisser place au tourbillon d’acteurs·trices.

Ça crie, ça pleure, ça court d’un côté à l’autre… Lavande Pissenlit a été retrouvée morte à côté d’un rocher. Il faut appeler les secours ou la police. Vite! Les cinq protagonistes encore vivants referment derrière eux la porte située entre les deux salles du café. Les convives se regardent dubitatifs. «Vous avez compris ce qui se passe?», tente une dame auprès d’un serveur. «Désolé, non, je n’ai pas suivi», répond celui-ci en apportant le plat principal.

Les tablées croisent les indices relevés. C’est qu’entre temps, l’inspecteur a distribué une fiche à remplir. Chacun·e devra donner sa version des faits en nommant le ou la coupable, le mode opératoire et le mobile du crime. Mais pas avant d’avoir assisté aux interrogatoires des membres de la bande par le «meilleur inspecteur du canton» ni de les avoir questionnés soi-même, à l’heure du dessert.

«Le Meurtre et mystère est un bon moyen de faire découvrir le théâtre dans un autre contexte», relève Chloé Débaz, en aparté. Metteuse en scène et inspecteur pour l’occasion, elle est également l’autrice de la pièce jouée ce soir-là par Les Apostrophes.

«J’aime écrire, mais je n’ai pas beaucoup d’expérience. C’était même une première! Ce format, avec trois parties assez courtes, me rassurait.» Au-delà du texte, Chloé Débaz apprécie l’interaction avec le public et le jeu d’improvisation auquel doivent se prêter les acteurs·trices lors des interrogatoires par les convives.

Malgré les pièces à conviction mises à disposition et les indices révélés, une seule tablée a su deviner qui était le coupable, sans pouvoir résoudre l’entier du crime. «C’est souvent comme ça dans un Meurtre et mystère, rigole un spectateur en remettant son manteau. On a beau se triturer les méninges, tout est suffisamment tordu pour que le mystère reste entier.»

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Author

Sophie Roulin a d’abord exercé sa plume dans les rubriques régionale et magazine du journal La Gruyère, avant de reprendre sa liberté et de devenir indépendante. Ce choix lui permet d’élargir encore son horizon professionnel et de remettre davantage de sciences dans les thématiques abordées. Avant de se tourner vers le journalisme, elle a étudié les géosciences à l’Université de Fribourg.

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