La thèse de Master constitue non seulement l’ultime épreuve avant de conclure son parcours académique, mais aussi, pour qui sait s’y prendre, un excellent tremplin vers la vie professionnelle. Désireux d’aborder un sujet ancré dans le monde réel, Alexandre Cattin, étudiant en géographie humaine, s’est penché sur les réseaux d’irrigation dans la Broye. Il se peut fort que cette étude de terrain lui ait ouvert les portes du monde du travail.
Comment avez-vous eu l’idée d’aborder le thème de l’irrigation dans la Broye dans le cadre de votre thèse de Master?
Je souhaitais par-dessus tout traiter d’un sujet concret et pratique, ce qui n’est malheureusement pas souvent le cas dans le milieu académique, souvent très, voire trop théorique à mon goût. J’ai fait part à Olivier Graefe, mon superviseur de thèse, de mon intérêt pour la gestion des ressources naturelles, l’agriculture et l’aménagement du territoire. C’est lui qui m’a, après réflexion, proposé le thème de l’irrigation dans la Broye. C’est une problématique pratique et importante. D’ailleurs, dans mon travail actuel au Service de l’environnement du canton de Fribourg, je touche à ces trois thématiques!
Avez-vous pu tirer profit de vos liens avec le monde agricole pour mener vos entretiens sur le terrain? Les agriculteurs·trices se méfient souvent des « gratte-papiers », non?
Effectivement, mon cousin est agriculteur à Cornol et, enfant, j’allais souvent y passer des vacances. Comme il est essentiel de connaître son public pour mener des entretiens scientifiques, je pense que cela m’a aidé. En leur parlant de cette partie de mon histoire, je leur montrais que, bien que considéré comme un «gratte-papier», je comprenais leurs valeurs et leurs préoccupations actuelles. Cela a permis de briser certains a priori. J’ai aussi eu la chance de pouvoir faire relire mes questions à mon cousin agriculteur. Il m’a donné des conseils, notamment sur la formulation des phrases, ce qui m’a été très utile.
Quelles compétences votre cursus en géographie humaine vous a-t-il apportées (ou non !) pour traiter ce sujet?
Au cours de mes études, j’ai appris à mener des entretiens. Je dirais donc que j’étais relativement préparé à la réalité du terrain, même si le passage de la théorie à la pratique reste un défi: passer de Bourdieu à la Broye exige une certaine souplesse! Je pense aussi que les outils conceptuels transmis à l’université, dont on ne perçoit pas toujours immédiatement la finalité, trouvent naturellement leur application sur le terrain, parfois même sans qu’on en ait pleinement conscience.
Vos résultats ont-ils été présentés en dehors du milieu académique? Ont-ils été utiles à quelqu’un?
Il faudrait poser la question à l’Institut agricole de Grangeneuve! J’espère évidemment qu’ils ont été utiles, que ce soit pour des acteurs·trices académiques ou des instances politiques. L’un des objectifs de mon travail était de comprendre les raisons derrière les décisions des agriculteurs·trices à participer aux projets d’irrigation et ainsi d’identifier des leviers d’actions potentielles pour les intéressé·e·s.
J’ai présenté ma thèse à trois reprises: lors d’un cours de Bachelor sur la géographie de l’eau, à l’Institut agricole de Grangeneuve et enfin lors de ma soutenance. A Grangeneuve, des directeurs·trices d’associations d’irrigant·e·s, des agriculteurs·trices et des chef·fe·s de secteurs étaient présent·e·s. Les discussions ont été très enrichissantes. J’étais ravi de voir que ma thèse suscitait des échanges constructifs. C’était formidable.
Pourquoi les agriculteurs·trices refusent-ils parfois de participer aux projets d’irrigation?
L’aspect financier est bien sûr un facteur, mais ce n’est pas le seul. L’âge joue également un rôle, notamment la question de la relève générationnelle: les enfants de l’agriculteur·trice sont-ils susceptibles de reprendre l’exploitation? Si ce n’est pas le cas, pourquoi investir dans un projet d’irrigation? C’est une problématique qui ne date pas d’hier, comme j’ai pu m’en rendre compte en étudiant ultérieurement les intérêts de l’Etat de Fribourg à participer à la première correction des eaux du Jura. C’était passionnant, car on retrouvait les mêmes enjeux en 1860! Déjà à l’époque, certaines instances politiques affirmaient qu’il était inconcevable de demander aux agriculteurs·trices de sacrifier leurs intérêts individuels au profit de l’intérêt général. Je me suis dit: c’est fou, on en est encore là!
Quelles compétences avez-vous développées grâce à ce travail?
D’une part, il m’a appris à mettre en pratique la théorie assimilée au cours de mes études. D’autre part, il m’a montré l’importance de développer son réseau au-delà du cadre universitaire. Cette thèse, qui m’a valu 60 crédits et a duré un an et demi, équivaut, selon moi, à un véritable stage. Je l’ai beaucoup mise en avant lors de mes entretiens d’embauche, car elle mêlait travail de terrain, collaboration interinstitutionnelle et aspects très concrets. Je tiens à ajouter que nos études, thèse comprise, nous apprennent à être rigoureux, sérieux, organisés et curieux. C’est ce socle qui permet ensuite de se professionnaliser et qu’il faut conserver, quel que soit le domaine.
Est-ce cela qui vous a valu votre poste au Service de l’environnement du canton de Fribourg?
Peut-être! (Rires) Il faudrait poser la question à mon chef, mais c’est fort probable!
- Article de l’Hebdomadaire Agri sur la thèse d’Alexandre Cattin
- Thèse d’Alexandre Cattin
- Photos: Alexandre Cattin
- Une thèse en guise de sésame vers la vie professionnelle - 31.03.2025
- Une thèse en guise de sésame vers la vie professionnelle - 31.03.2025
- Une station de ski trop belle pour être vraie - 27.03.2025