Vers une médecine plus intégrative: Transmettre l’ouverture d’esprit aux médecins de demain

Vers une médecine plus intégrative: Transmettre l’ouverture d’esprit aux médecins de demain

La médecine intégrative, trait d’union entre deux mondes de la santé trop longtemps dissociés, a une place privilégiée dans le cursus médical de l’Université de Fribourg. Le deuxième article de cette mini-série explore pourquoi et sous quelles formes les médecines complémentaires sont enseignées ici. À l’honneur: un camp hors du commun organisé chaque année par l’Institut de médecine de famille.

Une église désacralisée et une vieille bâtisse, nichées auprès d’une cascade légendairement guérisseuse; c’est là qu’a eu lieu, du 1er au 6 mai derniers, la quatrième édition du stage annuel de l’Institut de médecine de famille (IMF) de l’Université de Fribourg. Ce camp est une occasion rare pour les étudiant∙e∙s entamant leur dernière année de médecine de découvrir, par l’expérience, des pratiques qui ne sont que peu abordées dans leur cursus ordinaire, et ainsi d’élargir leurs perspectives en matière de médecine de famille. Shiatsu, phytothérapie, médecine chinoise ou encore baignade en eau froide figurent parmi les approches thérapeutiques ou prophylactiques qui leur sont présentées au cours de cette semaine. Mais alors, pourquoi introduire la médecine intégrative dans la formation des professionnel∙le∙s de la santé?

Une ancienne église transformée en salle de formation

Un programme pluridisciplinaire
Tout d’abord, parce que «c’est obligatoire selon la loi sur les professions médicales», explique Pierre-Yves Rodondi, médecin généraliste et directeur de l’IMF. Si cette loi ne définit aucune durée minimale pour les cours dédiés aux médecines complémentaires, le cursus de l’Université de Fribourg est plutôt visionnaire en la matière. Créé en 2019 par le professeur Rodondi et son équipe, le programme de médecine intégrative du nouveau master comprend plusieurs cours, répartis sur la durée, dans lesquels des vignettes cliniques sont abordées sous un angle pluridisciplinaire. «Il y a eu cette volonté, très rapidement, de collaborer entre les différentes spécialités», raconte le médecin. En effet, il est important pour lui que l’enseignement des thérapies complémentaires ne se fasse pas en marge des autres cours, comme cela a trop longtemps été le cas. Faire communiquer les disciplines plutôt que de les ranger dans des boîtes séparées permet aux étudiant∙e∙s de découvrir non seulement la polyvalence des médecines non-conventionnelles, mais surtout leur complémentarité avec les méthodes classiques.

Offrir une perspective plus large
L’objectif principal, en enseignant la médecine intégrative, c’est d’informer les étudiant∙e∙s du fait que la patientèle a fréquemment recours à des thérapies complémentaires, et ce, sans forcément en parler à son ou sa médecin de famille. «Juste de savoir de quoi on parle, cela peut déjà aider à dialoguer avec le ou la patient∙e», indique le professeur Rodondi. Une démarche essentielle pour accompagner la personne au mieux dans son parcours de soins, tout en garantissant sa sécurité.

Par ailleurs, l’immense intérêt d’inclure une perspective intégrative au cursus de médecine est d’inciter les étudiant∙e∙s à questionner les dogmes. «Classiquement, les études de médecine formatent les médecins à avoir une approche rigoureuse, scientifique», expose Olivier Pasche, vice-directeur de l’IMF, «mais il manque une ouverture à des référentiels qui sortent du cadre de la pensée dominante». En tant que responsable de l’enseignement, ce médecin de famille considère que les études se doivent d’offrir cette perspective aux soignant∙e∙s de demain. «Même dans l’ensemble de la médecine, ajoute le professeur Rodondi, la manière de traiter évolue.» Il est donc essentiel, selon ses mots, «d’amener les étudiant∙e∙s à cette compréhension que les choses changent, que les cultures, les visions évoluent et les données vont évoluer».

Cultiver les liens intergénérationnels
Tout en s’inscrivant dans cette démarche, le stage de l’IMF a des objectifs supplémentaires qui lui sont propres. L’un d’eux est de donner aux étudiant∙e∙s un aperçu de la diversité du métier de médecin de famille. Le temps d’un jour, le Cantorama – ancienne église délestée de ses attributs religieux – s’est transformée en salle de formation continue pour 17 médecins enseignant∙e∙s. Lors des jeux de rôles de l’après-midi, les étudiant∙e∙s ont pu se rendre compte du fait que chaque médecin a une manière unique de consulter. Par ailleurs, cette journée a aussi été l’occasion de «cultiver l’esprit de famille au sein de la médecine de famille», comme l’exprime le docteur Pasche, «en faisant découvrir aux étudiant∙e∙s qu’il s’agit aussi d’un environnement de gens qui se connaissent et qui ont du plaisir à être ensemble». Un objectif atteint, si l’on se fie à l’enthousiasme des jeunes médecins!

Etoffer ses compétences pour répondre à des besoins variés
Ce qui fait la richesse de la médecine de famille, c’est aussi l’éventail de spécialités qui peuvent y être intégrées. En découvrir quelques-unes dans leurs cours ou lors du camp de l’IMF peut donner envie aux étudiant∙e∙s d’étoffer leur pratique future dans le cas où ils ou elles deviendraient médecins généralistes. Et pour cause: en élargissant son champ de compétences, un∙e médecin de famille peut traiter toute une panoplie de maux directement au cabinet, et donc réduire le nombre de patient∙e∙s référé∙e∙s à des spécialistes.

L’une de ces spécialités, c’est la médecine manuelle, présentée lors du stage par le docteur Vincent Amstutz. «Les étudiant∙e∙s qui veulent faire de la médecine générale vont être confronté∙e∙s à une quantité énorme de problématiques douloureuses», explique-t-il. «Or, on ne nous apprend ni comment les traiter, ni comment rendre les gens autonomes.» Pour lui, il est donc important que les futur∙e∙s médecins entendent déjà parler de ce genre de techniques durant leurs études.

Diana Walther, médecin spécialisée en prévention et santé publique, abonde dans ce sens. Elle est venue présenter aux étudiant∙e∙s quelques stratégies issues de la médecine du mode de vie qui permettent d’aider les patient∙e∙s à mettre en place des changements durables dans leur quotidien. Que ce soit en cabinet ou en hôpital, cette approche demeure étonnamment marginale. Selon la docteure, cela s’explique par le fait que la médecine du mode de vie ne figure pas dans le cursus universitaire obligatoire. «Je pense qu’il est essentiel que chaque étudiant∙e en médecine entende parler de cela, affirme-t-elle, d’un côté parce que l’impact peut être majeur, et de l’autre côté parce que c’est la base de la santé, en fait!»

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Author

Après l’obtention de son Master en biologie à l’Université de Fribourg, Léa se tourne vers la communication scientifique afin d’allier sa passion du vivant avec celle de l’écriture. Avec un intérêt particulier pour les domaines de la médecine, de la neurobiologie et de la botanique, son activité de rédactrice web lui permet de réaliser un objectif qui lui tient à cœur : celui de bâtir des ponts entre le monde de la recherche et la société.

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